le recrutement ecclésiastique dans les 5 premiers siècles

Publié le par Michel Durand

À propos de l’article intitulé « L'Esprit s'exprime dans et par le peuple rassemblé », je communique ici même un commentaire qui m’est venu par courriel. Et je remercie Séb. (un jeune prêtre du diocèse de Lyon passionné de la Bible!) qui me donne l’opportunité de préciser mon propos. Je l’invite du reste à réagir de nouveau directement sur le blogue.

Le texte reçu

« Ayant reçu votre mail je me permets de réagir sur l'article intitulé "L'Esprit s'exprime dans et par le peuple rassemblé" qui se trouve sur le blog en manque d'église...

Les apôtres n'ont pas choisi totalement au hasard qui devait remplacer Judas : en effet le livre des Actes nous rapporte au contraire qu'ils ont pris un critère objectif: "que ce soit quelqu'un qui ait marché avec le Seigneur depuis les commencements en Galilée." Je pense qu'il faut faire attention à la manière dont on présente les choses car une telle omission risque de rendre l'argumentation totalement non crédible.
Je ne comprends pas bien les enjeux d'une telle argumentation, je voulais seulement réagir sur la présentation des Actes des apôtres qui me semble complètement faussée.
Avant les premiers temps dont vous parlez, il y a les temps évangéliques où les apôtres et les 72 disciples sont choisis et appelés personnellement par Jésus. (Pas question de consultation populaire!) Puis viennent les temps apostoliques où les diacres, les presbytres, et les épiscopes sont choisis et appelés par les apôtres (puis leurs successeurs).
L'acclamation populaire dans l'évangile n'est pas de mise, elle voulait faire de Jésus un roi et c'est à cause d'elle que Jésus a été condamné à la place de Barabas ! Dès les premiers temps l'Eglise est organisée et structurée comme en témoigne les écrits apostoliques et les premiers écrits chrétiens (lettres de St Clément etc...) »
Séb.
(Je préfère garder ici son anonymat, dans la mesure oùl texte me fut communiquer par courriel et non par le blogue).


Ma réflexion
N’ayant pas pensé une écriture scientifique (exégétique ou historique), je peux effectivement avoir complètement faussé la présentation de cet écrit de Luc. Alors, sans avoir relu le petit texte en question (pour ne pas orienter ma réflexion) je suis heureux d’avoir l’occasion de le reprendre autrement, motivé par vos quelques pistes.
J’espère ne pas être trop long.
Qui peut devenir apôtre ?
- celui qui a marché avec le Seigneur, lit-on dans les actes des Apôtres 1,21. « Il y a des hommes qui nous accompagnés durant tout le temps où le Seigneur a marché à notre tête. » (Traduction de la TOB)
Au verset 26 on lit : « On les tira au sort et le sort tomba sur Matthias ».
Je ne suis pas compétent, et je n’ai à portée de mains le matériel adéquat pour voir ce qui, dans le texte grec, a été traduit par « on ». Il me semble que ce ne peut-être les onze apôtres car Luc l’aurait signalé. Il s’agit vraisemblablement de tous ceux qui, disciples du Ressuscité, se trouvent en compagnie des Apôtres. L’Assemblée, l’Eglise, le Corps, dont le Christ est la tête. J’appelle Peuple de Dieu, peuple des fidèles du Christ cette Assemblée réunie pour la prière et la partage du pain et du vin devenus corps du Christ, l’Eucharistie. Une authentique assemblée populaire (pléonasme ?) qui est associée au choix du successeur de Judas.

Vous dites : « L'acclamation populaire dans l'évangile n'est pas de mise, elle voulait faire de Jésus un roi ».
Votre commentaire invite, en effet, à bien distinguer de quel peuple il s’agit. Le peuple dont vous parler me fait penser à la « populace » ouvrant immédiatement vers le « populisme » qui désigne une idéologie politique réclamant une satisfaction immédiate des revendications populaires. Ce n’est pas du tout à ce peuple auquel je pense. Il est bien regrettable qu’il y ait pu avoir confusion. Le peuple de l’Evangile, réuni par le Christ, l’Eglise, n’est pas assimilable à toutes formes de rassemblements humaines même si l’humanité entière est susceptible de bénéficier de l’acte rédempteur.
Le choix populaire contenu dans le « On », « on les tira au sort » est baigné d’une prière qui explicite que l’on s’en remet au choix de Dieu. Il est, je suppose, impossible de savoir qui était présent, qui compose le « on » ? Les « 72 » ? Assurément quelques uns de ceux qui peuvent rendre témoignage parce qu’ils sont avec Jésus depuis le commencement (Jn 15,27). Ce n’est qu’après le venue de l’Esprit, après le discours de Pierre que le nombre sera considérable, environ 5000 personnes (Ac 4,4).
Mais, venons ans aux premiers temps de l’Eglise après les apôtres, après même l’édit de tolérance de Constantin (313).
La fonction d’évêque, de prêtre, de diacre fait suite à une ordination : incorporation dans les ordres. Et cela implique un choix, puis une acceptation.
Le choix.
Le principe du recrutement ecclésiastique reste, disent les experts, celui de l’élection populaire. Léon 1er, le concile romain sous Hilaire (465) font de ce mode de choix le régime normal :  « si totius populi vocibus expectatur » pour appeler à des fonctions d’évêques, de pape. Cela montre que le contact est étroit entre la hiérarchie et le peuple fidèle. Celui-ci est conduit par ceux (et celle ?) qu’il s’est choisi. Ceci dit, il faut reconnaître qu’assez tôt le souci de l’Eglise de s’assurer des ministres bien préparés se constatent dans la formation dès le jeune âge aux éventuelles fonctions futures.
L’acceptation.
Au libre choix du peuple répond la libre acceptation de l’élu. Mais, l’histoire montre souvent qu’un laïc ayant refusé est quand même porté à l’épiscopat. Par exemple Saint Ambroise, se déclarant indigne, cruel, débauché, n’arrive pas à se soustraire à l’appel populaire. Cette pression populaire posera du reste assez vite des problèmes. Mais cela n’enlève pas la réalité de la participation de l’Eglise populaire aux nominations.
Voici, le cas de l’évêque Augustin.
A Hippone. « Au cours d’un sermon, l’évêque Valerius souligna les besoins urgents de son Eglise. Les fidèles présents trouvant, comme il s’y attendait, Augustin debout au milieu de la foule, s’emparèrent de lui. Parmi les clameurs prolongées qui étaient de règle en pareil cas, ils l’amenèrent de force à l’évêque assis sur son trône surélevé au fond de l’abside et qu’entourait le banc en demi-cercle réservé au clergé. Les principaux citoyens d’Hippone s’étaient rassemblés autour d’Augustin tandis que l’évêque acceptait son consentement forcé à devenir un des prêtres de la ville ». (Peter Brown, la vie de Saint Augustin)
Voilà. Je crois qu’il est sage de ne pas en dire plus. Il peut y avoir une suite si je ne suis pas assez clair. L’intention de cet article dans « en manque d’Eglise » est bien précisée avec cette nouvel « essai ». Mais nous dépendons tous de nos lectures. Peut-être les miennes conduisent à des conclusions complètement faussées. Ce que je ne crois pas.


Publié dans Eglise

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