Ceux qui arrivent d’Afrique, d’Afghanistan, de Syrie, d’Irak, du Soudan, ou autres - émigrés du monde - entier sont repoussés avec violence
Au cercle silence de mercredi dernier, à Lyon, j’ai, dans ma tête, entretenu ce slogan : « Érythréen, Soudanais, Syriens, Malien, Algérien, Ukrainien… tous migrants - exilés - doivent être reconnus dans leur dignité fondamentale d’humain ».
La proximité européenne peut expliquer que l’on ouvre largement la porte aux réfugiés d’Ukraine, mais cela souligne l’éternel racisme. Un ressortissant du sud du Sahara serait-il moins digne qu’un homme « blanc » ? Les jeunes mineurs non accompagnés (MNA) des squats de Lyon sont attristés de voir que des étudiants noirs fuyant l’Ukraine sont refoulés à la frontière polonaise parce que noirs. Deux poids, deux mesures.
C’est alors que je lis le courrier des lecteurs du quotidien La Croix, 9 mars 2022, notamment celui signé Véronique Lacoste.
Les derniers événements de l’invasion de l’Ukraine et les déclarations de Poutine sont terrifiants. Il est impératif d’arrêter MAINTENANT les massacres et la destruction de l’Ukraine ainsi que les développements ultérieurs qui mèneront inéluctablement à la guerre nucléaire, dans quelques semaines ou dans quelques années. Seuls les Russes ont ce pouvoir. Certains commencent à se manifester courageusement. Mais il en est un dont la responsabilité est écrasante : le patriarche Kirill. Soutien inconditionnel de Poutine et de la dictature, comme le décrit bien l’article du 2 mars, il est d’ores et déjà devenu coupable de crime de guerre et de crime contre l’humanité, juridiquement parlant. Sa culpabilité est infiniment plus grande que celle de Poutine, parce qu’il est censé avoir l’Évangile pour référence et qu’il suffirait qu’il parle et mobilise l’Église orthodoxe russe pour tout arrêter immédiatement. (…)
Jean-Paul Lionet
Les médias et la grande majorité des nations considèrent maintenant Poutine comme un danger pour l’humanité. Mais, si on n’y prend pas garde, il est aussi un grand danger pour notre planète. Alors que la priorité de tous les pays devrait être de réduire le réchauffement de notre planète, en sortant au plus vite de la consommation des énergies fossiles, Poutine aggrave la situation. Non seulement il cherche à faire vivre son pays en exportant le plus possible de gaz et de pétrole, mais, en outre, par des destructions massives de villes en Syrie puis en Ukraine, il aggrave les dépenses à venir pour la reconstruction qui devra être faite lorsque se termineront les conflits violents qu’il a conduits. On a déjà du mal à tenir le cap fixé par le Giec et les COP successives, mais les guerres stupides occasionnées par Poutine sont en train d’aggraver notre retard. C’est une raison supplémentaire pour arrêter cet homme très dangereux. Je m’étonne que les écologistes ne se manifestent pas plus…
Bernard Leclercq
Je voudrais vous partager ce que je ressens et pousser un cri. Je suis très fortement interpellée par les Ukrainiens qui demandent à se réfugier en Pologne et très en colère quand je comprends que ceux qui arrivent des pays d’Afrique, d’Afghanistan, qui sont arrivés en urgence cet été après la prise de Kaboul par les Talibans, et ceux de Syrie, d’Irak, du Soudan, du Yémen, d’Éthiopie ou de l’Amérique du Sud et autres « émigrés du monde entier » sont repoussés avec violence, et sans aucun regard à leur attention. Pour moi ce sont des hommes et des femmes, des enfants, comme moi, des êtres humains qui ont grandement besoin d’aide, de réconfort et de pouvoir regarder en face l’avenir.
Notre société me choque, les chats et les chiens en Europe sont beaucoup mieux traités que ces hommes, femmes, enfants, vieillards…
Véronique Lacoste
Mise à jour. J’ajoute cette page lue dans La Croix L’Hebdo
La vision de familles ukrainiennes fuyant leur pays a justement provoqué une grande vague de solidarité dans toute l’Europe. Mais elle laisse un goût amer à tous ceux qui se battent depuis des années pour que l’Europe accueille mieux des réfugiés venus de plus loin, et victimes, eux aussi, de conflits armés.
L’Hebdo du 4 mars 2022.
Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef à La Croix : L’émotion provoquée dans toute l’Europe par la vision des familles ukrainiennes fuyant leur pays fait chaud au cœur. Même si la surenchère de propositions pour les accueillir laisse un goût un peu amer. Lyon, par la voix de son maire, explique, main sur le cœur, qu’il va leur ouvrir des logements. Tiens donc, il y avait des logements libres à Lyon ? Tout comme la société Airbnb, qui met à disposition 100 000 logements temporaires pour les Ukrainiens réfugiés. Paris de son côté assure pouvoir trouver « des solutions d’hébergement ». C’est donc que des solutions étaient possibles… Les associations qui se battent depuis des années pour obtenir des hébergements dans les grandes métropoles pour des réfugiés venus de pays eux aussi en guerre apprécieront.
Il faut se souvenir aujourd’hui de toutes ces portes que l’on a fermées pour les demandeurs d’asile africains, syriens, afghans, qui, attendant une solution pérenne, passent d’hôtel en foyer, sans possibilité d’insertion sérieuse. Certes, la situation de ces réfugiés ukrainiens est terriblement dramatique. Et il est normal que nous soyons naturellement plus sensibles au sort d’Européens.
C’est d’ailleurs classique : ce sont toujours les pays voisins qui accueillent le plus. Il y a une sorte de responsabilité de proximité. Ce que le Liban a fait pour les Syriens, la Pologne s’apprête à le faire pour les Ukrainiens. Mais il faut garder quelques principes en tête : les Ukrainiens peuvent venir en Europe sans visa, nous ne sommes donc pas dans le cadre de demandes d’asile gérées par le processus de Dublin. Enfin et surtout, les Ukrainiens ne viennent pas chez nous pour rester. La plupart d’entre eux souhaitent rester proches de leur pays, pour repartir dès qu’ils le pourront.
Pour autant, cette émotion est positive. Elle permet de faire bouger certaines réticences européennes face aux personnes déplacées. Ainsi, les Polonais et les Hongrois, qui avaient laissé la Grèce et l’Italie bien seules face à l’afflux de migrants venus de la Méditerranée, s’aperçoivent que la solidarité européenne en matière d’accueil des étrangers a du bon. La Hongrie, qui s’était fermée, a d’ailleurs déjà assoupli ses conditions pour permettre aux réfugiés un accès rapide à l’emploi.
Les Européens prennent ainsi conscience que leur continent n’est pas à l’abri des tragédies de l’histoire, et que ce à quoi nous assistons au Moyen-Orient depuis vingt ans peut arriver sur notre continent, avec son lot de drames humains et de déplacements. Peut-être regarderons-nous désormais d’un autre œil l’étranger qui vient frapper à nos frontières ? À condition que ce regard reste bien guidé par une solidarité aux dimensions de l’humanité, et non limité à une prétendue identité européenne. Que les étudiants africains qui étaient en Ukraine aient du mal à franchir les frontières polonaises est inquiétant. La vision de l’homme portée par l’Europe doit rester universelle.