Alain Richard reste un pilier du « cercle de silence ».

Publié le par Michel Durand

30 octobre 2007, premier cercle de silence sur la place du Capitole à Toulouse


L'action, qui vise à «éveiller les consciences» sur les centres de rétention, vient des franciscains, et notamment du P. Alain Richard, 83 ans. Cet ancien des Brigades de la paix internationales au Guatemala, cofondateur en 1989 de Pace e Bene, un service franciscain de non-violence et de critique de la culture, veut ainsi lancer « un appel pour qu'émergente des solutions plus respectueuses de l'être humain que ces centres où sont enfermés des gens dont le seul crime est d'être venus chez nous » (lire La Croix du 31 janvier).


Correspondant de la Croix à Toulouse : Jean-Luc ferré


Dès le début, il tenait à prévenir : «Nous sommes vraiment dans une démarche de très longue durée.» Avec les autres franciscains de Toulouse, le P. Alain Richard, doyen de la communauté, ne s'installait pas, fin 2007, dans une action coup d'éclat destinée à s'user au fil du temps. Non. Son «cercle de silence» sur la place du Capitole à Toulouse, appelant chacun à réfléchir sans un mot, une heure durant, sur la situation des étrangers irréguliers dans les centres de rétention, fixait un cap à tenir.

Un an plus tard, l'initiative se poursuit.

Tous les derniers mardis du mois, les religieux franciscains arrivent tranquillement de leur quartier Saint-Cyprien, déploient les panneaux explicatifs de leur action, placent une petite lampe bleutée au centre de la place, et regardent se former le cercle. Près de 300 personnes, à chaque fois, les rejoignent. Une participation stable, sur laquelle le P. Alain Richard ne s'étend pas. « L'important n'est pas le nombre de gens présents, commente-t-il. L'essentiel, c'est le nombre de gens touchés par la question que notre cercle, aussi modeste soit-il, adresse à l'opinion, ici à Toulouse, et plus largement à la nation. »

Le message porte, ou au moins interpelle, assure le P. Richard. «Chaque fois, nous distribuons entre 300 et 500 tracts, raconte-t-il. Nous prenons soin de laisser la place propre, et en treize mois, nous n'en avons ramassé que deux par terre. Cela peut paraître un banal détail, mais je veux croire que les personnes qui passent comprennent le caractère grave et profond de cette mobilisation. » Les franciscains se félicitent aussi de voir leur idée reprise partout dans l'Hexagone. Des cercles se dessinent aujourd'hui dans plus de 70 villes, de Paris à Marseille en passant par Avignon, Bayonne, Dijon, Le Havre, Nancy... En plus des grandes cités, on constate que des actions sont aussi mises en place en banlieue parisienne et dans de nombreuses petites villes», se réjouit le P. Richard, pour qui «cette mobilisation dans la France profonde est très intéressante».

Avec la dissémination est venu le temps des questions. Notamment sur ce choix du silence, lié pour les franciscains à la prière. Certains groupes se sont interrogés sur le caractère peut-être trop religieux de la démarche. «Nos groupes sont évidemment ouverts à tous, mais nous tenons vraiment à affirmer cette vocation silencieuse, affirme leur initiateur. Je crois beaucoup à ce luxe de s'offrir une heure de silence, surtout aujourd'hui dans notre monde de blabla incessant. Ce qui ne veut pas dire que d'autres modes d'action sont à exclure. À Blagnac par exemple, près de Toulouse, certaines personnes ont initié un « cercle des voisins » ; chacun se chargeant de sensibiliser des proches sur le sujet».

Les franciscains tiennent également à rester concentrés sur ce thème des centres de rétention. Nombre de lettres sont arrivées à Toulouse, leur demandant un engagement sur d'autres dossiers. «Notre temps n'est pas élastique, et les cercles du silence ne doivent pas devenir une espèce de tarte à la crème», plaide en souriant le P. Richard, qui se défend aussi de toute naïveté dans cette lutte. Il mesure parfaitement le chemin à parcourir, surtout depuis le décret ministériel du 22 août 2008 relatif à la défense des droits des étrangers dans les centres de rétention - qui limite l'intervention des ONG-, et la directive «retour» du Parlement européen adoptée en juin dernier - qui rallonge jusqu'à dix-huit mois la durée de rétention des sans-papiers jusqu'à leur expulsion.

«Nous n'ignorons rien de la complexité du problème, conclut le doyen de la communauté toulousaine. Mais face à l'injustice, nous nous adressons à tous nos concitoyens, y compris aux décideurs. Qu'ils osent le silence en eux pour réaliser la condition inhumaine des étrangers dans ces centres. S'ils n'écoutent pas notre alarme silencieuse, ils risquent de déconsidérer la loi, et ceux qui font là loi. Et, pire, de pousser de plus en plus de personnes à la désobéissance civile. »



Publié dans Politique

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