Une résurrection, c’est l’expérience qu’au sein des pires désastres demeure intacte la capacité de renaître ; Christ en est le témoin.
Henri Pérouze, du groupe chrétiens et pic de pétrole, communique cette méditation que je fais mienne, tout heureux de poster ici une pensée ouvrant sur les jours à venir
Le tombeau vide et l’accueil de l’Esprit
Chronique hebdomadaire de Bernard Ginisty du 21 avril 2014
Avant-les-Marcilly, durant l’été 1986. Un petit village de la Champagne pouilleuse où Jean Grosjean a l’habitude de se retirer. Autour de lui, trois lecteurs. La vie considérée comme relation à l’autre, et avec les autres, tel fut le sujet majeur des conversations. Leur recueil ne contient pas de faciles confidences, mais sans doute permettra-t-il d’approcher la pensée de l’un des auteurs les plus énigmatiques de notre époque. Une pensée inspirée des seules Écritures, proche du fond araméen de l’homme, étrangère aux lieux communs de la littérature, de la philosophie et de la théologie.
La liturgie chrétienne nous invite à vivre les prochaines semaines comme un « temps pascal ». Dans un monde où le règne de la marchandise réduit nos années et nos jours à une alternance de production et de consommation des choses, elle nous aide à retrouver les rythmes les plus fondamentaux de nos vies.
Etre témoin de la résurrection du Christ rend toutes les résurrections possibles : voilà le message fondamental de ce temps pascal. Une résurrection n’est pas une conquête ou l’addition des performances de telle ou telle institution religieuse. Elle n’est pas la revanche de Celui qui a été injustement et ignominieusement condamné. C’est l’expérience qu’au sein des pires désastres demeure intacte la capacité de renaître. Et ainsi deviennent caduques les religions du destin qui voudraient voir nos vies obéir aux seules logiques économiques, financières, militaires ou identitaires. La résurrection ne se vit pas dans le triomphe sur les autres, mais dans la lumière d’un matin de printemps où quelques femmes découvrent un tombeau vide.
Nous portons tous en nous, ce "duel de la vie et de la mort" évoqué dans la liturgie du jour de Pâques. Le Christ a été victime d’une folie identitaire à dominante religieuse. On ne lui a pas pardonné d’avoir ouvert les voies du salut, et donc la paix, à la totalité des hommes. Si la lumière de Pâques ne nous donne pas de solutions toute faites, elle nous habite comme une source de vie plus radicale que toutes les morts. Voilà pourquoi, bien loin d’inviter ses disciples à se replier sur leur quant’ à soi, il les invite à se laisser bousculer par l’Esprit qui les enverra aux quatre coins du monde.
Le tombeau vide relativise tous les mausolées que l’humanité ne cesse d’inventer pour ses «grands hommes » ! C’est l’invitation adressée à chaque être humain d’appareiller au vent de l’Esprit. Le poète et traducteur de la Bible que fut Jean Grosjean commentait ainsi le message pascal : « Le Maître n’avait pas institué un bureau de rédaction pour paroles exactes ni un ministère de la méticulosité des faits. Ce n’est pas son genre d’instituer. Son genre, c’est de nous envoyer vivre et faire vivre de sa vie de Fils, mais il semble penser qu’on ne sera guère pénétré de son Esprit filial sans avoir été comme labouré par ce langage que sont ses paroles et sa vie » (1). Alors peut-être les Eglises pourront échapper à ces deux écueils que dénonce le Pape François : « Un universalisme abstrait et globalisant, ressemblant aux passagers du wagon de queue, qui admirent les feux d’artifice du monde, celui des autres, la bouche ouverte et avec des applaudissements programmés. (…) Ou un musée folklorique d’ermites renfermés, condamnés à répéter toujours les mêmes choses, incapables de se laisser interpeller par ce qui est différent, d’apprécier la beauté que Dieu répand hors de leurs frontières » (2).
(1) Jean GROSJEAN : Araméennes. Conversations avec Roland Bouheret Dominique Bourg et Olivier Mongin, Editions du Cerf, 1988, page 107. L’auteur poursuit ainsi : « S’il y avait un Eglise visible unique dans le temps et dans l’espace, elle serait l’idole séductrice.
La miséricorde du Père à la fois si intime et si intimidante serait éclipsée par une société maternante. L’accès au Fils ne serait plus que grégaire ou congressiste. Un confort dogmatique et un égoïsme collectif remplaceraient nos démêlés avec le Paraclet » (page 108).
(2) Pape FRANCOIS : La joie de l’Evangile, § 234, Editions Bayard, Cerf, Fleurus-Mame, 2013, page 201.