Biennale de Lyon : une terrible logorrhée en est née.
Le point de vue de Nicole Esterolle
La Chronique n° 18
Pop surréaliste Tom Schorr
Voici un tout petit extrait du texte de cinq pages bien tassées (dont l’une vous est jointe) que Thierry Raspail, le Directeur de la Biennale d’Art Contemporain de Lyon vient d’écrire pour la préface du catalogue de cette manifestation, qui a pour titre « une terrible beauté est née »:
« La plasticité des faits d’histoire, comme celle des œuvres quelles qu’elles soient, et qu’elles s’espacent dans le temps ou non, délimite un cadre, une configuration et des périphéries, qu’il est vain d’énoncer a priori. (…) Mais à cette histoire, il faut bien un début, car avant d’être un qui (playlist), l’exposition est un comment. Qu’est-ce qu’un début ? s’interrogeait Louis Althusser avant d’étrangler son épouse (…) Comme l’histoire générale, mais pour un temps seulement, l’exposition doit pouvoir tracer sans trahir les propriétés combinatoires d’une morphologie définitivement conjoncturelle, sans passé ni avenir, au présent. Et contenir en prélude (ce qui interdit au « savoir constitué », comme à la « certitude des choses », à la « pensée readymade », à la « structure » et au « fondement »), d’imposer un type, fut-il « idéal (Weber), un modèle, (un telos), et contenir, ce qu’à défaut de mots nous empruntons à Carlos Ginsburg, « des éléments impondérables » : le flair, le coup d’oeil, l’intuition. »
Je vous soumets cela, car j’aimerais savoir si je suis la seule, à ressentir le caractère absolument abscons, insensé, délirant, complètement halluciné ou explosé du dedans, de ce texte qui, lu à haute voix, vous fait desquamer* la langue et sortir de la fumée par les oreilles. Un texte, dont on se demande d’ailleurs si son auteur n’a pas trop fumé la moquette et ne va pas bientôt manger son chien, sa sacoche ou la plante verte de son bureau.
J’aimerais savoir aussi si je suis la seule à détester le caractère éminemment anxiogène de l’épais catalogue où cette tartine de mots figure , avec sa sinistre mise en page toute en noir et sa ligne graphique façon archives du KGB, avec ses articles optiquement illisibles et intellectuellement malodorants, avec ses terrifiantes images, ses cinq pages entièrement blanches, ses doubles pages de cercueils, d’entrée de cimetière ou d’intérieur de bouche aux dents fracassées, avec cette poisseuse complaisance pour les misères du monde, avec cette obsession permanente du questionnement sans fond sur le réel ou sur l’histoire, avec cette compacité inouïe de négatif, de morbide et de désenchantement… Bref, savoir si je suis la seule donc, compte tenu de ce pathos catastrophile ou nécrophile, à m’inquiéter sur les chances de survie sur cette terre, de l’art, de l’humanité, des animaux et des plantes vertes.
Car enfin , cette Biennale n’a rien d’une inoffensive amusette de quartier, c’est une énorme machine de guerre médiatique qui est devenue l’emblème de notre vitalité culturelle nationale (pas étonnant d’ailleurs, qu’avec cette réussite planétaire, son directeur, parvenu au paroxysme de boursoufflure de son ego, puisse se permettre impunément de faire preuve d’une telle frénésie langagière et d’une incontinence rhétorique qui lui serait fatale dans tout autre domaine. Il paraît d’ailleurs, qu’au mieux de son exaltation mégalomaniaque ou de son ivresse de pouvoir, il lui arrive de grimper sur son bureau pour hurler comme Tarzan en se frappant la poitrine). Car cette Biennale est une colossale usine à gaz culturel. Elle fait la fierté des édiles locaux. Elle coûte je ne sais plus combien de millions d’euros à la région, à la ville et aux sponsors (Dont les casinos Partouche au fameux slogan : « la culture pour tous, partout, Partouche »). Elle emploie des centaines de personnes. Elle occupe avec ses manifestations annexes des centaines de lieux dans les zones prioritairement défavorisées des alentours. Elle fait venir des wagons entiers de journalistes transbahutés logés-nourris-abreuvés et encadrés pire qu’en URSS. Elle se paie quatre pages centrales dans le Monde signées par la dream team de la critique d’art française : la fameuse triplette Dagen -Lequeux - Bellet, etc.,
Je m’inquiète donc de cette croissance exponentielle d’un contenant qui semble ne pouvoir se faire que par diminution accélérée de la possibilité de retour d’un contenu positif, vivant, sain, senti, pensé, coloré, travaillé, inventé, généreux, prospectif, aimable à voir et qui élève l’âme…
Je m’inquiète de voir politiques et journalistes, tous ensemble piégés dans un même mécanisme incontrôlable, honteux parfois de ne rien pouvoir faire et dire pour réguler cette emballement de l’inepte, qui ne leur fasse risquer de perdre leur rôle et attribution dans cette même mécanique décérébrée.
Mais je me réjouis en voyant le Conseil Régional proposer en ses grandioses locaux tout neufs, cette exposition intelligente et gaie de peintres de la tendance Lowbrow et Pop-surréalistes, en contre point de cette biennale stupide et triste, et comme pour se faire pardonner le soutien obligé qu’il apporte à cette dernière.
(Et je vous joins aussi cette belle image du Pop surréaliste Tom Schorr, qui pourrait pour l’occasion s’intituler « Tarzan, la honte de la jungle »)
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*{v.i.ou v.pron.} Se dit de la peau qui se détache sous forme d'écailles, de squames.
{v.t.} Débarrasser la peau de ses squames (cellules mortes).