Si la Résurrection n’existait pas, est-ce que cela changerait quelque chose à la vie ? Résurrection ou pas, vivrions pareille ?

Publié le par Michel Durand

Pierre Deuse, "par le Fils", BASA 2009, Lyon, St Polycarpe

Pierre Deuse, "par le Fils", BASA 2009, Lyon, St Polycarpe

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Nous arrivons à la fin de l’année liturgique et, en cette période il est habituel de parler de fin du monde, d’éternité, de Royaume. Autrement dit, il est usuel d’évoquer un monde totalement abouti selon les vues de Dieu tel que Jésus-Christ nous en a parlé. Un monde tellement bon et beau que l’on n’a même pas peur d’aborder la mort.

Il y eut sur Arte une émission concernant notre actuelle façon de vivre : « L’urgence de ralentir ». Un film (1 h 24) de Philippe Borel sur une idée de Noël Mamère. Cette vidéo est visible chez Viméo comme je l’indique sur le blogue en manque d’Église à la journée du 2 novembre 2016 : Des citoyens à travers le monde refusent de se soumettre aux diktats de l’urgence et de l’immédiateté pour redonner sens au temps.

C’est dans ce contexte de réflexion que je pose la question : Si la Résurrection d’entre les morts n’existait pas, est-ce que cela changerait quelque chose dans votre vie ? Résurrection ou pas résurrection, vivrions pareille ?

Prenons le temps d’y réfléchir. Le sujet n’est pas simple. Il est chargé de mystère, d’inconnu, de réalités qui font évidemment appel à l’acte de foi. Où en sommes-nous donc avec le fait de la résurrection ? Soyons sincères, même si nous doutons de la résurrection de la chair, nous nous posons toujours la question : qu’est-ce qu’il y a après la mort ?
Nos réponses à ces questions ne seront sans doute pas les mêmes pour tous.
- Certains découvriront qu’ils croient suffisamment en l’homme pour se passer d’un au-delà.
- D’autres s’apercevront qu’ils ne se sont jamais posé en vérité la question de « l’après », laissant volontairement dans le flou la réalité embarrassante de la résurrection des corps ou de la vie éternelle de l’âme.
- D’autres encore reliront leur histoire, et découvriront que l’espérance en l’amour plus fort que la mort est l’une des clés les plus importantes de leur existence. Ils ont osé sortir du pur rationnel quantifiable.

Au cours de la préparation de la liturgie de ce jour, il y eut le témoignage d’une personne parlant à une collègue de travail ne cachant jamais son attachement au message du Christ. Cette personne, plutôt stressée a dit : « tu crois à la résurrection des morts, tu ne sais pas quelle chance tu as ». La foi en la résurrection donne à l’existence une direction, une orientation, un sens. Sans elle, il n’y a pas de direction possible. Saint Paul a écrit : « Si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine » (1 Co 15, 15). Si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité » (1 Co 15, 16). Or le Christ est ressuscité ; Dieu est le Dieu des vivants.

« Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »

Les Sadducéens du temps de Jésus avaient résolu le problème. Pour eux, « pas de résurrection ». Et pourtant ce sont des Juifs pratiquants. Pourquoi sont-ils ainsi, non croyants ?
- Peut-être parce qu’ils imaginent l’autre monde à la manière de celui-ci. Un monde où l’on boit, mange et se marie. Un paradis comme un copier-coller des meilleurs moments de la vie humaine. Et du coup cela leur paraît peu probable.
Jésus les renvoie au caractère inimaginable, indicible, de la nouvelle création. Le monde à venir est autre ; on ne peut l’imaginer à partir de celui-ci. Même le mariage, sacrement de l’amour divin, sera complètement transformé, transfiguré, à travers le passage de la mort, la Pâque de la Résurrection. Jésus le dit : Dans le monde à venir on ne se marie pas :

« Ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir ».

Il n’y aura plus ni l’homme ni la femme, dira St Paul, qui prendra les comparaisons de la graine et de la plante pour évoquer la radicale différence entre ce monde-ci et le monde à venir. Il nous faut donc renoncer à projeter sur l’au-delà nos représentations d’ici-bas. Sans pour autant renoncer à dire l’essentiel : les morts ressusciteront, ils seront fils de Dieu, ils participeront à la nature même de Dieu. C’est cette conviction de foi qui nous pousse à ne pas craindre la mort, à ne pas fuir devant l’appel au martyr : témoigner dans l’abandon de sa vie que Dieu est le tout de l’existence dès maintenant. Le Royaume n’est donc pas à venir. Il est là au milieu de nous. Le royaume est là quand nous aimons dans la vérité et vivons avec toutes personnes sans considération des origines, des races, des statuts socioprofessionnels. *

Certains pensent que celui qui réussit dans les affaires est béni de Dieu et que le pauvre, le malade serait un pécheur. C’est ce que l’on disait à l’époque de Jésus. C’est la foi des Sadducéens : sur terre, le croyant est béni par Dieu qui le fait réussir, les injustes et les méchants sont punis et échouent.

Aujourd’hui, en se fondant sur la seule puissance humaine, parfois avec héroïsme, on proclame la même chose. Puisqu’il n’y a pas de résurrection, puisqu’il n’y a rien à attendre dans l’au-delà, mais tout à gagner dès maintenant, le salaire de la foi en la puissance de l’homme est la réussite, la prospérité, la santé, la richesse, une grande et puissante famille en ce monde.

Le marxisme et le libéralisme se sont inspirés de ce même réalisme alors qu’il sécularise l’espérance : puisqu’il n’y a rien après, construisons dès ici-bas le paradis terrestre, la société sans classes, l’homme libre, l’homme nouveau enfin préoccupé de la seule chose qui vaille, cette vie et elle seule.

En supprimant l’espérance en la résurrection, nous risquons d’instrumentaliser Dieu, de l’utiliser pour ce monde-ci seulement et de se servir de lui pour nos affaires au lieu de le servir Lui. Tout ce que les martyrs d’Israël de la première lecture refusent.

« Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu ».

 En voyant les nombreuses propositions des spiritualités laïques, je me dis que la tendance est grande d’utiliser Dieu comme thérapie personnelle, comme technique de bien-être, comme motivation dans les affaires. Cette vision à courte vue marque l’air de notre temps. Or, nous sommes invités par l’Evangile de ce jour à nous en détacher, à convertir nos habituelles modes de vie. C’est à cela qu’invite le film « L’urgence de ralentir ». Conscient de la réalité de la résurrection même si nous ne pouvons en concevoir la forme, nous agissons à la racine de notre vie pour redonner du sens au temps. Et là, nous ne pouvons pas oublier les martyrs d’Israël et de l’Église. Nous ne pouvons pas ignorer que Jean Hus, victime de l’inquisition catholique, que Martin Luther, Pierre Valdo, François et bien d’autres, dans leur désir radical de vivre l’Evangile, avaient raison en de nombreux points. Martyrisés, ils préfèrent la mort pour ne pas trahir leur attachement à la révélation divine.

« le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. »

Parce qu’ils espèrent en la Résurrection, les prophètes de tout temps n’ont pas peur de tout perdre, refusant d’utiliser Dieu pour s’assurer une vie douillette.

Publié dans Eglise, évangile

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