Le goût de l’avenir appelle à l’action en marchant droit devant soi, sans écraser personne, ne servant jamais deux maîtres à la fois
Un ami, Jean-Paul, donne à connaitre à ses réseaux sur internet la tribune de Pierre Hurmic, publiée dans La Croix du 8 avril 2022. Il me signale cet article : « Tu verras dans ma revue de Presse la Tribune du Maire de Bordeaux parue dans La Croix ces jours-ci. Je pense que tu la valides à 100% ».
Effectivement, je valide entièrement.
Et cela me donne envie de déposer cette page en ce lieu.
Cela m’invite même à en savoir plus sur Pierre Hurmic. Je cherche alors sur la toile et je découvre une « table ronde » que j’ai suivie avec un grand plaisir, me disant que ce serait super que nous entendions ces paroles sur la fraternité : « la fraternité est-elle possible en politique ? » Voir la vidéo ci-dessous.
- La Croix du 08,11 avril 2022, tribune : Pierre Hurmic, maire de Bordeaux :
« Une religion de confort, éloignée de l’intendance du monde, s’exclut de ce monde »
Dans cette réflexion autour du rapport entre foi et politique, le maire écologiste de Bordeaux montre comment le christianisme peut être un appel à prendre nos responsabilités, au moment où nous affrontons une crise de foi dans les vertus supposées du progrès.
L’Église, comme ceux qui la fréquentent, ne peut rester « hors-sol », dégagée de toute responsabilité citoyenne, a fortiori au moment où ces mots perdent tant de leur sens.
La question de l’articulation de la foi chrétienne avec l’engagement politique s’est toujours posée. N’est-on pas, en effet, amené à s’interroger sur l’actualité du message chrétien, sa dimension verticale, mais aussi sur l’horizon qu’il nous propose dans notre relation aux hommes, à la terre, au vivant ?
Cette relation peut prendre la forme d’un engagement politique qu’il ne faut résumer ni à la compétition électorale ni à la politique partisane, mais qui englobe toute forme d’engagement citoyen au service de la cité, au service des autres, au service des plus démunis de nos frères.
Dans une société où l’individualisme intégral, comme le communautarisme, tout aussi intégral, font le jeu de la tyrannie marchande d’un néolibéralisme financier sans foi ni loi, le chrétien n’a-t-il pas sa place pour tenter de construire un monde plus juste, plus solidaire, plus soucieux des enjeux écologiques ?
Hors-sol
L’Église, comme ceux qui la fréquentent, ne peut rester « hors-sol », dégagée de toute responsabilité citoyenne, a fortiori au moment où ces mots perdent tant de leur sens. Une religion de confort, éloignée de l’intendance du monde, s’exclut de ce monde. La foi chrétienne est une espérance, mais aussi un appel qui doit nous bousculer, un appel pressant au moment où nous affrontons une vraie crise de foi dans les vertus supposées du progrès. L’orientation fondamentale de la modernité, qui se caractérise par la recherche du bonheur à travers la consommation débridée, a vécu.
Cette approche, contraire à la plupart des traditions de sagesse, dont aucune ne place le bonheur et la joie de vivre dans la possession, a démontré ses limites. « Plus de liens, moins de biens », ne cesse de réclamer, à juste titre, Edgar Morin. Le chrétien doit se reconnaître dans cette salutaire quête, comme l’athée peut facilement se retrouver dans l’admirable encyclique Laudato si’ du pape François. Peut-on ne pas partager avec lui l’idée que la crise actuelle est d’abord une crise éthique, culturelle et spirituelle de la modernité, une perturbation de la relation à la terre, qui va de pair avec une perturbation de la relation à autrui ?
Écologie intégrale
L’écologie intégrale, à la fois humaine et sociale qu’il appelle ardemment de ses vœux, n’est-elle pas une lumineuse boussole pour ceux qui croient au Ciel, comme pour ceux qui n’y croient pas ? Je suis convaincu par François quand il écrit que « le rythme de consommation, de gaspillage et de détérioration de l’environnement a dépassé les possibilités de la planète, à tel point que le style de vie actuel, parce qu’il est insoutenable, peut seulement conduire à des catastrophes, comme, de fait, cela arrive déjà périodiquement dans diverses régions ».
Le pape nous montre combien les convictions de foi offrent aux chrétiens de puissantes motivations, non seulement pour prendre soin de la Terre nourricière, mais aussi pour s’engager et entraîner nos concitoyens dans ce combat vital. Le changement complet de paradigme, les nouveaux modes de production, de distribution, de répartition et de consommation requis ne méritent-ils pas l’engagement de chacun ? Il nous faut œuvrer pour que notre société retrouve les valeurs de modération, de sobriété qu’elle a perdues.
Une libération
Œuvrer pour une sobriété heureuse, c’est savoir se libérer des excès du consumérisme, de tant d’addictions puissamment formatées. Il faut inviter tous ceux qui sont convaincus que changer le monde est impossible à ne pas décourager ceux qui essaient, et à partager cette utopie réaliste.
La politique, à l’âge de la défiance, a besoin d’être réinventée, pour éviter qu’elle ne devienne l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. Les chrétiens ne peuvent être insensibles à cet immense chantier. Une contre-indication biblique devrait-elle leur interdire de mener le combat ? La fraternité républicaine n’est-elle pas la réponse politique à la grande question évangélique « Qu’as-tu fait de ton frère ? ». La foi n’est ni une certitude, ni une médaille, ni une identité. C’est une espérance, une traversée, une quête jamais achevée.
Cette traversée peut emprunter des chemins politiques, avec les précautions d’usage requises. Jacques Ellul invitait les chrétiens à être présents au monde… sans s’y conformer, tout en répétant qu’« exister, c’est résister ». Résister, c’est ne pas craindre de s’engager, pour ne pas laisser le monopole de la politique à ceux qui, sous couvert qu’ils en font leur profession, la confisquent.
Une mission, un service
La politique n’est pas un métier, mais une mission et un service, c’est une aventure et non une carrière, c’est une responsabilité avant d’être une ambition. C’est affronter chaque jour ce débat inévitable entre l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité. La foi peut aider à mener le combat politique sans angélisme ni cynisme. S’appuyer sur des convictions spirituelles est un soutien et un réconfort le soir des inévitables découragements, pour remplacer des cris d’alarme par un cap d’espérance.
« On ne fait pas de la politique avec de la morale, on n’en fait pas non plus sans », disait si bien André Malraux. Le goût de l’avenir appelle à l’action, il appelle à marcher droit devant soi, sans écraser personne, en ne confondant pas adversaires et ennemis, en n’oubliant pas qu’on ne peut servir deux maîtres à la fois, en faisant de l’énergie politique une énergie renouvelable. En gardant constance dans les idées et détermination dans l’action. En retenant la pertinence de ce propos tenu par un chrétien engagé, l’abbé Pierre : « La politique est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire. »
La fraternité est-elle possible en politique ?
La fraternité est une façon de sortir des crises que nous vivons actuellement, crises qui se superposent.
L'écologie est d'abord une fraternité.
Provisions de biens = appauvrissement de liens.