L’Église catholique et les divorcés remariés : La question resurgit

Publié le par Michel Durand

J'ai reçu ce texte en septembre ; toujours d'actualité la réflexion de Jean Rigal !

 

Nombre de prêtres ne se croient plus autorisés, en conscience, à leur dire au sujet de la communion eucharistique : «  Venez à table… mais ne mangez pas ».


Beaucoup de catholiques, y compris certains évêques (du moins, en privé) se disent mal à l’aise par rapport à la position de l’Église catholique concernant les couples divorcés remariés.

La question n’a pas été abordée par le concile Vatican II, mais depuis lors, elle n’a cessé de rebondir de multiples façons, et parfois de manière très officielle. Et voici qu’elle resurgit, ces jours-ci, grâce à une interview donnée par Mgr Zollitsch, président de la conférence épiscopale allemande et au « manifeste » de plus de 300 prêtres autrichiens.

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Cela n’a rien d’étonnant. Un moment étouffées, les vraies questions reviennent rapidement à la surface. Et ceci d’autant plus que le nombre des divorces a sensiblement augmenté, ces dernières années : 50% environ de divorces en France par rapport aux mariages. Les divorcés remariés sont de plus en plus nombreux dans les assemblées liturgiques et les responsabilités ecclésiales. Nombre de prêtres ne se croient plus autorisés, en conscience, à leur dire au sujet de la communion eucharistique : «  Venez à table… mais ne mangez pas ».

 

Accueillir des personnes

Les divorcés ne sont pas d’abord « des gens à problème » mais des personnes qui méritent, comme toute personne, considération et respect. Il ne s’agit ni de banaliser une situation qui comprend inévitablement son lot de blessures et de souffrances, ni, à l’inverse, de tout considérer en fonction de cette réalité. Ces personnes sont différentes, déjà par leur origine et leur histoire, mais aussi par l’épreuve conjugale qu’elles ont dû vivre et qui  les marque, comme des cas d’abandon par le mari ou par l’épouse avec les graves difficultés familiales qui en découlent. Il n’est pas rare que le second mariage apporte une stabilité et un épanouissement qui permettent de construire un nouveau projet et  avec confiance.

Dans ses prescriptions, l’Église catholique ne tient pas compte de cette diversité. Ce devrait être un premier point d’attention, plutôt qu’écarter  les divorcés remariés de la communion eucharistique, voire du sacrement du Pardon. Beaucoup de remariés civilement ne s’en préoccupent guère, mais certains en souffrent profondément dans leur vie de croyants. Leur demander de se présenter, au vu et au su de tous, pour une communion seulement « spirituelle »  sans participer au repas du Seigneur, ne fait que les singulariser, et ajouter de la souffrance à la souffrance ou à l’échec.

 

L’enseignement de l’Église catholique

Le synode des évêques, en 1980, demandait, par 179 voix contre 20,  « qu’on se livre à une nouvelle recherche à ce sujet, en tenant compte également des Églises d’Orient, de manière à mieux mettre en évidence la miséricorde pastorale ». Cette demande expresse n’a produit aucun résultat. L’année suivante, après avoir rappelé que « l’Église est une mère miséricordieuse », le pape Jean-Paul II, dans son exhortation apostolique sur la famille, reprenait et justifiait l’enseignement traditionnel : « Les divorcés remariés se sont rendus eux-mêmes incapables d’être admis à la communion eucharistique car leur état et leur condition de vie est en contradiction objective avec la communion d’amour entre le Christ et l’Église, telle qu’elle s’exprime et est rendue présente dans l’Eucharistie ».

Plusieurs évêques ont exprimé, plus ou moins explicitement, leur prise de distance par rapport  à cette prescription générale, si ce n’est leur désaccord. Pour ne pas multiplier les citations, mentionnons en France Mgr Le Bourgeois, ancien évêque d’Autun, et en Allemagne, les 3 évêques du Rhin supérieur (Mgr Kasper, Lehmann, Saïer),  connus pour leur  grande compétence théologique universitaire et pastorale.  Mais leurs ouvertures  n’ont pas eu d’impact.

 

Des critères de discernement.

Sans remettre en cause le principe de l’indissolubilité du mariage, de nombreuses voix demandent aujourd’hui, et avec insistance, que cesse la discrimination actuelle, et de manière plus précise, qu’on admette à la communion eucharistique, dans des cas déterminés et sous certaines conditions , des divorcés remariés qui en font la demande. Reprendre cette question à nouveaux frais serait, d’ailleurs, nécessaire pour éviter d’encourager les décisions  individuelles de plus en plus nombreuses.

En 1992,dans un document intitulé « Les divorcés remariés » la Commission de la famille de l’épiscopat français propose : « Lorsque les divorcés remariés souhaitent sincèrement avancer sur le chemin de la sainteté, mais ne peuvent pas envisager de se séparer, notamment à cause des enfants, l’Église ne pourrait-elle pas, sans leur imposer de vivre dans la continence, leur donner l’absolution et les admettre à la communion eucharistique ? Ne pourrait-elle pas au moins leur reconnaître le droit de décider en conscience de ce qu’ils doivent faire » ?

Accueillir, faire preuve de miséricorde, ne pas se laisser enfermer dans cette  question, inviter au discernement, situer cette difficulté dans sa dimension ecclésiale, renvoyer à la conscience éclairée, ouvrir des chemins d’espérance : ne serait-ce pas plus évangélique que de brandir des interdits ?

 

Jean RIGAL

Publié dans Eglise

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