Seul le vécu est crédible

Publié le par Michel Durand

Richard Holterbach m’envoie ce texte du théologien jésuite Christoph Théobald. Il me faut le lire plusieurs fois, et lentement, pour bien le comprendre. C’est un écrit qui désormais pèsera dans ma réflexion car je trouve qu’il situe à sa juste place, le comportement démesuré de certains chrétiens voulant, dans leur vie quotidienne, une réponse à l’appel à une vie sobre selon l’Evangile. Ceci pour lutter contre la démesure de l’exploitation de la nature. Je vous invite à prendre le temps de le lire.
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La crèche, le calvaire, voilà le commencement de toutes les œuvres de Dieu. Ce qui commence autrement, ne  continue pas ou réussit mal". Antoine Chevrier, 22 juin 1873

Arts, cultures & foi de l’Eglise de Lyon m’adresse par ailleurs le discours de Benoît XVI qui annonce une année « Saint Paul ». Il y a le souhait de quelques créations artistiques pour souligner le charisme paulinien. Comment un plasticien pourrait-il faire sentir le nécessaire changement de style de vie pour que l’humanité change d’orientation afin de vivre enfin dans le vrai ?

Ces deux textes disent combien il est nécessaire que la parole, pour qu’elle soit crédible, s’accompagne d’actes qui lui correspondent.

« Le succès de son apostolat, écrit Benoît XVI à propos de Paul,  dépend surtout d’une implication personnelle, dans l’annonce de l’Evangile avec un dévouement total pour le Christ. » Et encore : « L’action de l’Eglise est crédible et efficace uniquement dans la mesure où ceux qui en font partie sont disposés à payer de leur personne leur fidélité au Christ, dans chaque situation ».

Que paroles et actes soient conformes entre eux, même si cette conformité nous place en non-conformité avec le monde ambiant.

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« Ce qu'on a appelé en Occident «la mort de l'homme n'est rien d'autre que l'essai structurel de nos sociétés pour rendre les individus de plus en plus « conformes » aux modes continuellement fluctuantes. Mais c'est à cet endroit critique qu'apparaît aussi avec force la valeur fondamentale d'une vie authentique. Mis à l'épreuve par un conformisme généralisé, des individus et des groupes se laissent désencombrés et découvrent ensemble l'élémentaire de la vie. Ils luttent par exemple dans des associations de plus en plus nombreuses contre une logique de pure conformité à des modèles préfabriqués, pour vivre, là où ils sont, une véritable inventivité individuelle et sociale. L'authenticité est alors liée à la concordance entre les paroles et les actes de quelqu'un (ou d'un groupe qui suscite par sa manière d'être la confiance de son entourage ; elle se manifeste en même temps dans sa capacité de s'étonner, en paroles et en actes, devant ce qui est le plus élémentaire dans toute existence humaine : le lien qui la lia à d'autres ou la reconnaissance (comme disait Hegel), c'est à dire le fait de pouvoir exister parce qu'on est attendu ou désiré par d'autres, et parce qu'on devient en même temps capable d'attendre et de désirer un autre et peut-être beaucoup d'autres. Autant nos sociétés sont marquées par le risque de la mort de l'homme, autant elles sont devenues sensibles aux images d'une vie authentique qui émergent un peu partout, en deçà des frontières traditionnelles, qu'elles soient religieuses ou idéologiques.
La crise des « états de vie », tels que le christianisme occidental les a élaborés, est intimement liée à cette situation. Or la spiritualité ignatienne offre ici un double atout.
Le premier découle de la manière dont elle a relativisé, à l'aube de la modernité, la distinction entre l'état de précepte et l'état de conseil, au profit de ce que le chapitre v de Lumen gentium traite sous le titre «L'appel universel à la sainteté». Toute vie chrétienne digne de ce nom, peut-être même toute vie, est appelée à une démesure : « Donnez et on vous donnera. C'est une bonne mesure tassée, secouée, débordante, que l'on versera dans le pan de votre vêtement, car c'est la mesure dont vous vous servez qui servira de mesure pour vous » (Le 6, 34). Or cet appel à une démesure qui est perfection (Mt 5, 48) ne signifie nullement l'incitation à un héroïsme. Nous touchons là au mystère même de Dieu, au point où la démesure de Dieu rejoint la mesure humaine et où elle s'avère être à la mesure absolument singulière de chacun. Comment pourrait-on légiférer sur la démesure de Dieu à la mesure d'un tel ou d'un tel ? C'est ici que la notion de « conseil » trouve donc sa véritable signification : l'Esprit conseille chacun de manière immédiate et chacun a besoin du conseil fraternel et ecclésial pour que tous puissent se révéler mutuellement ce qui est à la mesure de chacun.
Son second atout est sa sensibilité à une « logique fondatrice ». Nous savons que les textes ignatiens sont écrits de telle manière que ceux et celles qui se les approprient ne sont pas appelés à reproduire tel ou tel modèle mais invités à entrer dans l'expérience créatrice des fondateurs. Cette créativité proprement théologale, souvent restée enkystée dans la structure sociale et religieuse des « états », est aujourd'hui libérée - c'est l'envers du diagnostic - et peut s'appliquer désormais, non seulement aux itinéraires individuels, mais encore à la formation de multiples styles communautaires. Que l'authenticité unique de la figure de Jésus soit le critère décisif de cette créativité, nous conduit de l'Esprit du conseil, sagesse mystérieusement répandue dans l'humanité, vers la marque spécifique du « style chrétien ».


Christoph Theobald, le christianisme comme style, cerf, p, 432

    
Le christianisme comme style : Une manière de faire de la théologie en postmodernité Tome 1 par Christoph Theobald (Broché - 11 octobre 2007)
Le christianisme comme style : Une manière de faire de la théologie en postmodernité Tome 2 par Christoph Theobald (Broché - 18 octobre 2007)

Publié dans Anthropologie

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