Jean dit : au début, les ténèbres. La lumière a lui dans les ténèbres. L'absolu est cette lumière vers laquelle on se dirige, vérité unique
J’ai rencontré Favrene pour la première fois en 1996, à l’occasion d’une exposition. La vitalité de sa peinture m’a immédiatement frappée. Elle montre une grande vérité sur l’homme sans rien cacher. Puis les échanges que l’on a eu me dévoilèrent sa foi en Christ, en Dieu, en la Vérité invisible. Il dit que les gens veulent surtout voir dans ses toiles la « gaudriole » , « mais, ajoute-t-il, il n’y a pas que cela »
MICHEL DURAND
Favrene, à chaque fois qu'un critique voit votre peinture, il en fait un commentaire superficiel, il parle de la baguette de pain, du litre de rouge, des femmes fesses à l'air etc ... comment cela se fait-il que l'on aborde votre peinture surtout sous cet aspect frivole ?
FAVRENE
Je pense que c'est lié au fait que les critiques d'art sont des gens qui n'ont pas forcément le discernement artistique. J'en parlais récemment avec Charles Gourdin, adjoint à la culture pour la Mairie de Villeurbanne. Ils regardent un peu ce qui les arrange pour les media. Il n'y a que 10 % de ma peinture que l'on peut dire frivole. Peut-être, ça les amuse de parler de mon travail sous son aspect gaudriole. Pour moi les femmes que je peins, c'est le mouvement, ce n'est pas la femme pour la femme, c'est le mouvement et cela m'a bien plu de peindre la façade de la Mairie de Villeurbanne parce qu'il y a cet axe, cette espèce de phallus érigé en béton autour duquel j'ai tracé un mouvement. Actuellement, on abuse de la roue. En abusant de la roue, on est en train d'user l'axe et en usant l'axe, on devient désaxé. Les problèmes de la vie, c'est par la roue que cela commence. Du reste, les gens, qui sont venus à mes vernissages, ne me demandent pas si la peinture a plu, ils me demandent « est-ce que ça tourne bien ? » comme la roue. Ce qu'il faut dire avant tout, c'est que la peinture, ce n'est pas fait pour être vendue. Évidemment, si quelqu'un vient pour acheter une peinture, on va vendre ; mais, ce n'est pas le but. Je ne ferai jamais des démarches pour essayer de vendre quoi que ce soit. Parce que, à ce moment-là, on vend des peintures et on tombe dans les marchands de sandwich. On cesse d'être des artistes. L'art ça devrait être ce qui nous échappe contingentement de la vie courante.
MICHEL DURAND
Par là vous voulez dire que l'art doit interroger, dénoncer.
FAVRENE
Avant de dénoncer, l'art sépare le côté trop rationnel des choses du côté irrationnel. Dans la vie courante, l'aspect trop contingenté conduit à l'ennui. Or l'ennui naquit de la monotonie, a dit un certain philosophe, et quand il y a ennui il n'y a plus d'esprit, car quelqu'un qui a de l'esprit ne s'ennuie pas. Dans ma peinture donc, les critiques regardent seulement au premier degré.
MICHEL DURAND
Voilà, vous regrettez qu'ils n'abordent pas l'aspect spirituel, c'est-à-dire toutes les dimensions de la vie humaine. Les petites femmes qui lèvent les jambes, avez-vous dit, indiquent le mouvement, la vie.
FAVRENE
Oui, au premier degré. Cela pourrait être pris aussi pour de l'humour et par l'humour, on fait passer le reste. C'est bien connu que l'humour est la porte qui s'ouvre sur quelque chose de plus intrinsèque.
MICHEL DURAND
Ouverture sur la vie humaine dans toute sa profondeur.
FAVRENE
La vie humaine, l'être humain n'est pas très sérieux dans sa vie en général. Il l'est par moments, comme l'artiste est artiste par moments. Il est plus souvent artisan.
MICHEL DURAND
Sur une toile qui parle de la vie telle qu'on la voit dans la rue, sur une terrasse de café, il convient alors de voir autre chose que ce que l'on voit au premier coup d'œil.
FAVRENE
Oui, il faut oublier un moment l'anecdote et voir la beauté. S'il n'y a pas une certaine beauté dans une œuvre d'art, ce n'est plus une œuvre d'art. Delacroix a dit qu'une œuvre devait être avant tout une fête pour l'œil. Quand je mets une voiture avec des gens qui boivent des canons et des femmes qui dansent autour, je mets toujours une flèche qui indique centre ville toute direction, c'est-à-dire qu'il ne faut pas s'y attarder. Une flèche qui indique qu'il faut aller ailleurs. Je mets des poteaux indicateurs. J'indique la direction, là où l'on va tous. Et où va-t-on ? Vers l'Absolu. Là, on ne rigole pas
MICHEL DURAND
Comment comprendre l'Absolu? un Ailleurs vers lequel nous nous dirigeons ?
FAVRENE
Il y a les choses telles qu'elles sont concrètement, et il y a les choses telles que les gens se les imaginent. Il y a les gens tels qu'ils se voient eux-mêmes, tels qu'ils s'imaginent qu'ils se voient et tels que les autres les voient ou s'imaginent que les autres les voient. L'absolu, c'est le concret, sans imagination. Il n'y a que la mort qui cesse tout. La mort cesse tout mouvement humain, vital ; donc, c'est l'absolu et puisque c'est l'Absolu, c'est l'ouverture sur Dieu. Tout est relatif sauf la mort. La lumière ne peut venir que de la mort, des ténèbres. L'évangile de Jean le dit : au commencement étaient les ténèbres et la lumière a lui dans les ténèbres.
MICHEL DURAND
L'absolu serait cette lumière vers laquelle on se dirige, lumière qui est vérité indépassable, lumière déjà présente dans notre existence par le rêve.
FAVRENE
Il y a une première approche par le rêve de ce qui est absolu ; une première idée de l'absolu. Est-ce que ce n'est pas cela la recherche de l'artiste ? Il y a ce que l'artiste sait quand il fait une peinture et ce qu'il ignore du pourquoi il le fait. On ne sait pas complètement pourquoi on peint même si on en a une petite idée.
MICHEL DURAND
Quelquefois, dans votre peinture on voit une scène très plaisante et un environnement dramatique, angoissant: des crânes, des usines, des cheminées, des immeubles écrasants ...
FAVRENE
Non, ce n'est jamais très angoissant.
MICHEL DURAND
Les crânes quand même.
FAVRENE
Les crânes sur lesquels nous marchons, vivons, dansons ... Oui, mais nous vivons sans cesse sur la mort. Ce n'est pas très dramatique. La terre est un gigantesque cimetière, ne serait-ce que par les fossiles de tous les temps qui s'y trouvent. Nous vivons sans arrêt sur la mort ; on marche dessus continuellement. Je ne fais, en peignant ainsi, que témoigner de la réalité. Je montre ce qui existe, en schématisant, bien sûr. Et il ne faut pas oublier que quand je peins la non-vie - la mort absolue n'existe pas - je mets toujours un panneau de stationnement alternatif. C'est-à-dire une indication qu'il ne faut pas trop rester dans cette condition qui finalement est un mouvement, mouvement certes négatif, mais quand même mouvement indispensable à la vie. Quand je peins des crânes, je peins encore la vie dans ce qu'elle a de recommencement. Il faut passer par l'étape du désert. Le désert, c'est la mort parce qu'il n'y a plus rien à sa surface ; mais c'est aussi la vie quand on regarde plus en profondeur.
MICHEL DURAND
Quand vous employez le mot spirituel, à quoi pensez-vous?
FAVRENE
J'emploie le mot spirituel pour signifier tout ce qui est invisible. Quand je me promène dans la nature je regarde la merveille de la nature, la merveille de l'être humain, la merveille de la mécanique humaine, la merveille du microcosme et du macrocosme, tout ce que nous voyons avec nos yeux. Et il y a aussi tout ce que nous ne voyons pas, qui est derrière, et qui pousse cette beauté, cette exaltation de la nature qui laisse perplexes même les plus grands scientifiques.
MICHEL DURAND
Donc, notamment avec l'utilisation des panneaux du code de la route, beaucoup d'avertissements dans votre peinture.
FAVRENE
Les panneaux je les utilise parce que c'est pratique. Ils montrent la direction du mouvement qu'il faut toujours contrôler, parfois ne pas prendre : sens interdit ! Ils indiquent quand il ne faut pas stationner. Donc, ma peinture est tout sauf de la gaudriole. Mais je pense qu'il faut y passer et je suis content d'avoir déclenché cette polémique, parce que c'en est une. Les critiques semblent séduits par la gaudriole.
MICHEL DURAND
Et que pensez-vous de la liberté ? Il y a beaucoup de sens obligatoires qui va les suivre ?
FAVRENE
Chacun suit sa route, librement. Pourtant, si quelqu'un suit une route qui ne lui est pas autorisée, il va lui arriver quelque chose. Une indication est là pour dire "arrête-toi", ce n'est pas ta route, tu risques des accidents ou des ennuis psychologiques. Il faudrait donc s'arrêter, il faudrait donc réfléchir, s'arrêter par la force des choses et réfléchir : tiens, qu'est-ce qui s'est passé ? A ce moment-là, il va comprendre la carte de son propre itinéraire.
MICHEL DURAND
Revenons sur la gaudriole présente dans votre peinture. C'est inévitable mais pas essentielle.
FAVRENE C'est tout sauf essentiel. C'est tout à fait passager, épisodique, fugace comme le vin, comme les femmes, comme la danse. Ce ne saurait tenir dans le temps. Les chansonnettes ne durent que l'espace d'un instant après on ne veut plus les entendre. On les déteste aussi vite qu'on les a adulées. Mais, pourquoi est-ce que j'ai commencé, dans ma peinture, par le vin, les femmes, la musique ? Parce que j'ai travaillé dans ce milieu. J'ai travaillé dans les PMU ; donc j'ai connu des gens qui buvaient, qui se soûlaient, d'autres qui venaient pour échapper à une solitude, d'autres qui venaient jouer pour se payer la part du rêve à laquelle ils pensaient avoir droit. J'ai vu des gens qui se sont ruinés parce qu'ils espéraient renflouer l'argent des comptables qui piquaient dans la caisse. Ils n'étaient pas plus malhonnêtes que d'autres, mais ils espéraient que le hasard les aiderait à renflouer l'argent qu'ils avaient pris pour le restituer à qui de droit. Ce que je montre dans ma peinture c'est la vie telle que je l'ai vécue. Ce que l'on voit n'est pas l'essentiel. Je n'en reste pas à cet aspect extérieur que je nomme la gaudriole.
MICHEL DURAND
Oui, et ce vécu, léger, est, selon vous, inévitable.
FAVRENE
L'être le plus sérieux de la terre, le plus spirituel, forcément atterrira tôt ou tard, derrière l'église, c'est-à-dire au bistrot.
MICHEL DURAND
Le rêve qu'on ne peut atteindre, on veut l'oublier, voire le noyer.
FAVRENE
Oui, c'est cela, et aussi voir le rêve des autres. Ce sont des repères. Des repères négatifs qui sont aussi importants que les autres repères. Évidemment, les interviews faits par les journalistes, par les critiques d'art - j'ai fait récemment une émission de télévision - vont très vite. Ils n'ont pas le temps d'atteindre le fond des choses comme je souhaiterais l'exprimer. Mais, en ont-ils seulement le désir ? Ils ont peut-être tout simplement envie de rigoler.
MICHEL DURAND
Pourtant, quand on lit les titres de vos peintures, on s'aperçoit qu'il y a une profonde orientation humaine : vous traitez des thèmes comme celui du respect de la nature, des droits de l'homme. Il y a également un nombre non négligeable de titres bibliques: Jonas, crucifixion, nativité, sainte cène etc .... comment les critiques d'art peuvent-ils, globalement, faire l'impasse sur cette recherche en peinture qui atteint le donné fondamental de la quête spirituelle de tout homme ?
FAVRENE
On en revient à ce que je disais au début. Les critiques d'art ne regardent bien que ce qu'ils veulent regarder. Si l'on veut bien être honnête avec la civilisation européenne, elle s'est faite avec la religion chrétienne. Ce sont les moines qui ont commencé à défricher, à enseigner les ignares. Les religieuses ont recueilli dans leurs orphelinats, comme on le disait avant, les fruits du péché. Elles se penchaient sur les lits des pestiférés bien avant qu'il y ait la sécurité sociale pour les payer. Si on oublie cela, c'est de l'ingratitude. Donc, la dimension spirituelle est indissociable. Dans la crucifixion que j'ai faite, j'ai mis le Christ en position de croix, mais je n'ai pas mis de croix. Volontairement, parce qu'on est arrivé au moment où le symbole est moins utile qu'il fut un temps. C'est facile de critiquer la religion. Mais on oublie que dans le passé, les gens n'avaient pas la même évolution que maintenant. Aujourd'hui, le symbole est moins important. C'est peut-être la raison pour laquelle on va dans une église moins pour le symbole, mais plus pour l'architecture et son côté artistique.
MICHEL DURAND
Votre peinture parle de faits qui se trouvent dans la révélation chrétienne. Est-ce que ceux-ci sont prétexte à une œuvre ou est-ce que vous adhérez au message du Christ ? Par exemple la résurrection ?
FAVRENE
Est-ce que je crois à la résurrection du Christ ? Oui, et cela se voit dans ma peinture. Du moment qu'il y a l'axe et la roue, il y a la croix, donc il y a le Christ. Le Christ, c'est la lumière dans les ténèbres. Donc c'est un repère, c'est le poteau indicateur. Je ne veux pas faire un tas de théories intellectuelles. C'est cela, la Lumière ! Je parle de Christ, pas Jésus, mais Christ. Il y a une grande différence entre Jésus et le Christ.
MICHEL DURAND
Plastiquement, comment montrez-vous la différence entre Jésus, homme de Palestine, et le Christ ressuscité ? Comment le visiteur peut-il ressentir la lumière du Ressuscité ? N'y a-t-il pas une différence entre ce que vous dites sur le Christ et ce que vous peignez ?
FAVRENE
Si, certainement. Certainement, il y a un côté païen dans ma peinture. Tout est paradoxe. Il y a un côté païen dans ma peinture mais il n'y a pas qu'un côté païen, comme dans tout être humain. Personne n'est 24 heures sur 24 penché sur l'Esprit. Il y a déjà les contingences matérielles. Il y a inéluctablement un côté païen et je suis d'accord avec le critique qui a écrit, « Favrène, le moine païen ». Chez tout moine, i! y a un côté païen. Mais je ne m'arrête pas à ce paganisme possible. Comme je suis dans le mouvement, le côté païen ne reste pas. Il est bousculé par le côté profondément spirituel parce que s'il n'y a pas l'esprit, rien ne vaut le coup d'être vécu, ni la vie, ni la mort. Rien ne mérite d'être vécu si l'on ne se surpasse pas. Et je dis cela par la peinture. Pourquoi une peinture a un impact et pas une autre, c'est parce que celle qui a un impact s'est surpassée à un moment donné. Elle a donné au peintre la possibilité d'aller au-delà de lui-même. Je pense que dans ma peinture, même s'il n'y a pas d'élan mystique, i! y a plus de spirituel que son contraire alors que les critiques d'art ne voient que le matériel. Ils me taxent de dragueur, de buveur, de baiseur ... oui, je suis peut -être tout cela comme tout un chacun par moments, mais je suis surtout le contraire. Ils parlent du peintre Fravène lyonnais haut en couleur !
MICHEL DURAND
De la couleur, il y en a beaucoup dans ce que vous peignez, mais je suppose que les critiques, quand ils parlent de «haut en couleur», ils pensent à la vie de l'artiste et non à son œuvre.
FAVRENE
C'est l'œuvre qui est le plus important. Moi, ma peinture doit s'adresser au peuple, à tout le monde. Cela ne veut pas dire qu'elle doit tomber dans le populisme. Du reste, je ne pense pas que ma peinture soit tombée dans ce travers. Il n'y a rien de blasphématoire, d'humiliant contre qui que ce soit ou de scandaleux. Il n'y a rien de tout cela. C'est une peinture saine qui s'adresse à tout le monde, c'est-à-dire à ceux qui veulent regarder ce que je fais et à ceux qui veulent approfondir la question et y trouver un message. Dans ma peinture, il y a un message.
MICHEL DURAND
En ce sens, il est plus intéressant de bien regarder votre peinture que de savoir qui est Favrène.
FAVRENE
Qui est Fravène ? Ce n'est pas intéressant de le savoir. Le peintre doit s'effacer devant l'homme. Du reste, on ne devrait même pas signer les œuvres. C'est un phénomène récent. Avant les œuvres étaient mécennées soit par l'Église, soit par la richissime noblesse. Et maintenant, elles le sont plus ou moins par les institutions républicaines comme c'est le cas pour moi à la Mairie de Villeurbanne. Mais le particulier qui veut acquérir une toile, c'est un phénomène du XIXe siècle, c'est tout récent. Forcément, on est tombé dans les abus du marché de la création. Quand on met le mot marché, i! n'y a plus d'art dans sa liberté. Le marché, c'est un piège. Que l'on y vienne quelque temps, d'accord, mais sans y rester. Venir au marché, c'est pour vendre ; alors, on casse les prix , mais on casse aussi la création parce que l'on va se mettre à faire ce que le public demande. Le public n'est pas toujours bon connaisseur. Il demande ce qui va le flatter au premier degré, ce qui va faire joli à côté de la photo du grand-père ou de la dernière tapisserie qu'on a mise au mur. Cela ne va pas très loin. Dans ce contexte, le peintre va passer la semaine à refaire ce qui plaît. On va être des besogneux et la création qui est en nous, qui est un don que l'on a reçu, on le galvaude. C'est-à-dire qu'on cesse d'être des artistes pour être des faiseurs et des marchands.
MICHEL DURAND
L'artiste doit donc se faire le serviteur d'une création, d'un message.
FAVRENE
Je suis assez d'accord avec cela. C'est une ascèse et une vocation plus qu'un moyen de faire de l'argent pour pouvoir bien vivre et entretenir des relations mondaines et s'acheter le dernier frigidaire ou s'acheter la dernière voiture. Dans l’absolu c'est cela. Je ne sais pas si on y arrive, mais dans l'absolu, c'est cela. Il faudrait que l'on revienne à une conception plus saine de l'art. Ce n'est pas fait pour vendre la peinture. Ce n'est pas un produit marchand. Cela déstabilise.
MICHEL DURAND
Mais, il faut bien vivre !
FAVRENE
Il faut bien que l'on vive ; je l'ai entendu mille fois cela. Mais, dans notre société, je pense que les gens meurent plus parce qu'ils mangent trop que parce qu'ils ne mangent pas assez. Je parle de notre société évidemment, pas du Tiers-Monde.
MICHEL DURAND
Nous en revenons à l'expression : « Favrène le moine ».
FAVRENE
Voilà. Celui qui a une lumière intérieure - on peut l'appeler comme on voudra, libre à chacun - peut vivre dans la solitude sans être seul. Celui qui ne l'a pas, il ne peut pas. Il va falloir qu'il fasse du bruit. Il va taper fort en marchant par terre ; il va avoir des vibrations de plus en plus fortes ; du techno ; et cela va faire du bruit et du bouquant. Plus, la vibration serait grossière, cela veut dire que moins l'individu est capable de supporter le silence.
MICHEL DURAND
Le visage. De nombreux journalistes parlent des beaux yeux bleus de Favrène et de la malice du regard.
FAVRENE
Le regard est quelque chose de très complexe. Les yeux sont le miroir de l'homme. Vouloir parler des yeux, c'est parler de l'âme.... J'en suis bien incapable. Je ne vais pas chercher si loin que cela. Je peins des yeux parce qu'il y a un visage, tout simplement. Je fais les lèvres rouges parce qu'il y a une sensualité exagérée. Peindre, c'est peut-être aussi exagérer les traits du visage. Mais avant tout une peinture - je rejoins constamment Delacroix "cela doit être une fête pour les yeux". C'est d'abord le but essentiel ; apporter du beau. Dans la grisaille de la vie, apporter du beau. Une fenêtre ouverte. Maintenant ce que je fais aujourd'hui, ne sera pas forcément le même demain. Je vais peut -être évoluer, mais je ne sais pas comment.
• Décembre 1998