Cet écrin de lumière n’a pas d’autre but que de favoriser la prière d’une Église au service d’un quartier

Publié le par Michel Durand

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église de la Sainte-Famille (Villeurbanne), ouverte au culte catholique,
associant ault et culture, BASA 2004

 

Des paroissiens de la Sainte-Famille à Villeurbanne (où je fus curé) m’ont demandé de rédiger la préface d’un livret sur leur église. Voilà ce que, dans une réflexion pastorale plus que patrimoniale, je leur propose :

 

Votre choix est bon. Lire cette étude de l’église de la Sainte-Famille à Villeurbanne Croix-Luizet sera un plaisir et un approfondissement de la connaissance de l’Église du début du XXe siècle. Si Saint-Augustin (1912) sur le plateau de la Croix-Rousse demeure tournée vers le XIXe avec son style néo paléochrétien, la Sainte-Famille se veut absolument moderne.

À cette époque, les directives liturgiques qui orientent la construction de sanctuaires catholiques relèvent du Concile de Trente (1563) que le premier concile du Vatican (1870) n’a pas modifié. Il est demandé que l’action liturgique propre à l’autel soit entendue et surtout vue de tous les fidèles. La nef centrale doit donc être large, le sanctuaire surélevé, bien visible. Transcendance dans l’éloignement. Le tabernacle, selon la tradition cultuelle de Charles Borromée (mort en 1584) doit s’apercevoir dès que l’on entre dans l’édifice. Il est le point qui attire tous les regards, invitant à l’adoration eucharistique. En effet, le christianisme de la Contre-Réforme met l’accent sur l’Eucharistie et la présence réelle permanente du corps de Jésus dans le pain consacré. La Parole divine n’est pas pour autant ignorée, mais il semble juste de dire qu’elle passe en second plan alors que les Réformés la mettent au premier plan. En témoignent les chairs des Temples protestants. Nous savons que le Concile de Trente entraîna la suppression des jubés, ce magnifique mur décoré qui séparait les clercs instruits des fidèles afin que ces derniers ne troublent pas le bon déroulement du chant liturgique. Du jubé, où étaient lues les lectures bibliques liturgiques, reste la chair désormais placée entre ou sur les piliers qui séparent la nef centrale d’une nef latérale. À la Sainte-Famille, elle se trouve à gauche et nous pouvons en admirer la facture qui s’accorde à l’ensemble de l’architecture. Il y eut un temps où les lois sécuritaires n’étaient pas aussi absolues que maintenant. Il n’était pas nécessaire d’attacher les chaises ou de fixer les bancs au sol. Alors, le fidèle tournait sa chaise en direction du prêtre faisant la lecture de l’Évangile et prononçant son sermon depuis la chair. Le principe de bien entendre et de bien voir du concile de Trente était appliqué. En fait, il n’est pas certain que cette mobilité liturgique fut pratiquée à la Sainte-Famille car la mise en place de bancs fut assurément immédiate.

Pourquoi alors rappeler l’historique de l’évolution des habitudes cultuelles ? Tout simplement pour souligner que l’innovation architecturale et technique voulue par Louis Mortamet, comme cela est bien expliqué par les auteurs de cette étude, a permis la construction d’une vaste nef centrale, fortement éclairée où la visibilité est complète de partout, les nefs latérales n’étant que des couloirs. La technique du précontraint permet l’admirable largeur de la voûte centrale, ce dont ne bénéficie pas une église romane ou gothique, voire néo romane, néo-gothique. Or, cette largeur d’église respectant les consignes liturgiques du concile de Trente permet également de mettre en œuvre les nouveautés de Vatican II. En 1965 est acquis que la Parole doit être largement honorée. L’ambon, table de la Parole se détache de l’autel, table de l’eucharistie. Le sanctuaire où se trouvent ces deux meubles liturgiques se rapproche des fidèles et, grâce à la vaste nef, peut prendre place en son milieu. Transcendance (Dieu créateur) et immanence (Dieu incarné) se développent au sein de l’Église. Autrement dit, l’architecture conforme au concile de Trente permet de mettre en place les heureuses mises à jour voulues par le second concile du Vatican. Saint-Polycarpe, dans le premier arrondissement de Lyon, à l’origine chapelle des Oratoriens (1670), en donne la preuve. Cela se confirme admirablement à la Sainte-Famille grâce à la légèreté de son bâti.

Alors, en ce lieu où l’on respire au sein d’un vaste espace, laissez-vous prendre par la beauté des couleurs des murs qui rendent vivante la brique de la voûte et dites-vous que cet écrin de lumière, malgré l’inachèvement des baies en attente de vitraux, n’a pas d’autre but que de favoriser la prière d’une Église au service d’un quartier comme, en son temps, le furent les fidèles de la citée de la Sainte-Famille. Le patrimoine est invité à s’adapter au monde d’aujourd’hui.

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