Courrier de madame Perrier.

Publié le par Michel Durand

Bonjour Michel,

Je réagis sur votre blog suite à la lettre d’Henry du Cameroun, car son histoire ressemble à la mienne.

Je suis madame Jane Perrier habitant à Bron, Française d’origine Nigériane (puisqu’il faut le préciser), ex-paroissienne de Saint-Bonaventure.Sans-titre-1

Il y a quinze ans, je quittais le Nigeria après l’obtention du GCE level (équivalent du Baccalauréat). Cette idée m’arriva soudainement, pendant les vacances de cette année-là. À cette époque, obtenir un visa de tourisme pour l’Europe fut plutôt très facile. Bien qu’élève, j’eus les moyens de faire tout ce que je voulus puisque mes parents furent très riches. Mon avion atterrit à Paris où je fis deux semaines. Je me rendis après à Bordeaux, Marseille, Nice, Toulouse et Montpellier. Cette dernière ville me plut et je me dis : « Et si je construisais mon avenir ici » ? Finalement, je m’y établis malgré mon visa qui arriva à expiration. Il me resta environ 13000 francs des 29000 que j’eus au départ du pays. Je pensai qu’avec cet argent, je pus débuter une nouvelle vie malgré le fait que je devais vivre clandestinement.

Je rencontrai un jour, dans la rue, une compatriote qui me dit qu’il serait préférable que je vive chez elle. Ma vie ne fut pas aisée pendant tout mon séjour chez elle : Je dus payer le loyer, financer toutes les activités, les sorties d’elle et de sa famille. Je supportai tous leurs caprices, effectuai toutes les tâches de l’habitation bien que je ne les eues jamais faites auparavant chez mes parents… Je ne sortis de la maison que pour accompagner ses enfants, car je ne serais pas soupçonnée d’être une « sans papiers» si je fus accompagnée d’enfants, me dit-elle. Les insultes, les intimidations, les humiliations furent réservées à moi seule. Je communiquai avec ma famille, mais je ne lui dis rien de tout ce que je vécus. Avec le temps, je compris ce que ça signifiait de vivre chez quelqu’un d’autre que ses parents. Au pays, je n’eus connu que l’oisiveté, les études et me faire belle. J’étais la fille à papa.

Quand arriva octobre, au début de mon troisième mois en terre étrangère, dans le but de rassurer mes parents, je les informai de mon inscription à l’université et de mon emploi dans une société de la place. La semaine qui suivit, je fus mise hors de l’appartement. J’errai dans les rues et les centres d’hébergements de sans-abri pendant plusieurs mois. Un soir, je rencontrai une Béninoise qui me prit sous son aile. Ce fut le début d’un autre épisode de souffrances : Nous habitâmes un appartement de deux pièces et dont la chambre à coucher était tout le temps occupée par ma « logeuse » et ses hommes, car elle fut une prostituée. Elle m’aima tellement au point de m’acheter un canapé-lit sur lequel je dus dormir au salon, alors que je dépendis tellement d’elle. 

Le temps passa, je gagnai la sympathie de ses clients et des chrétiens de mon ancienne paroisse. Je m’ennuyai toujours et pourtant, ses clients à elle me voulurent avec l’accord de cette dernière. Voyant que je ne réagis pas, elle arrêta de me donner les moyens pour ma subsistance et sous sa pression, je sortis pour faire du racolage sans jamais y parvenir. Plus tard, mes connaissances me donnèrent des tâches rémunérées qui me permirent de survivre. Je finis par avoir un bon salaire qui me permit, avec l’aide de ma « logeuse » de trouver un appartement. Il me manqua toujours les papiers et l’amour qui durent me donner l’occasion de m’épanouir davantage.

Certaines copines en situation régulière, me prouvèrent que les deux termes furent  intimement liés. Elles me donnèrent quelques exemples que j’essayai d’imiter. Pour cela, il me fallut d’abord trouver un homme qui fut de ma catégorie : sans domicile fixe, handicapé ou clochard, chômeur ; ensuite le laver, le vêtir, le nourrir ; enfin l’aimer. Durant plusieurs mois, ce fut des échecs. Peut-être fut-ce parce que je n’eus pas assez de courage ? Mais un mémorable soir, je rencontrai un bel homme, un Français moyen, qui me courtisa. Nous nous mariâmes un an plus tard et j’eus les papiers, conséquence de l’amour et non de l’hypocrisie.

Quelle vie ! Souffrir ainsi juste à cause du manque d’un « carton ».

 

Bonne suite Michel.

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