Un nuage de poussière et le ciel se vide…..

Publié le par Michel Durand

Reçu de Jean-Marie Delcourt

 

Pourquoi vouloir faire du trekking en Éthiopie ou au Népal alors qu’il existe des circuits de GR (= Grandes Randonnées) dont les balises ne sont plus entretenues par manque de fréquentation ? Pourquoi aller chercher au loin ce qui est à notre porte ?


Un volcan se réveille et tous les avions avec leurs passagers et leurs marchandises sont cloués au sol. Il ne s'agit pas d'un conte pour enfants mais d'un cauchemar vécu par des milliers de personnes.

 

En fait, nous venons de vivre, par anticipation, la situation que l'humanité connaîtra quand il n'y aura plus de pétrole. Certes nous savons que les ressources fossiles ne sont pas inépuisables et qu'un jour nous devrons vivre sans elles, mais personne ne s'y prépare.

 

Dès lors, tirer les leçons de cet événement peut être une aubaine pour ceux qui veulent préparer l'avenir. Que peut bien nous apprendre, pour nous-mêmes et notre société technologique, cet épisode imprévu ?

 

Ce qui frappe, de prime abord, c'est la révélation de la fragilité de nos sociétés complexes : quelques grains de sable ou de poussière suffisent à tout désorganiser. Notre mécanique est bien rôdée mais dès qu'un élément fait défaut, voilà que tout s'arrête, du moins pour ceux qui utilisent l'avion, dans le but de commercer, voyager, passer des vacances ou assister à un colloque..

 

C'est " l'effet papillon", inventé, par le météorologue Edward Lorenz : "Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? ". La crise financière nous avait déjà démontré que nous sommes tous sur le même bateau, la terre, nous sommes tous connectés pour notre bonheur comme pour notre malheur et qu'il est préférable de jouer "collectif"  qu'individuel. Par exemple, il serait bon d'aider la Grèce plutôt que de privilégier le " chacun pour soi".

 

Ensuite, cette dépendance vis-à-vis du transport aérien montre les limites de nos modes de vie d'enfants gâtés. Ce volcan en éruption, clouant au sol des milliers d'avion, nous force à réfléchir. Pourquoi vouloir faire du trekking en Éthiopie ou au Népal alors qu’il existe des circuits de GR (= Grandes Randonnées) dont les balises ne sont plus entretenues par manque de fréquentation ? Pourquoi aller chercher au loin ce qui est à notre porte ? Faut-il vraiment, pour notre bonheur, passer l'hiver dans les îles paradisiaques du Pacifique, ces îles que le réchauffement climatique risque de  faire disparaître ?

 

Certes, grâce à l'avion, nous pouvons consommer, toute l'année, des cerises du Chili, des pommes granny d'Afrique du Sud, de la viande d'Argentine, offrir des roses du Kenya. Mais est-ce bien raisonnable ?

 

Ne pourrait-on pas remplacer les colloques par un système de vidéo-conférence, tant pour des motifs économiques que pour le respect de l'environnement ? Et pour les mêmes raisons, se contenter des produits de saisons de nos potagers et de nos vergers, apprendre à faire des conserves et des confitures pour l'hiver ? Il est urgent de relocaliser l'économie.

 

 

Une autre leçon a trait à l'usage du temps, non plus la météo mais la durée temporelle de notre existence. Lenteur ou vitesse. Aujourd'hui, c'est la vitesse qui compte. On a supprimé l'espace et le temps. Les flux financiers  font le tour de la terre en moins d'une seconde. Les bénéfices sur les taux de change se jouent au millième de seconde. On est informé d'un cataclysme avant même ceux qui en sont les victimes ! Tout va plus vite, internet, les loisirs, la lecture. Il faut "faire" l'Espagne, la Grèce, il faut avaler des kilomètres sans rien voir, rien découvrir, rien retenir.

 

Que faisons-nous du temps qui nous est donné ? Il faudrait apprendre la paresse. Ou simplement prendre le temps de vivre. Savons-nous encore prendre du temps pour le passer avec un ami, une personne handicapée, notre conjoint, nos enfants ? Il faudrait réveiller "notre tortue intérieure".

 

 

Cet événement nous invite aussi à l'humilité et à la modestie. Nous croyons tout savoir de la nature, nous avons le sentiment de pouvoir la dominer,  pourtant les mythes grecs d'Icare et de Prométhée nous invitent à la prudence.

 

On veut travailler le dimanche et rouler en hiver comme en été. L'homme, souverain, se croit autorisé à tout braver même les tempêtes de neige, à ne pas respecter les zones inondables. On fait du ski hors pistes, on fait passer les cols aux camions qui se déplacent dans un mètre de neige, on construit sous le niveau de la mer, on bâtit des tours de plus en plus hautes, on densifie le réseau ferroviaire et routier…

 

Au lieu du principe de précaution, il serait plus utile de faire respecter les principes élémentaires de prévoyance ou de prudence : limiter la vitesse pour éviter les accidents et la pollution, construire selon les normes antisismiques, manger de la nourriture sans pesticides pour protéger sa santé, etc.

 

On n'impose pas sa loi à la nature sans, avant tout, la respecter. Nous pensons l'utiliser sans vergogne, alors qu'on devrait se mettre à son école. Dans l'utilisation du temps, elle nous montre l'exemple : se reposer en hiver pour renaître au printemps. On a cru bon de se déconnecter de la nature, ne plus suivre ses rythmes biologiques.

 

Pourtant comme dit l'Ecclésiaste : " Il y a un temps pour semer, et un temps pour récolter, un temps pour travailler et un temps pour se reposer…" Ce n'est pas par hasard que les fêtes liturgiques ont été fixées en relation avec les saisons et que la religion juive a inventé le repos sabbatique.

 

 

 

Jean-Marie Delcourt

 

Publié dans Anthropologie

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