La paroisse au milieu d’un quartier est le signe possible d’une pastorale de proximité.

Publié le par Michel Durand

La paroisse au milieu d’un quartier est le signe possible d’une pastorale de proximité.
La paroisse au milieu d’un quartier est le signe possible d’une pastorale de proximité.

Les rédacteurs de la lettre de l’Antenne sociale de Lyon, économie, politique et société, Regards pour comprendre, m’ont demandé un article concernant ma tâche de curé. Je vous en donne ici le premier jet et, en photo, je vous en montre la belle présentation journalistique. C’est tout le N° 63 , mai 2015 qu’il convient de lire. Je vous invite à le demander à cette adresse : antennesociale@wanadoo.fr

J’ai vécu sur les Pentes de la Croix-rousse de septembre 2002 à septembre 2014 ayant choisi d’habiter dans un appartement, abandonné depuis plusieurs années, construit au XIXe siècle contre l’église Saint-Polycarpe qui, elle, date du XVIIe siècle dans sa partie la plus ancienne. Cette église, entre Saône et Rhône, se situe au centre du quartier des pentes et il me semble logique que le curé d’une paroisse se trouve implanté au milieu des gens dont il a pastoralement la charge. Je rappelle, de suite, que paroisse désigne un territoire et non un local où se réuniraient les fidèles de l’Église catholique.

Sous le régime monarchique, c’était la chapelle des oratoriens. Devenu église paroissiale à la Révolution française, les curés de l’époque, dont le premier, l’Abbé Rozier, n’avaient ni logement,  ni locaux adaptés à leur mission. En effet, toutes les propriétés religieuses avaient été confisquées par l’État et vendues comme biens publics y compris les murs mitoyens à l’église. Je pense que c’est pour cela, que faute de terrain, on construisit dans le climat de l’Empire, le Concordat, des immeubles de trois ou quatre étages contre l’église. En 1905, la société civile en devient propriétaire. Notons encore, dans ce bref historique, que les deux autres églises du quartier*, Saint-Bernard et le Bon Pasteur, furent construites par la volonté de Napoléon III. Cet empereur estimait que le rôle de l’Eglise contribuait à maintenir les bonnes mœurs, invitant au travail, à l’obéissance au patronat hors de toutes révoltes : « un curé, ça vaut trois gendarmes ».

Les canuts, même s’ils se disaient heureux d’avoir leur église Saint-Bernard, ne partageaient pas cette vision.

Un esprit de résistance au capital et à l’Eglise qui lui est traditionnellement proche, demeure sur les pentes de la Croix-rousse. Les églises (les bâtiments) Saint-Bernard et Saint-Paul sont sous-utilisées, fermées et abandonnées depuis plus de 30 ans. Par contre, en cette période, se multiplient les locaux qui abritent des ateliers alternatifs, des groupes libertaires, des théâtres de poche, des habitats communautaires (nombreux dans les années 70 et 80), des ateliers d’artistes. L’écologie radicale, base de l’objection de croissance, du refus de la consommation illimité a trouvé dans cette histoire un bon terreau. Suite à la restauration des appartements des canuts, sans le confort du XXe siècle et à faible loyer, notons encore qu’une population nouvelle prend la place des immigrés. Une population, bourgeoise, mais également bohême, investit le quartier tout en disant avoir totalement réglé la question de leur baptême chrétien. Ils ne fréquentent plus l’Église.

Ceci dit, est venu le moment de répondre à la question : quelle place, quel rôle, quelle action peut avoir l’Église, par le biais des paroisses, dans la vie et la structuration d’un quartier ?

L’Église, ce n’est pas seulement le curé. C’est toute la communauté qui reconnaît en Jésus, le Christ. Je parlerai tout d’abord du logement du curé et de la vie conviviale de la maison paroissiale. Leur présence à proximité des personnes, l’ouverture de lieux à qui se trouve sans logement, la tenue de rencontres intitulées toi d’écoute créent des liens qui transpirent dans la rue. Le commerce de la drogue a, semble-t-il continué, mais le fait que nous nous saluons a changé les rapports.

La communauté chrétienne n’étant pas surchargée de culte (l’historique ci-dessus en donne la raison), j’estime qu’elle ne peut que prendre conscience de son devoir d’entrer en dialogue avec toutes et tous notamment dans les lieux associatifs existants. En plus de ses activités cultuelles, elle ressent spontanément la nécessité de s’engager auprès des personnes là où elles vivent. J’ai observé cette réalité dans l’organisation du soutien scolaire auprès de nombreuses familles migrantes.

Personnellement, dans un autre domaine, celui de l’expression culturelle, j’ai vécu concrètement cette ouverture dès les débuts de ma présence dans le premier arrondissement. Ce fut l’accueil d’une troupe de théâtre en recherche de locaux pour ses répétitions. La maison paroissiale pouvait sans problème, dégager un espace de 100 m2 à leur intention.

Puis ce fut l’aménagement d’une autre salle, 300 m2 environ, sorte d’espace sanitaire entre l’église, bâtiment du XIXe et la colline qui fut creusée pour permettre l’agrandissement de la chapelle du XVIIe, déjà très vaste. La compétence technique d’habitants du quartier, membres à leur façon de la communauté ecclésiale, permit la restauration de ces locaux abandonnés.

Ce fut les contacts avec l’association Réseau Éducation sans frontières, pour tenter de répondre aux problèmes de reconduite à la frontière de parents dont les enfants étaient scolarisés sur le quartier.

Ce fut l’invitation officielle de la communauté à l’anniversaire de l’Association David et Jonathan, qui tient ses permanences rue des Capucins.

Ce fut le dialogue avec des écologistes qui, dans leur quête d’une vie sobre, simple et fraternelle, se rappelèrent que les Évangiles tenaient ce langage.

Ce fut, c’est toujours du reste, le temps fraternel que les fidèles chrétiens vivent chaque dimanche à l’occasion d’un apéritif après l’eucharistie : temps de partage, de rencontre et d’échanges de nouvelles.

Ce fut… je ne peux tout décrire.

Comment tout cela structure-t-il le quartier ?

J’avoue ma difficulté à répondre à la question. Ce que je peux en dire, c’est que depuis les années 70, j’ai eu la preuve que les chrétiens de l’Église catholique entraient en conversation avec les habitants du territoire et que les curés de cette paroisse ont toujours maintenu une présence de proximité avec la vie du quartier.

Il me semble, même si nous n’avons pas trop d’occasions structurelles pour agir sur le quartier, que le style de vie des chrétiens** influe sur le visage local et favorise une juste convivialité. La proximité avec l’association de la Cimade ajoute à cette bonne ambiance, comme le montre la fidélité aux cercles de silence de la place des Terreaux. Certes, il faudrait assurément, avoir plus de courage et participer davantage aux propositions municipales malgré les petitesses des politiques partisanes.

Que vive l’amour, la fraternité, plus que la solidarité !

Tout cela les artistes le disent dans leur art : théâtre, musique, arts plastiques. Il est structurant que l’Eglise, grâce au patrimoine dont elle a la jouissance, favorise cette mise en action des valeurs fortes, poétiquement exprimées, qui donnent sens à la vie humaine. Souvent, je dis que le message développé par un artiste respectant fondamentalement l’épanouissement personnel et collectif de l’Homme étant très proche de ce que l’Évangile exprime, l’Église ne peut que bien accueillir les créations qui montrent la grandeur de l’esprit. Les biennales que nous organisons dans ce prestigieux patrimoine, Fragiles en 2013, Demain en 2015, répondent à cette vocation. Si cela ne structure pas totalement et directement le quartier, cela dévoile le sens de la vie et montre un visage.  Nous signifions dans la proximité d’une réalité cultuelle et culturelle que l’Église n’a pas à assumer le rôle du gendarme afin de  permettre à l’industrie de s’épanouir, mais celui du prophète qui pousse l’humain dans les bras fraternels du respect et de l’amour.

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* le plus riche de Lyon à l’époque grâce au juteux commerce de la soie, juteux pour les commerçants appelés soyeux et non les canuts, les ouvriers : « Pour chanter Veni Creator - Il faut une chasuble d'or. Nous en tissons… Pour vous, grands de l'Église, Et nous, pauvres canuts, N'avons pas de chemise. C'est nous les canuts, Nous sommes tout nus. » Aristide Bruant.

** Voir Christoph Theobald, Le christianisme comme style, Cerf 2007.

**** http://www.rue89lyon.fr/2014/08/06/les-eglises-de-la-croix-rousse-messes-noires-menace-deffondrement/

 

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