Catholiques, serions-nous structurellement aveugles ?

Publié le par Michel Durand

Lundi dernier, totalement imprégné par ma rencontre de la jeune équipe  de Témoignage Chrétien, j’ai profité d’une journée complète donnée à la lecture et à la méditation. Et, merveille, les textes que j’avais ce jour sous le coude sont venus compléter les conférences de Guy Aurenche, Claire Ly, Lytta Basset, Michel Bertrand entendus ce samedi et dimanche, selon les choix des organisateurs de la session où j’ai intensément apprécié la présence des jeunes de la mission de France.


Dans la revue du Prado (octobre 2011) - dont j’ai goûté la nouveauté dans la présentation des textes avec photos, portraits et brèves biographies de la nouvelle équipe, une rédaction plus libre, un ancrage plus direct avec le quotidien dans une analyse socio politique très actuelle – je souligne l’emploie de l’expression : « signes messianiques ».

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Le disciple du Christ pose des ge stes qui sont signes pour le monde. Parce que je suis attaché à Jésus-Christ, parce que je travaille cet attachement, je ne peux que laisser advenir en moi, en son nom et avec Lui, des signes de libération. Signes que la foi en la grandeur de l’homme est possible. Signes qui montrent à chaque être humain que cela vaut la peine de continuer à vivre. « L’Esprit du Seigneur est sur moi pour renvoyer les opprimés en liberté ».

Je pense à Antoine, subsaharien, dont j’espère que la publication à l’Harmattan de son livre : « journal d’un sans papier », sera pour bientôt. Son récit est le témoignage de la foi qui est « la capacité mystérieuse d’un être à faire crédit à la vie, à rester debout, même dans les moments les plus difficiles, en espérant que la vie tient sa promesse » (Prêtres du Prado, Christophe Théobald, p. 64).

Tel est le premier objectif d’un signe messianique.

Il se peut, et cela est souhaitable, que le « signe » indique la source d’où jaillit le salut obtenu. Et alors, celle-ci reconnue, le « passeur » de Bonnes Nouvelles accompagnera dans l’attachement au Verbe fait chair, l’union à Dieu.

Avant que je ne découvre cette expression de « signe messianique », j’avais l’habitude de dire que Jésus-Christ n’invite pas à entrer dans l’Eglise catholique romaine, mais dans le Royaume. Il me semble que le sens de ces expressions se ressemble. Ma formulation est facile à comprendre, mais moins complète, moins théologique que l’expression de Christophe Théobald.


Regardons encore les possibles signes messianiques que nous posons.


220px-CerclesSilence-Lyon2009bJe pense aux cercles de silence. François Chabrillat en  parle en disant : « Un jour, à la fin de notre manifestation, quelqu’un s’approche pour avoir un tract. La personne militante à RESF (réseau éducation sans frontière), qui distribue les tracts, lui demande : « Mais vous savez de quoi il s’agit ? » La réponse est la suivante : « Mais oui, les Sans Papiers sont des hommes sans voix et vous, vous criez pour eux ! ». Cet homme anonyme a tout compris. Il m’aide chaque mois à être fidèle à cette action en faveur de la dignité et du respect de tous ceux qui ont dû fuir leur pays d’origine. Un cri silencieux !

Je pense aussi aux entretiens que j’ai eus avec les artistes qui exposent pour la 8e Biennale d’art sacré actuel, le souffle.

Le souffle de la respiration, comme le souffle de l’Esprit est l’indispensable qui maintient en vie. Les œuvres et les commentaires de celles-ci par leur créateur sont des signes messianiques qui montrent d’une part la grandeur de l’homme (foi anthropologique) et d’autre part, pour ceux qui témoignent de leur foi en Christ, le désir de Dieu d’œuvrer  au plein épanouissement de tous dans la rencontre du Ressuscité au sein de la plénitude du Père. L’artiste se fait alors passeur jusqu’à la source du bonheur sauveur (Foi christique).

Il faudrait que je trouve le temps de mettre tous ces entretiens de la basa 2011 sur la toile de mon blog.


auteur7579.jpgEnfin, je voudrais dire quelques mots sur le livre de Claire Daudin, le Rendez-vous de Moissac que je viens de recevoir de l’éditeur avec cette dédicace : « Parce que le baptême nous pousse à ouvrir des chemins, parce que l’avenir nous oblige à relire le passé ; et pour que Dieu se réjouisse ! ». Une exhortation pour notre vocation de baptisé à vivre dans la vérité et la sainteté. 

En lisant les 80 pages de cette chronique, j’avais en mon esprit une double image ; celle des catholiques des années 40 qui ont vécu à côté des camps de déportés sans les voir et celle des catholiques d’aujourd’hui qui vivent à côté de situations inhumaines dans les CRA (centre de rétention administrative), ou de sans domiciles sans rien faire. Claire Daudin s’interroge sur l’aveuglement des membres de sa famille à l’époque du régime de Vichy. Je m’interroge sur la non lucidité des catholiques favorisant une politique économique productiviste et consumériste qui engendre de nombreuses injustices sociales.

Elle écrit : « La III' République, ou "République des camarades", comme il (le curé de Molières) l'écrit ironiquement, est l'ennemie de l'Église, à cause des lois de Séparation de l'Église et de l'État, et de l'expulsion des congrégations. N'oublions pas que c'est dans ce contexte qu'il est entré dans les ordres. L'histoire conflictuelle de l'Église et de la République, que l'on peut faire remonter à la Révolution française, met l'opinion et l'institution catholiques sur la défensive dès lors que leurs adversaires sont au pouvoir, et les anime d'un sentiment de revanche dès lors qu'ils n'y sont plus. C'est ce qui explique le rapprochement dramatique entre l'Église et le régime de Vichy, perçu comme une occasion de restauration des valeurs chrétiennes dans la société française. Aussi bien parmi l'opinion catholique qu'au sein de la hiérarchie, ce qui prévaut alors est le désir de profiter à tout prix d'une aubaine politique en obtenant de l'État français des assurances concernant l'assise de l'Église dans la société, notamment par le biais de l'enseignement, en échange d'un soutien officiel au régime. Le tout au détriment d'une juste appréciation des enjeux idéologiques et spirituels du moment. L'État français n'est pas perçu comme un régime de collaboration avec le pouvoir nazi, mais comme une chance de rénovation pour la France. Le curé de Molières se fait l'écho fidèle de cette façon de voir dans son journal, à la date du 16 août 1940 :

Ces jours-ci, la radio nous parle beaucoup de "l'École" à réformer, et de la Franc-maçonnerie à démolir : deux excellentes mesures, désirées depuis longtemps par les braves gens et qui, bien menées, sont capables de "changer la face de la France".

Il y a là un manque de discernement spirituel, une myopie politique dont, à mon avis, l'Église de France ne se relèvera pas.


Publié dans Prado

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