Organiser la migration ne se limite pas à mettre de l’ordre aux frontières. Les flux migratoires débutent bien avant. Politique étrangère
Je continue à réfléchir dans la ligne des pages précédentes et j’ai envie d’inviter à lire cet article de La Croix. Voir ci-dessous. Une très bonne analyse à mon sens. J’en tiendrai compte ces vendredi/dimanche au stand de la CUM (coordination Urgence Migrants) au salon Primevère.
Donc absent de mon blogue pendant ces jours, peut-être on se rencontrera à la table de la CUM
L’accord est de fait enterré »
Yves Pascouau, directeur des programmes Europe à l’association Res Publica, spécialiste des politiques migratoires.
Les dirigeants européens paient leur incurie en termes de politique migratoire. Depuis que cet accord a été conclu par simple déclaration, en mars 2016, quatre années se sont écoulées. Les termes du contrat étaient simples : le contrôle des frontières en Turquie contre 6 milliards d’euros (3 milliards renouvelés une fois) d’aides européennes aux réfugiés de Turquie.
Dans ce laps de temps, l’Union, tétanisée sur le sujet en raison de la montée des populismes, s’est montrée incapable de produire une vision stratégique dépassant la gestion des frontières et les politiques de retour, comme l’illustrent très bien les conclusions des chefs d’État et de gouvernement lors d’un sommet dédié, en juin 2019.
Pendant ces quatre ans, le président turc Recep Tayyip Erdogan a menacé à plusieurs reprises de laisser passer les migrants. Les Européens n’y ont jamais vraiment cru. À présent qu’il est en train de passer des paroles aux actes, l’accord est de fait enterré, malgré les déclarations de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui dit y tenir toujours.
La cheffe de l’exécutif européen a promis des mesures pour aider Athènes à contrôler ses frontières. Nous verrons dans le détail. La force rapide de Frontex, l’agence européenne de protection des frontières, va très certainement être déployée. Il y aura assurément l’enregistrement de demandes d’asile, mais aussi des personnes refoulées, en contradiction totale avec le droit international et les valeurs européennes.
L’Union européenne, en l’absence de véritable politique étrangère, doit se contenter de subir la situation internationale, comme le montre l’absence des Européens dans les négociations syriennes. Les dirigeants européens paient les conséquences de leur manque de courage, alors qu’ils ont préféré déléguer la gestion migratoire à d’autres, souvent peu recommandables, sans développer leur propre vision.
Ce mercredi 4 mars, le Conseil des ministres de l’intérieur européens doit aborder la question de la gestion de la frontière extérieure de l’UE, de nouveau sous l’angle sécuritaire. Je ne vois pas ce qui pourrait émerger d’autre que des moyens supplémentaires pour endiguer les flux, avec, par exemple, la montée en charge des 10 000 gardes-frontières européens déjà promis d’ici à 2024. Cette vision, qui a émergé dans les années 1970, n’a jamais fait ses preuves.
Organiser la migration ne se limite pas à mettre de l’ordre aux frontières. Les flux migratoires débutent bien avant, ce devrait donc être aussi une affaire de politique étrangère, d’abord contre la guerre et la déstabilisation du monde, mais aussi avec des politiques sociales et familiales. Contrairement au climat, sujet pris au sérieux avec des projections à 2050 et des objectifs ambitieux, l’UE ne dispose pas d’une élaboration solide de ce qu’elle compte faire sur le long terme. L’accord UE-Turquie ne pouvait pas durer. Il n’a été remplacé par rien d’autre de sérieux.
Recueillie par Jean-Baptiste François