La migration fondamentalement est une chance. Pourtant être migrant par nécessité est un risque. Que l’accueillant voit en lui une chance !

Publié le par Michel Durand

La migration fondamentalement est une chance. Pourtant être migrant par nécessité est un risque. Que l’accueillant voit en lui une chance !

Les membres de la Coordination urgence migrants, par le biais de la commission sensibilisation ont réfléchi et rédigé le contenu de la bannière (voir photo) qui sera exposée au parc de la Tête d’or à l’occasion des dialogues en humanité.

J’œuvre dans ce collectif et je souhaite écrire cette page pour rendre compte des interrogations que nous avons eu une fois le travail de rédaction achevé et la bannière prête à l’impression. Avons-nous choisi la bonne formule ? Ne sommes-nous pas en train de nous planter alors que nous souhaitons manifester un maximum de respect aux migrants, qu’ils soient réfugiés politiques ou migrants économiques, tout en dialoguant avec les Lyonnais pour qu’ils s’ouvrent sans crainte à l’accueil de l’étranger ?

Dans les échanges que nous avons pu avoir, divers mots furent employés dont celui de migration. La migration une chance. Sans aucun doute, depuis l’origine de l’humanité, l’homme migre. De son plein gré il part à la découverte de nouvelles terres et s’enrichit de ses découvertes. Mais l’exilé, l’expulsé ne choisit pas le voyage. Il est contrait par la guerre, la famine, l’oppression, la négation de ses valeurs… de sa liberté. Autrement dit, s'il est vrai que le fait de migrer (la migration) est une chance, être migrant relève plus d'une obligation que d'une chance. C'est une contrainte qui peut être facteur de chance, plus qu'une chance en elle-même.

Nous aurions pu prendre ce titre : la migration une chance dans la mesure où le migrant est compris dans la migration.

Mais, l'emploi du mot migration contient une résonnance abstraite. De qui, de quoi parle- t-on ? De flux migratoire ou de femmes et d’hommes, d’enfants marchant à travers champs, bloqués aux frontières ? Citer les migrants, c'est désigner celles et ceux dont on parle chaque jour. Nous voulons être concrets, donc parler de personnes qui existent vraiment et non de chiffres connus par les statistiques. Alors, nous gardons le titre :

les migrants une chance – sans interrogation ( ?) ni exclamation ( !).

La bannière a ce titre : "les migrants une chance".

Je commente : oui, une chance dans certains cas, non dans d'autres.

Je pense effectivement qu’il convient d’affirmer que la migration est une chance, car, s’interroger : est-ce une chance ? reviendrait à douter que le fait de se déplacer est un avantage.

Nous aurions pu prendre comme titre Migrer est un droit, accueillir est un devoir. Ce serait nous situer au niveau des principes moraux avec lesquels nous sommes tous plutôt d’accord. Mais, concrètement, que faisons-nous. Que font les Français, les Européens, les décideurs ? Nous voilà de nouveau dans les abstractions. Me vient ce commentaire :

La migration, un droit, est une chance. Ce n’est pas un bonheur, une situation sans risque, une joie pleinement acquise. Différente d’un aboutissement, la migration est une aventure risquée.

Pour les migrants, oui la migration est une chance de pouvoir fuir un pays où l’on est en danger ou sans perspective d'avenir. Elle est une chance pour celui qui, malgré les risques du voyage, échappe assurément à une mort quasi certaine (ou une mal-vie) sous les assauts des bombes et de la malnutrition. Ajoutons aussi qu’elle est la chance d’échapper aux négations de la liberté personnelle. Mais une chance mitigée, car tout immigré préfère sans cesse pouvoir bien vivre dans son pays natal. Est-ce une chance pour les immigrés de faire presque toujours les boulots les plus difficiles ? Est-ce vraiment une chance pour eux ? Y a-t-il un pays où ils ne se voient pas cantonnés dans le statut d'étranger à vie ? Il y aura toujours la souffrance du pays qui manque. Ce sentiment change à la deuxième, troisième génération.

Pour l’Européen, la migration est une chance dans la mesure où il accomplit son devoir d’accueil. Il va alors rencontrer de nouveaux savoir-faire, de nouvelles expressions culturelles, de nouvelles idées.

Il me semble que se situer au niveau de la morale des droits et des devoirs n’est pas suffisant. Car, quand on ne veut pas pratiquer ce qui est jute, on ne le pratique pas. Au niveau des décideurs, ne voit-on pas que ceux qui ne respectent pas les droits, inventent des droits, des lois pour ne pas respecter ce qui est universellement juste ? Ils en feront un devoir pour le bien de la patrie.

Afin d’inciter à une bonne pratique morale (ce que nous souhaitons), il importe de considérer en amont, à leurs sources les raisons fondamentales de pratiquer l’accueil. Il importe de susciter le désir d’accueillir ; de créer une ouverture qui dynamise pour avoir le courage de prendre le risque de l’accueil.

Autrement dit, je place l’attitude philosophique, la sagesse fondamentale avant la pratique. Nous devons donner le goût, le plaisir de l’accueil, d’un accueil d’une personne bien concrète, celle que je rencontre dans la rue pourchassée par les expulsions policières et avec qui je partage mon repas. Nous verrons alors, profondément que le migrant est une chance.

Les migrants une chance.

Et nous modérons les enthousiasmes, il n’y a pas d’exclamation ( !), car nous savons bien, par expérience, que tout en étant fondamentalement une chance, la migration est un risque, les migrants courent des risques. Les accueillants courent des risques. Nous souhaitons susciter le courage de ce risque.

Publié dans Anthropologie, Politique

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