Il n’y a rien à attendre d’un gouvernement qui mise sur la croissance économique au lieu de servir l’homme dans sa dignité
Moi, président, je respecte le droit en expulsant de mon territoire l’étranger qui n’a plus sa place ici.
Lundi soir, un fonctionnaire de l’État, du genre chef de cabinet du préfet de la préfecture du Rhône, -en réponse, je pense à une lettre que la Coordination Urgence Migrant a écrit au préfet (mais cela il ne l’a pas dit)- est venu dans le local industriel de Décines, dire la loi française aux familles que la préfecture a expulsées du squat de la rue Yves Farges, 7ème arrondissement de Lyon. Il se dit lui-même préfet chargé des migrants : « c’est moi qui aie signé l’ordre d’expulsion de l’immeuble de Yves Farges ».
Je rappelle que, constatant que la police, une fois l’immeuble vide, toutes issues obstruées, abandonna sur le trottoir les personnes sans proposition de relogement, des membres de la CUM s’organisèrent pour ne pas laisser ces familles à la rue.
Le préfet réaffirme que la France ne veut pas de ce type de migrants sur son territoire. Il n’y a pas de logements pour eux, pas de travail, pas d’accueil. D’où les Obligations à Quitter le Territoire Français. Certes, les personnes dont le dossier est en cours de traitement (et qui pourtant sont dans la rue) verront leur dossier de nouveau étudié. Pour tous les autres, c’est le retour obligatoire dans le pays d’origine. Même les malades de maladies graves, l’État ne veut plus les voir en France. La pratique qui leur permettait de recevoir des soins en France n’est plus possible.
En un mot, plus que jamais, la France ferme ses frontières. Agissant ainsi, et le préfet l’a laissé entendre dans sa présentation très claire de la Loi, les populations non accueillies se voient la proie des agissements de groupes mafieux qui vont faire des propositions, moyennant finances, pour passer la frontière.
Donc, il n’y a qu’une solution : « le retour au pays ». Mais tous ces gens que « se savent en danger chez eux » ne veulent pas y risquer leur vie. Alors que faire ? Le préfet répond : « pour vous, vu ce que je connais de vos situations, la question de vivre en France ne se pose pas, la grande majorité d’entre vous doit quitter le territoire. Vous n’avez pas le droit d’être là. Poser un recours sera inutile. » « Il me faut rappeler la loi, car sans ce respect de la loi le pays va dans le chaos ». « Je n’ai aucun pourvoir pour dire autre chose que le danger que vous prenez en restant ici ».
Il n’y a donc rien à espérer d’une attitude d’accueil du gouvernement français (celui-ci ou le précédent), et je me demande comment il sera possible à la préfecture de conduire un accompagnement digne des personnes qui optent, malgré tout, un retour au pays natal.
Durant toute la présentation du représentant de l’État, je me suis étonné de voir la différence d’avec les dernières réflexions européennes qui semblent observer que la fermeture des frontières n’empêche pas à des personnes en grande détresse dans leur pays d’origine de tenter la traversée de la méditerranée pour rejoindre l’Europe. Contrairement aux agissements de Frontex, le suivi d’une migration légale entrainerait la suppression des agissements mafieux des passeurs. Et l’on verrait l’enrichissement humain de tous grâce à la courageuse mobilité de ces migrants qui veulent vivre.
Qu’est-ce que l’action politique ?
Une nécessité pour disposer d’une bonne gouvernance. J’observe deux directions possibles pour une telle bonne gouvernance. Pour les uns ce sera la recherche d’une croissance économique permanente afin de ne pas se faire coiffer par le pays voisin ; pour les autres ce sera le choix de donner à l’homme, en partant par les plus pauvres, le maximum de dignité. Mais qu’en est-il de ces orientations, quand la croyance des dirigeants est entièrement soumise au dieu argent et à ses prêtres serviteurs que sont les banquiers ? L’adoration du PIB (l’actuel veau d’or), rend aveugle. On dit l’État laïque. Il n’en demeure pas moins tributaire de ses engagements de pure foi en un productivisme techniciste et on va le reconnaître de bonne foi lorsqu’un de ses représentants affirme que l’obéissance à la loi de l’État est le seul moyen pour que le désordre ne s’installe pas. Moi, président, je respecte le droit en expulsant de mon territoire l’étranger qui n’a plus sa place ici.
Les notions d’humanité, de solidarité, de droit de l’homme… de fraternité relèvent d’une autre croyance. Or, pour moi, selon ma conscience et la nourriture spirituelle que je reçois de L’Évangile de Jésus, cette foi en tout l’homme est la seule qui vaille. Je ne peux désobéir à cet appel intérieur. Et l’appel de Jacques Ellul à ne plus soutenir l’État par la voie des élections, me dit de plus en plus quelque chose de vrai, bien que la position anarchiste ne soit pas sans problème.
Je ne peux plus me plier à la raison d’État.