Michel Blazy : J’espére que le côté mystique du lieu charge la pièce, grâce à cette matière mystérieuse qu’est la mousse
Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire, vu de la province, les Bernardins font un peu chochotte. Certes, il s’y passe de très bonnes choses, mais quand même !
N’oublions pas que, dans mon regard, je l’écrivais, il peut y avoir une pointe de jalousie : Comment l’Eglise à Lyon n’arrive–t-elle pas à se donner un lieu culturel aussi prestigieux ?
Bernardins, Paris, crème fouettée sur échafaudage de néant
Nous le savons, le dit « art contemporain » n’est plus actuel. Il se serait arrêté vers les années 70/80. C’est pour cela que je qualifie d’académique, ou d’officiel l’art contemporain promu dans les hautes sphères du pouvoir politique ou (et) financier. Cet art, ainsi cadré, s’accompagne d’un long discours car il est plus expression philosophique qu’œuvre plastique. En ce sens il offre tout l’intérêt d’un regard sur la société telle qu’elle est. Or, pour un chrétien, le dialogue avec ce monde est incontournable. Quel est le disciple du Christ qui refuserait de rencontrer, surtout dans ses hauts spirituels, les génies créateurs imaginant une œuvre donnant à penser notre contemporanéité ?
Sous une voûte gothique, une installation très chosiste d’objets ordinaires se charge inéluctablement de force transcendante. Ainsi des critiques d’art, illustrant les lignes Buren, affirment que sur une place publique, les verticales noires et blanches conduisent de suite, malgré l’intention de l’auteur, à l’élévation de l’esprit vers le ciel, symbole de la transcendance de l’unique Créateur.
Bref dialoguer avec ces expressions relève d’un principe évident. Demeure la question : jusqu’où conduire le dialogue ? Va-t-on, par désir d’une Eglise tout ouverte sur le monde économico, libéralo productiviste présent sur le marché de l’art, ouvrir ses portes aux académiques ?
Telle est la question que me pose le blogueur du schtroumpf-emergent.
Voici un extrait de son article « posté » le 5 juillet 20121 :
Quand l’union art contemporain et évasion fiscale est bénie par l’archevêque
La chronique n° 31 de Sœur Nicole
(Texte que vous pouvez aussi trouver, ainsi que les précédentes chroniques, sur www.schtroumpf-emergent.com )
Michel Blazy est, comme Daniel Buren , « un artiste français à renommée internationale ». Sa spécialité à lui, ce sont des sculptures faites à partir des petites choses de la maison, qui n’inspirent d’ordinaire que le mépris ou l’indifférence dévolue aux objets du quotidien : purée de carotte, graines de lentilles, colorants alimentaires, cacahuètes, boudin, danette, farine, ketchup, lentilles, mousse à raser, peau d’oranges, pomme de terre, croquettes pour chien et chat ,etc.. Ces menues choses constituent donc, pour cet athlète de l’art de haut niveau, le support de puissantes investigations plastiques et philosophiques. Les œuvres deviennent alors « des métaphores de la fragilité, du temps qui passe et de la brièveté de la vie ». Elles sont propulseuses d’une intense réflexion d’ordre métaphysique…
D’où l’invitation qui lui a été faite d’exposer en ce haut – lieu de quête spirituelle qu’est le Collège des Bernardins, à Paris. Il y montre donc actuellement, non pas son fameux mur en purée de carotte, (ni son rhomboèdre de pommes de terre pourries qu’il avait proposé à côté du célèbre tas de charbon de Bernar Venet et du non moins célèbre pot de compote de mouches de Damien Hirst, à la Biennale de Sao Paulo), mais une installation intitulée « Bouquet Final » ( voir photo jointe) qui est réalisée à partir de mousse de produit vaisselle débordant de bacs dans lesquels des tuyaux soufflent de l’air. Cette oeuvre puissamment allégorique, « évoque le futur possible de la planète si nous ne prenons garde à notre environnement ; décroissance et surconsommation sont au cœur des préoccupations de l’artiste. » dit le com de presse.
« C’est la pièce la plus importante que j’ai faite en mousse de savon. Ça fait une dizaine d’années que j’utilise ce matériau, mais c’est la première fois que je dépasse véritablement l’échelle humaine. Je suis parti de la sensation que l’on peut avoir dans les lieux de culte, où le corps est complètement dépassé par l’architecture, et où l’ on est dans une attitude de respect (…) J’espére que le côté mystique du lieu charge la pièce, grâce à cette matière mystérieuse qu’est la mousse », a déclaré l’artiste au cours de l’un des séminaires mensuels « Paroles d’art » (voir la video) organisés au Collège, où l’on a pu déjà entendre les conférences de Claude Rutault sur le vertige métaphysique provoqué par ses « tableaux peints de la couleur des murs où ils sont accrochés », et de Buren sur verticalité transcendantale de ses bandes …Et autres déclinaisons du concept « crème fouettée sur fond de néant. » inventé il y a quelques décennies déjà par le prophète Marcel Duchamp, et qui a provoqué chez les bigots de l’art contemporain d’innombrables cas d’epectase avérée.
Car selon le Cardinal André Vingt-Trois, Archevêque de Paris, l’ enjeu du Collège des Bernardins est « d’offrir un lieu du dialogue
intellectuel et spirituel sans lequel les grands tournants de l’histoire ne peuvent se prendre dans la sérénité » . D’où cette ouverture à l’art contemporain à travers un
« département de recherche qui vise à interroger les rapports profonds entre l’expression artistique et l’expression de la foi ».
« Parce que l’art présente cette caractéristique unique d’être un langage sensible. ?La foi, de même, ne consiste pas dans des idées mais dans du témoignage
vécu qui touche l’intégralité de la personne. ?Regarder l’art, écouter les artistes ouvre une perspective inédite de compréhension de l’homme et du monde et, par là, de la foi. » nous
dit Bernard Marcadé, directeur de ce Département, philosophe free lance (accessoirement critique d’art) et qui a succédé pour cette fonction, à Jean de Loisy nommé à la direction du Palais de
Tokyo, autre lieu de bouillonnante symbiose entre art contemporain et spiritualité …( et accessoirement avec la spéculation artistico-financière internationale).
Mais ce qui me semble le plus intéressant dans cette nouvelle forme de Sainte Alliance de l’Art et du Goupillon, c’est la possibilité qu’ont
les personnes extrêmement riches assujetties à l’ISF de bénéficier d’une réduction de leur impôt sur la fortune en effectuant un don à la Fondation des Bernardins, pour la promotion de l’art
contemporain.
Cette réduction, nous précise-t-on, s’élève à 75% de la somme donnée à la fondation, dans la limite de 50 000 €. Et l’ on nous précise aussi que , « pour
bénéficier de la réduction d’impôt, il faut faire son don avant le 31 mai si votre patrimoine est compris entre 1,3 et 3 millions d’€, et avant le 15 juin si le patrimoine est
supérieur à 3 millions d’€ »
Enfin, dernière indication, mais non des moindres, qui nous est donnée : « En faisant un don à la Fondation des Bernardins, vous contribuez à faire émerger une réflexion de fond sur la question cruciale du devenir de l’homme, dans la société contemporaine. » … d’où, cette fontaine de bulles de savon dont l’évanescence est là pour nous questionner sur la légèreté de l’être et les vanités du monde.
Ainsi les milliardaires collectionneurs d’art contemporain de ce vain monde, sont-ils, en participant à cette grande cause artistico-humanitaire, non seulement
absouts de toutes les vilénies qui leur ont permis de gagner autant d’argent sur le dos des masses laborieuses, mais également défiscalisés avec la bénédiction des plus hautes autorités
religieuses de France.
J’ai beau être convaincue du caractère sacré de l’art, je dois vous avouer, chers lecteurs de mes chroniques, que le taux de crétinerie de ces
embrouilles clérico-fiscalo-culturelles me donne envie de devenir bonne-sœur ouvrière, ou de faire le djihad …
Difficile en effet d’admettre ces privilèges fiscaux accordés aux grosses fortunes et aux entreprises, quand, dans le même temps il s’avère impossible de faire
étudier par le gouvernement, qu’il soit de droite ou de gauche (1), ce que produirait une modeste défiscalisation pour les particuliers acheteurs d’œuvres d’artistes vivants .
Cette vertueuse niche fiscale boosterait pourtant le marché de l’art de proximité, améliorerait immédiatement la vie des artistes et des galeries prospectives,
réparerait les dégâts en terme de paupérisation des artistes, de 30 ans d’incurie ministérielle, et au bout du compte, serait fiscalement bénéfique pour le Trésor Public. D’autant que par
ailleurs, l’on pourrait faire l’économie de toutes ces petites galeries associatives bidon, subventionnées pour la promotion de l’art officiel et/ou spéculatif, qui coûtent très cher aux
municipalités et collectivités locales, alors qu’elles n’ont, de fait, aucun sens, aucune vergogne, ni aucun public.
Pour en lire plus, se rendre sur le site des Bernardins
et sur celui de la petite sœur Nicole.