Des humains et des animaux sont bien souvent cruels. C’est leur nature ! Mais le plus faible s’en échappe. Histoire d’Esprit de Pentecôte
Les Hirondelles
C'était il y a une petite semaine… ma minette, fort bien inspirée, ma foi, s'était tapie et soigneusement ramassée au fin fond du bac à laver de l'atelier – au fin fond du bac à laver ?!… Sec et vide de toute flotte et de toute façon, bien entendu… il faut vous dire qu'au-dessus de l'objet se trouve une fenêtre, au travers de cette fenêtre ouverte sur le jardin : une grille, une de ces grilles æde fer forgé que bien des oiseaux aiment à utiliser en forme de perchoirs… brefs, et vous voyez où je veux bien en venir : un drame était à deux doigts de se jouer puisque j'avais très régulièrement, et ce, depuis plusieurs jours, les visites fidèles et régulières d'un couple d'hirondelles… l'une d'entre-elles était là, perchée, justement, et à me regarder… d'un seul coup d'un seul, et avant que j'ai eu le temps de comprendre quoi que ce soit, et donc de réagir : le chat jaune et féroce, pour l'occasion, avait sauté au-dessus de lui et à la verticale de pas loin d'un mètre de hauteur pour venir se saisir du petit et tendre volatile et par sa simple gueule – sans autre forme de procès.
J'étais furieux, et bien que l'instinct plutôt que la méchanceté ait motivé l'action du félin-lapin-jaune… bref, je fonce sur ma minette, lui saisit la tête aussitôt, lui ouvre le bec finalement sans aucune difficulté – et voilà l'oiseau qui file comme il peut... et qui prend son envol.
Avant que je reprenne réellement mes esprits : il était déjà dehors – et plus ou moins vaillant.
Mais en quel état, finalement ?!… je venais, qui plus est, de remarquer la trace, au fin fond de ce bac à lavages, d'une petite goutte de sang.
Une petite goutte de sang, toute fraîche, bien vive, issue de ce fameux combat rapide comme l'éclair.
C'est pitoyable, vous savez, de voir, comme ça, un petit oiseau saisi entre les dents d'un chat !… Le tuera-t-il ?… 'jouera'-t-il avec lui le temps d'une chanson ?… je crois qu'il faut avoir vu cela au moins une fois dans sa vie pour pouvoir parler de l'existence un peu sérieusement, si vous voulez tout savoir…
Bon.
L'oiseau avait filé, certes : et pour aller mourir dans je ne sais quel bosquet ?... Le poumon certainement perforé ; j'en étais à peu près persuadé.
Et puis je me disait aussi : quelle stupidité de se voir mourir ainsi, après pourtant avoir bravé tant et tant de choses, d'événements, traversé des continents entiers, essuyé certainement des tempêtes ainsi que des vents contraires..., et parcouru ce qui pourrait bien faire le quart d'un Tout du Monde, tout de même…
Quelle bêtise ; quel non-sens !
J'ai alors repris mon travail, mes meulages et autre réfection de bécanes à deux roues – le cœur lourd, vaguement perdu.
Oui, j'avais pris l'habitude d'accueillir régulièrement, avec tant de surprise et de joie, ce couple de petits animaux qui venait visiblement me regarder, scruter mes déplacements et mouvements… nous étions bien ensemble, devenus complices, amis, même – et puis ce coup de dent !
Cette folie passagère.
Je comptais vous raconter tout ceci, déjà sur le moment – mais la chute n'étais finalement pas drôle, et même bien sombre…
Et puis deux ou trois jours après – je crois que c'était trois – les oiseaux sont revenus, tous les deux : les deux mêmes !… Je n'en revenais pas... ils ont repris leurs mêmes habitudes, leurs mêmes ballets de circonstances – simplement avec un peu plus de prudence, c'est tout... j'étais ravi, et bénissant le Ciel !
Que dire de tout cela, quelle pensée en tirer, quel enseignement en faire ?… Qu'il faut bien espérer !… Que rien n'est jamais arrêté à l'idée que l'on s'en fait.
Tout est ouvert...
Il faut savoir espérer, oui : c'est cela, c'est bien cela, d’ailleurs… – bien espérer !
Jean-Marie Delthil. Bonny-sur-Loire, le 7 juin 2019 (4 heures du matin).