Porter le joug, c’est marcher d’un même pas, avoir une attache personnelle au Christ pour devenir pèlerin sur les sentiers du monde
Homélie du dimanche 9 juillet 2017
PREMIÈRE LECTURE : « Voici ton roi qui vient à toi : il est pauvre » (Za 9, 9-10)
PSAUME : Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14) - Mon Dieu, mon Roi, je bénirai ton nom toujours et à jamais !
DEUXIÈME LECTURE : « Si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez » (Rm 8, 9.11-13)
ÉVANGILE : « Je suis doux et humble de cœur » (Mt 11, 25-30)
Dans les homélies, j’insiste sur l’importance de lier la parole d’Évangile entendue à l’actualité que nous vivons. Aujourd’hui, je considère surtout l’Évangile et invite chacun à concrétiser cette Parole dans les temps de repos. Il n’est pas nécessaire de partir pour se mettre en vacance. Mais il est nécessaire, quel que soit le lieu de vie, d’organiser son repos. La vie n’a jamais été faite uniquement de travail. Les temps de loisirs sont essentiels. L’enfant se construit dans le jeu. L’homme est un enfant.
« “Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits”. (Mt 11, 25)
Ces paroles ont été prononcées pour la première fois par Jésus de Nazareth, fils d’Israël, descendant de David, Fils de Dieu ; elles ont constitué un tournant fondamental dans l’histoire de la révélation de Dieu à l’homme, dans l’histoire de la religion, dans l’histoire spirituelle de l’humanité. C’est alors que Jésus a révélé Dieu comme Père et s’est révélé lui-même comme Fils, de même nature que le Père :
“Personne ne connaît le Fils sinon le Père et personne ne connaît le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler”. (Mt 11, 27)
Oui, le Fils, qui prononce ces paroles avec un profond “tressaillement de joie sous l’action de l’Esprit Saint” (cf. Lc 10, 21) révèle par elles le Père aux petits. Car le Père se complaît en eux ».
Ces mots ont été prononcés en 1986, par Jean-Paul II* venu à Lyon pour proclamer bienheureux Antoine Chevrier. Si, aujourd’hui, je m’en rappelle, c’est tout simplement parce que mon esprit se tourne vers l’année 2017-2018 alors que je viens de terminer le programme des conférences du mardi en la salle du Prado.
Nous savons par l’évangile de Matthieu que Jésus plaça un petit enfant au milieu de présents. Il déclara :
« Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des Cieux. Et celui qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, il m’accueille, moi. (Mat, 18, 2ss)
Les enfants, les petits, les miséreux, les ignorants, celles et ceux qui sont loin de la vie heureuse, de la vérité, qui ne connaissent pas le bonheur, voilà celles et ceux que Le Fils, dans le Père, regarde avec prédilection.
« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. »
Jean-Paul II situe Antoine Chevrier dans la ligne de François d’Assise et du curé d’Ars.
« Ces trois saints, dit-il, ont en commun d’être de ces “petits”, de ces “pauvres”, “doux et humbles de cœur”, dans lesquels le Père du Ciel a trouvé sa pleine joie, auxquels le Christ a révélé le mystère insondable de Dieu, en leur donnant de connaître le Père comme seul le Fils le connaît et en même temps de le connaître lui-même, lui, le Fils, comme seul le Père le connaît. »
« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau léger » (Mt 11, 28-30).
Regardons ce qu’est un joug.
À l’époque de Jésus (et à l’époque de nos arrières grands-parents), l’image du joug que Jésus choisit était facile à comprendre parce qu’elle était tirée de la vie quotidienne. Mais aujourd’hui qui a vu fonctionner un joug ? Le joug servait à atteler deux bêtes pour qu’elles puissent travailler en commun et avancer ensemble dans la même direction.
On a aussi utilisé ce type d’instrument pour contraindre les animaux (et les hommes) afin qu’ils se soumettent au travail. C’est alors que, malheureusement, cette image du joug fut souvent utilisée dans une perspective morale. Les êtres humains devaient porter leur joug comme une misère ou une souffrance inévitable pour être en conformité avec les règles morales de la société, également celle de l’Église (André Sansfaçon). En ce sens, on pense que, comme l’homme perverti par le péché n’est pas apte au bon, il faut le contraindre sous la grâce de Dieu.
Mais regardons l’image du joug dans son sens premier. Porter le joug consiste à vivre au même pas, au même diapason que l’envoyé de Dieu, Jésus. C’est lui notre maître, notre guide. Quand nous recevons le baptême, nous nous mettons à sa suite et le prenons comme modèle, Nous n’attendons pas passivement, que le mal, qui certes existe en nous, soit enlevé comme d’un coup de baguette magique. Recevoir le baptême ou baptiser un enfant incapable de parole et de volonté réfléchie propre, c’est tout faire pour vivre (qu’il vive) en unité avec notre frère Jésus- Christ.
En effet, porter le joug, c’est-à-dire : marcher d’un même pas, suppose une attache personnelle au Christ pour devenir pèlerin sur les sentiers du monde. Nous sommes appelés à cette mission que nous accomplissons régulièrement et tranquillement dans nos tâches quotidiennes. Jamais nous ne cherchons à nous enrichir égoïstement, mais toujours à partager. Et ceci n’est pas une contrainte morale moralisante, mais un art de vivre selon l’Évangile.
Oui, nous sommes invités à entrer dans cette réalité d’être au même joug (rythme) que le Christ et, par conséquent, à devenir doux et humbles de cœur.