Antoine Chevrier a dû quitter le presbytère pour accomplir sa mission,

Publié le par Michel Durand

Si Antoine Chevrier a dû quitter le presbytère pour accomplir sa mission, dans le cas présent, c’est le presbytère qui doit être maintenu pour que l’annonce kérygmatique puisse se pérenniser...

 

Texte écrit il y a quelques semaines. Texte oublié et retrouvé un peu par hasard, à moins que....

Sa publication aujourd'hui me semble adéquate.


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à l'inauguration de la BASA 2011

 

De retour d’une rencontre pradosienne, je rassemble en ma mémoire quelques phrases entendues qui me semblent coller à ce que j’essaye de vivre pour que l’ouverture de Saint-Polycarpe des pentes de la croix rousse se maintienne en faveur des personnes qui ne fréquentent pas l’Église dans sa vie paroissiale ordinaire.

Antoine Chevrier, soucieux d’annoncer l’Évangile aux pauvres, aux ignorants, aux pécheurs de la Guillotière a décidé et obtenu de l’évêque la permission de quitter le ministère qu’il avait à la paroisse Saint-André.

Expliquons.

À deux pas de chez lui vivaient dans de pauvres maisons, ou dans la rue, des familles et des jeunes sans aucune instruction. Antoine était arrivé à les rencontrer. Il les réunissait au presbytère de la paroisse de la Guillotière, proche des rives du Rhône, plutôt fréquentées par des « gens de qualité ». Ces « garnements », comme semblaient dire le curé et les vicaires, voir quelques fidèles influents, faisaient trop de bruit et peut-être aussi dégageaient trop de mauvaises odeurs. Ils troublaient assurément la vie de la paroisse. On pria alors le jeune abbé Antoine Chevrier d’arrêter ses réunions.

Une souffrance pastorale pour ce prêtre qui venait de découvrir intensément combien Dieu avait dû abandonner de sa gloire pour que son amour soit entendu par les plus petits des hommes. « Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous ». Enfin, conclut-il, je me suis décidé à suivre Jésus-Christ de plus près afin de travailler efficacement au salut des hommes et des femmes qui sont loin de l’Église, afin d’évangéliser les pauvres, les ignorants, les pécheurs ».

Pour se faire, il quitta la vie paroissiale et réunit ces « voyous » du quartier, qui n’étaient pas bien beau à voir, dans une salle de bal qu’il venait d’acheter grâce à l’aide d’un de ses amis prêtres. Il les réunit, non pour « leur faire la charité » en leur donnant nourritures et vêtements, mais pour les instruire humainement et chrétiennement.

Alors que la vie paroissiale ordinaire demeure peu abondante à Saint-Polycarpe, alors que les revenus attachés au culte n’arrivent pas à couvrir les dépenses occasionnées par ce vaste et beau bâtiment historique, alors que le manque de prêtres incite au regroupement paroissial, alors que certains déclarent qu’une paroisse qui célèbre si peu de sacrements en une année ne mérite plus le nom de paroisse,  je me dis que les contacts pastoraux engagés tant avec les artistes du quartier que de toute la ville, tant avec les militants écologistes (objection de croissance) du quartier que de toute la ville, tant avec les militants anarchistes, nombreux sur les pentes, que de toute la ville, ne peuvent s’interrompre.

Si Antoine Chevrier a dû quitter le presbytère pour accomplir sa mission, dans le cas présent, c’est le presbytère qui doit être maintenu pour que l’annonce kérygmatique puisse se pérenniser. Et, pour cela, puisque le culte ordinaire ne peut assurer les finances, il convient de chercher ailleurs.

Creusons cet aspect financier en situant dans son histoire l’église Saint-Polycarpe.

Quand au XVIIe siècle, les prêtres de l’oratoire ont voulu cette chapelle pour leur communauté, entre autres lieu de formation de prêtres, ils avaient assurément d’importantes ressources financières. D’où la majesté du bâtiment et le choix d’artistes renommés : Michel Perrache, Thomas Blanchard et Gabriel Blanchet.

Après la Révolution, l’église devenant lieu paroissial avec comme premier curé, l’abbé Rozier, et, surtout, avec l’avènement de l’empire, l’industrie de la soie prospérant, la population du quartier (soyeux et canuts) augmenta rapidement. Il fallut agrandir l’église paroissiale. Là encore, les témoignages sont nombreux pour affirmer qu’il y a avait une belle aisance financière. Par exemple, Saint-Polycarpe se dota d’un orgue de très grande qualité dès 1840 ; avant celui de la cathédrale. L’évêque de Bonald venait d’accepter que le rit lyonnais, où le chant se pratique a cappella, soit associé avec les jeux musicaux de l’orgue. Les communautés religieuses, dominicaines, franciscaines ayant de belles musiques, les fidèles se précipitaient chez eux. À leur côté, les diocésains montraient un bien triste visage. Saint-Polycarpe releva le défi. Il le pouvait, car c’était la paroisse la plus riche et la plus en vue de Lyon.

Au milieu du XXe siècle, tout bascule. L’industrie de la soie rencontrait de nombreuses concurrences. Entre les deux guerres (mille excuses pour ce si rapide tableau), l’économie était en crise.

Dès 1970, de nombreux commerces ferment. Des appartements, laissés sans conforts adaptés à la modernité depuis le siècle précédent, sont vacants ou loués à bas prix. Une population étrangère, surtout maghrébine, s’y installe. Viennent ensuite les communautés libertaires, anarchistes… les mouvements de l’après 68. Les squats se multiplient. Il y a de nombreux étudiants attirés par des loyers bon marché. Bref, des habitants peu enclins à fréquenter l’Église.

Réhabilités, ces logements, aux loyers plus élevés, sont désormais en partie occupés par des étudiants et des jeunes professionnels que la sociologie aurait tendance à qualifier de bobos, bourgeois bohème, toujours peu enclin à fréquenter l’Église.

Dans ce tissu urbain, actuellement, XXIe siècle, se trouvent de nombreuses galeries, des ateliers d’artistes, d’architectes, de graphistes. Il y a aussi une multitude de petits théâtres, des cabarets, pubs et boites de nuit. La vie nocturne et artistique du quartier est le plus danse de l’agglomération lyonnaise. Une vie qui ne verse pas à priori son obole au culte catholique. En conséquence, malgré la taille impressionnante des bâtiments, le casuel (argent versé à l’occasion de la réception d’un sacrement) n’atteint pas la hauteur nécessaire pour payer les factures diverses : EDF, services de sécurité, extincteur, entretien et dépenses diverses propres à la vie cultuelle ordinaire : organiste, technicien de surface, ampoules, etc. Et les prix de ces services augmentent.

Dans les années précédentes, une association immobilière paroissiale, propriétaire d’immeubles construits sur un terrain paroissial versait régulièrement une subvention. Il s’agit des paroisses voisines du Bon Pasteur et de Saint Bernard, dont les églises sont fermées au culte depuis plus de 25 ans, essentiellement par manque de fidèle pratiquant. C’était une source de revenus.

Mais, désormais, les travaux qui doivent être assumés et les impôts qui doivent être payés ne permettent plus le versement d’une subvention à la hauteur de ce qui se pratiquait au paravent.

Par ailleurs, la politique financière de l’Église à Lyon devient invariable. Une paroisse doit financièrement être autonome. Elle doit vivre des revenus de son culte. Il n’y a plus de subvention diocésaine possible et, dit-on, il n’est pas raisonnable de parler de péréquation avec une paroisse voisine plus fortunée.

Jadis, des prêtres, au travail en même temps qu’assumant une tâche curiale, versaient à la paroisse une partie du revenu de leur salaire. Ils étaient dans la lignée de l’apôtre Paul qui souhaitait n’être à charge de personnes pour annoncer librement l’Évangile. Cette situation est devenue rarissime, peu goûtée par les jeunes prêtres. Les anciens prêtres au travail, actuellement retraité,  contribuent encore au financement de l’Église en l’allégeant par les apports de leur caisse professionnelle de retraite.

Cet aspect financier tracé, je peux maintenant poser la question d’une mission de première évangélisation dans un monde sorti de l’Église, à moins qu’il ne soit, depuis fort longtemps, hors de l’Église. Va-t-on annoncer la mort et la résurrection du Christ en faisant payer immédiatement les auditeurs, afin que la tâche apostolique s’autofinance ? Assurément non !

Antoine Chevrier se postait à la porte de la chapelle de l’hôpital de la Charité pour faire la quête. Ce n’est pas le diocèse de Lyon qui lui donnait de l’argent, mais des amis, prêtres ou laïcs, des « bienfaiteurs ».

Dans le cas actuel qui nous préoccupe, l’ouverture du bâtiment Saint-Polycarpe au monde associatif social, politique et artistique passe déjà par l’apport de l’association Confluences. Ainsi, la BASA (biennale d’art sacré actuel) est rendue possible par l’argent qu’apportent ses membres lorsqu’ils accomplissent, par exemple, un voyage piloté par un guide bénévole. Le groupe Chrétiens et pic de pétrole bénéficie également d’apports extérieurs à la paroisse.

Certes, cela n’est pas encore suffisant ; mais, n’est-ce pas sur ce chemin que nous devons avancer ? Cela demande un sérieux suivi comptable qui, aujourd’hui, se montre rigoureux.

En témoignent les engagements des personnes qui œuvrent sur la paroisse ; associations, résidents, habitants, organisateurs de spectacles versent leur participation aux frais de fonctionnement, de la vie des bâtiments de Saint-Polycarpe.

Publié dans Témoignage

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