Au lieu de ne sauver que des vies, cherchons à vivre pleinement l’union de l’âme et du corps sans craindre la mort humainement accompagnée

Publié le par Michel Durand

Au lieu de ne sauver que des vies, cherchons à vivre pleinement l’union de l’âme et du corps sans craindre la mort humainement accompagnée

Emmanuel Macron :

- « Sauvez des vies, restez chez vous » - 16 mars 2020

- « Nos fonctionnaires et personnels de santé… ils ont donné dans cette première ligne toute leur énergie pour sauver des vies et soigner ».

discours prononcé le 13 avril 2020

 

Mais de quelle vie parle-t-on ?

  • Déconfinement : « Sauvez des vies ». «Restez prudents»

Oui, mais de quelle vie parle-t-on ?

 

Je prends l’exemple d’une épouse de 88 ans qui rend visite à son époux de 95 ans, présent dans un Ehpad. Il vit ses derniers instants sur terre, vraisemblablement marqué de Covid-19. Pour préserver sa vie et/ou celle de son épouse, les visites sont interdites. Décédé, les services adéquats l’enferment dans un double linceul scellé. Placé en lieu sûr, il sera le plus vite possible conduit à la crémation. Et l’épouse se voit privée du dernier adieu à son époux. Aucun contact. Pas de rencontre possible. Pas de baiser, alors que l’un et l’autre s’étaient préparés à quitter cette vie dans l’espérance, l’attente d’une nouvelle vie. Ils souhaitaient vivre ce moment en se tenant la main.

De quelle vie parle-t-on ? De la vie biologique, de la vie des cellules, vie matérielle, seulement organique.

Olivier Rey s’est penché sur cette question. Il en conclut que désormais la vie est vue sous le seul regard de la nutrition, de la reproduction. On ne parle plus de l’union de l’âme et du corps.

Défendre à tout prix ces vies, n’est-ce pas ouvrir la porte à l’idolâtrie de la « vie » ? Objet matériel qui n’aurait rien à voir avec la dimension spirituelle de La Vie !

Bosco d’Otreppe, le 15/07/20, dans la libre.be écrit : Jusqu’il y a peu, « en tant qu’il commande un respect absolu, le sacré se trouvait placé au-dessus de la vie - ce pour quoi il pouvait, le cas échéant, réclamer le sacrifice de la vie. » Mais avec la sécularisation de la société, la vie ne s’est plus inscrite dans des perspectives, religieuses ou non, qui la dépassent ou lui donnent sens : elle a pris elle-même la place du sacré. Et pas n’importe quelle « vie ». La vie telle que considérée aujourd’hui n’est plus « l’union de l’âme et du corps » (comme la définissaient les dictionnaires du XVIIIe), mais la « vie-nue », c’est-à-dire la vie organique, matérielle, biologique, « réduite au simple fait d’être en vie ».

Or, si les gouvernants doivent sauver des vies (car la lutte contre la mort est au fondement de leur légitimité), c’est cette vie biologique qu’ils doivent assurer. Ce qui vient en surcroît de cette « vie-nue » a donc été mis entre parenthèses durant l’épidémie. Pensons simplement aux cérémonies funéraires - signes pourtant de notre humanité - qui furent jugées « non essentielles », souligne Olivier Rey.

 

Je cite encore ceci : « La façon dont l’épidémie de coronavirus [est] devenue le sujet à peu près unique de préoccupation […], et la facilité avec laquelle les citoyens ont abdiqué leur liberté d’aller et venir au nom d’arguments sanitaires, sont à cet égard éloquentes. »

Comment sortir de cette sujétion, abandonner notre condition « de dépendants à prétention d’indépendance » ? Le chemin sera long, laisse entendre Olivier Rey qui ne remet pas en cause la nécessité d’un confinement, mais interroge à sa lumière la conception que nous avons de la vie. Il nous faudra réapprendre « à compter sur nous-mêmes », « accepter de laisser certains maux sans remède » et cultiver, à nouveau, « un certain art de souffrir et de mourir ». Là serait le prix d’une vie pleinement humaine.

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Pour ne pas se prosterner devant l’unique vie organique, pour considérer le sacré de la vie, il importe -notamment dans le sens d’une réflexion écologique- de maintenir son indépendance vis-vis de toutes les instances scientifiques et techniques. Ainsi, si je prends des distances par rapport aux normes de protection de la vie (sauver des vies) et qu’à 80 ans ou 90 ans j’en meure, quel drame y aurait-il ? Six mois de vie biologique en plus l’emportent-ils, sur une mort amoureusement accompagnée, spirituellement vécue ?

 

 

Pour inviter à lire Olivier Rey, L’idolâtrie de la vie, tracts Gallimard N°15, certes pas toujours de lecture aisée, je cite à la page 40 :

« On, a décrit la modernité comme un passage de l’hétéronomie à l’autonomie, une émancipation des hommes vis-à-vis de toutes les instances qui avaient autorité sur leurs actions (religion, nature, tradition). Une liberté pleine et entière le réclamait. Avec le recul, il est permis de se demander si le rejet de toute transcendance (dont Hans Jonas a dit qu’il avait peut-être été « l’erreur la plus colossale de l’histoire ») a permis que s’accomplisse la promesse, et n’a pas apporté avec lui de puissants germes de servitude. En même temps qu’elle oblige, la transcendance dégage de bien des sujétions. Elle lie, mais aussi elle délie ».

 

Au lieu de ne sauver que des vies, cherchons à vivre pleinement l’union de l’âme et du corps sans craindre la mort humainement accompagnée

Dans Marianne, voir aussi une vidéo

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