Vacances en un endroit désert. Quoi de mieux que la solitude d’un temps libre pour s’adonner à la prière, au recentrement sur son essentiel

Publié le par Michel Durand

Solitude et silence relatifs, certes. Car, dans le désert total, vide absolu, on ne saurait vivre seul exclusivement par soi-même. En tout lieu et circonstance on a besoin d’autrui. Alors, communions dans le silence.
Vacances en un endroit désert. Quoi de mieux que la solitude d’un temps libre pour s’adonner à la prière, au recentrement sur son essentiel
  • Prière, méditation, contemplation.

Tenir en soi une seule pensée ; esprit ruminant une unique visée. Fixer un regard simple sur une réalité simple. Se laisser prendre par la considération de Dieu qui ne veut que le bonheur de tous.

Entrer dans son amour. Adhérer à La Source, qui, voulue par le Père de toute miséricorde, s’offre à nous, en tout instant, dans nos faux pas : erreurs, péchés… Dieu ne surplombe pas le monde, il chemine avec nous. Il est à nos côtés, comme je l’ai exprimé récemment. Voir ici.

Début mars, au cours de mon temps de retirement rituel (congés annuel), avec l’heure matinale de prière, j’ai relu calmement et avec grand plaisir une homélie des premiers temps de l’Eglise. Je n’ai pas trouvé meilleure présentation de l’importance de dégager du temps pour l’union à Dieu. Je recopie ici ce texte.

J’ai également repensée à une profonde méditation de François Cheng. Je la recopie à la suite de l’homélie trouvée dans l’Office des lectures.

 

La prière est la lumière de l’âme. Homélie du Ve siècle. (Vendredi après les Cendres).

Le bien suprême, c’est la prière, l’entretien familier avec Dieu. Elle est communication avec Dieu et union avec lui. De même que les yeux du corps sont éclairés quand ils voient la lumière, ainsi l’âme tendue vers Dieu est illuminée par son inexprimable lumière. La prière n’est donc pas l’effet d’une attitude extérieure, mais elle vient du cœur. Elle ne se limite pas à des heures ou à des moments déterminés, mais elle déploie son activité sans relâche, nuit et jour. En effet, il ne convient pas seulement que la pensée se porte rapidement vers Dieu lorsqu’elle s’applique à la prière ; il faut aussi, même lorsqu’elle est absorbée par d’autres occupations — comme le soin des pauvres ou d’autres soucis de bienfaisance —, y mêler le désir et le souvenir de Dieu, afin que tout demeure comme une nourriture très savoureuse, assaisonnée par l’amour de Dieu, à offrir au Seigneur de l’univers. Et nous pouvons en retirer un grand avantage, tout au long de notre vie, si nous y consacrons une bonne part de notre temps. La prière est la lumière de l’âme, la vraie connaissance de Dieu, la médiatrice entre Dieu et les hommes.

Par elle, l’âme s’élève vers le ciel, et embrasse Dieu dans une étreinte inexprimable ; assoiffée du lait divin, comme un nourrisson, elle crie avec larmes vers sa mère. Elle exprime ses volontés profondes et elle reçoit des présents qui dépassent toute la nature visible.

Car la prière se présente comme une puissante ambassadrice, elle réjouit, elle apaise l’âme.

Lorsque je parle de prière, ne t’imagine pas qu’il s’agisse de paroles. Elle est un élan vers Dieu, un amour indicible qui ne vient pas des hommes et dont l’Apôtre parle ainsi : Nous ne savons pas prier comme il faut, mais l’Esprit lui-même intervient pour nous par des cris inexprimables.

Une telle prière, si Dieu en fait la grâce à quelqu’un, est pour lui une richesse inaliénable, un aliment céleste qui rassasie l’âme. Celui qui l’a goûté est saisi pour le Seigneur d’un désir éternel, comme d’un feu dévorant qui embrase son cœur.

Lorsque tu la pratiques dans sa pureté originelle, orne ta maison de douceur et d’humilité, illumine-la par la justice ; orne-la de bonnes actions comme d’un revêtement précieux ; décore ta maison, au lieu de pierres de taille et de mosaïques, par la foi et la patience. Au-dessus de tout cela, place la prière au sommet de l’édifice pour porter ta maison à son achèvement. Ainsi tu te prépareras pour le Seigneur comme une demeure parfaite. Tu pourras l’y accueillir comme dans un palais royal et resplendissant, toi qui, par la grâce, le possède déjà dans le temple de ton âme.

 

  • François Cheng

D’après la tradition chinoise, tout être humain est constitué de trois composantes : le jing, le “sperme”, le qi, le “souffle”, et le shen, le “divin”. Sans qu’il y ait une exacte équivalence terme à terme, on peut en gros rapprocher le jing du corps, le qi de l’esprit, le shen de l’âme.

Entre âme et esprit s’établit un rapport complémentaire ou dialectique. Si l’âme est intimement personnelle, l’esprit, lui, a un aspect plus général, plus collectif ; c’est lui qui permet la langage et le raisonnement. Le rôle de l’esprit est central : il contribue à former l’individu et à le situer au cœur du réseau social. L’âme participe de l’essentiel de chaque être, elle est là, entière, dès avant sa naissance, et elle accompagne, toujours entière, jusqu’à son état ultime, même si l’esprit s’altère ou défaille. C’est elle qui absorbant patiemment tous les dons et les épreuves du corps et de l’esprit, est authentiquement fruit conservant intact ce qui fait l’unicité de chacun.

Sur le plan concret, l’esprit fait appel au cerveau, l’âme opère à partir du cœur. L’esprit s’appréhende par l’intellect, l’âme se saisit par l’intuition. C’est ainsi que j’ai pu écrire un jour que “l’esprit se meut, l’âme s’émeut ; l’esprit raisonne, l’âme résonne”. C’est ainsi que nous pouvons aussi constater dans la vie collective une sorte de division du travail assurée par les deux : sont régis par l’esprit le langage, les réflexions philosophiques, les recherches scientifiques et toutes les organisations sociales (politiques, économiques, juridiques, éducatives, sanitaires, etc. ) ; l’âme, elle a le dernier mot pour tout ce qui touche à l’affectivité, aux créations artistiques, à la dimension mystique de destin humain dans sa relation ouverte avec un au-delà ou une transcendance et qui se manifeste par la résonance. Sur elle se concentre toute l’aspiration humaine à l’amour absolu, dans ce qu’il peut avoir de divin.

François Cheng, Cinq méditations sur la mort autrement dit a vie, Albin Michel, 2013, p. 72-73.

Publié dans Eglise, évangile

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