Dieu a voulu cette terre pour nous, ses créatures particulières, mais non pour que nous puissions la détruire et la transformer en désert

Publié le par Michel Durand

 

La Biennale d’art sacré actuel 2013 Fragiles, mise en place par l’Association "Confluences-Polycarpe" étant terminée, ouvrons la porte à celle de 2015. En voici l’orientation thématique qui peut se résumer avec le mot de « demain ». Elle s’inscrit naturellement dans le sillon tracé par les précédentes biennales.

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Demain

Quelle terre laisserons-nous en héritage à nos enfants, aux générations futures ?

C’est avec cette interrogation que nous élaborons la thématique de la biennale d’art sacré actuel de 2015. Voici les mots qui sont revenus plusieurs fois dans notre consultation et que nous avons rassemblés : demain, être demain, proximité, à demain, l’Invisible, futur, intériorité, apocalypse, au-delà, autre, tout autre.

Nous pourrions ganter certains mots de majuscule ; ils revêtiront alors une dimension de transcendance toute spirituelle, celle qui importe selon le contenu de notre cahier des charges. Rappelons ici, que nous nous situons essentiellement dans la spiritualité occidentale du monde méditerranéen.

La pensée écologique nous imprègne évidemment. Souci de l’air du temps. La précédente biennale également. Fragiles, nous le sommes et le resterons. Aussi, les textes choisis pour alimenter une méditation à propos de la thématique 2015, ne peuvent qu’en être marqués.

 

Je propose tout d’abord à votre lecture un passage de la lettre de François extrait de La joie de l’Évangile, 24 novembre 2013 :

… Je me réfère à l’ensemble de la création. En tant qu’êtres humains, nous ne sommes pas les simples bénéficiaires, mais les gardiens des autres créatures. Moyennant notre réalité corporelle, Dieu nous a unis si étroitement au monde qui nous entoure, que la désertification du sol est comme une maladie pour chacun ; et nous pouvons nous lamenter sur l’extinction d’une espèce comme si elle était une mutilation. Ne faisons pas en sorte qu’à notre passage demeurent des signes de destruction et de mort qui frappent notre vie et celle des générations futures. En ce sens, je fais mienne la belle et prophétique plainte, exprimée il y a plusieurs années par les évêques des Philippines : « Une incroyable variété d’insectes vivait dans la forêt et ceux-ci étaient engagés dans toutes sortes de tâches propres […] Les oiseaux volaient dans l’air, leurs brillantes plumes et leur différents chants ajoutaient leurs couleurs et leurs mélodies à la verdure des bois […] Dieu a voulu cette terre pour nous, ses créatures particulières, mais non pour que nous puissions la détruire et la transformer en sol désertique […] Après une seule nuit de pluie, regarde vers les fleuves marron-chocolat, dans les parages, et souviens-toi qu’ils emportent le sang vivant de la terre vers la mer […] Comment les poissons pourront-ils nager dans cet égout comme le rio Pasig, et tant d’autres fleuves que nous avons contaminés ? Qui a transformé le merveilleux monde marin en cimetières sous-marins dépourvus de vie et de couleurs ? ».[ Conférence épiscopale des Philippines, Lettre pastorale : What is Happening to our Beautiful Land ? (29 janvier 1988).]

 

216. Nous tous, les chrétiens, petits mais forts dans l’amour de Dieu, comme saint François d’Assise, nous sommes appelés à prendre soin de la fragilité du peuple et du monde dans lequel nous vivons.

 

 

Quel sera notre futur ?

C’est tout simplement en fouinant sur internet que fut découvert le blog de Laurent Faucon. Vous êtes invités à en suivre les liens. Il apporte de profondes réflexions aptes à éclairer le futur que l’homme d’aujourd’hui a la tentation de construire. Nous ne le citons pas en prétendant que sa parole est celle qu’il faut adopter. Selon vous, peut-être, l’homme-cyborg,  est l’avenir de l’humanité.

Vers une nouvelle genèse, la genèse technicienne

Alain Laurent-Faucon cite le philosophe Kostas Axelos, Vers la pensée planétaire, qui a notamment écrit :

« La technique tend dorénavant à prendre en charge tout ce qui est. Nous parlons en général d'elle en termes d'extériorité, sans oser comprendre qu'elle est le ressort intime de tout ce qui se fait, qu'elle informe jusqu'à, et y compris, notre intériorité chérie. On parle beaucoup de la technique, sans pour autant saisir son mode d'être saisissant le tout de l'être, et, avant qu'elle ne se soit suffisamment réalisée, on voudrait déjà la dépasser. C'est la technique qui prend dans son engrenage mythes et religions, poésie et littérature, art et politique, science et pensée ; sa rotation relie production et consommation.

« La technique effectue le travail des figures autrefois mythologiques ; mieux que Prométhée et Icare, elle pense et veut dompter la nature. Abolissant les anciennes mythologies, elle secrète sa propre mythologie technicienne et des « mythes » modernes et planétaires. Dans le réseau grec de la physis, de la techné et de l'energeia, elle s'installe comme la puissance dominante : à la fois créatrice et dévoilante. Le monde judéo-chrétien, suspendu entre la Genèse et l'Apocalypse, connaît une nouvelle genèse technicienne, pendant que surgit une possibilité d'apocalypse technicienne. Ce que la modernité européenne qui devient mondiale, universelle et planétaire commençait timidement, la technicité veut le parachever sans nous permettre de départager le rationnel de l'absurde, le cohérent de l'incohérent, le vide du plein. [...]  Venir ici pour lire l’ensemble du poste de A. Laurent-Faucon.

Vous pouvez également lire avec intérêt Cyborg et transhumanisme.


Et dans ce domaine d’une société technicienne, comment pourrions-nous ne pas citer Jacques Ellul avec une réédition de janvier 2014. Venir ici. 

On parle d’adapter la planète et d’adapter également l’humain à son futur technicisé. Tout serait appelé à se soumettre à l’innovation scientifique et technicienne. Ce constat idolâtre de la société industrielle fait plutôt bondir l’objecteur de croissance, bien que les réflexions théologiques autour du danger de l’idolâtrie ne semblent pas avoir place dans un bagage souvent chargé de sentiments athées. « Si vous regardez aujourd’hui, exprime Paul Ariès, ce qui s’écrit au niveau des cercles de pensées internationaux, vous verrez une idée qui est en train d’éclore à droite comme à gauche. C’est la polémique que j’ai eue ces derniers mois avec d’un côté Alain Madelin, – l’un des pères du libéralisme en France – , et puis, d’un autre côté, Jacques Attali, – le conseiller des présidents quels qu’ils soient. Madelin comme Attali sont fous amoureux de ce qu’on appelle le transhumanisme. Le transhumanisme, c’est l’idée que l’humain tel que nous sommes est inadapté à la société de demain. Ce qu’on nous propose, c’est une mutation de l’humanité… La première étape de cette évolution, c’est le passage de l’homo sapiens que nous sommes au robot sapiens, le cyborg, avec ses prothèses, intelligentes ou pas. Ce robot sapiens est à portée de mains : il existe aujourd’hui, sur le marché, des équivalents techniques pour l’ensemble des organes humains. Cela va nous être vendu avec la meilleure intention du monde : “ça permettra de rendre la vue aux aveugles”. Mais, ce qui est en jeu là derrière, c’est l’idée d’un homme augmenté. C’est l’idée que l’homme, tel qu’il est avec ses faiblesses, avec ses limites, ne serait plus suffisant aux besoins du productivisme ». Pour plus d’info, suivre ce lien

Voir aussi l’ouvrage à sortir de Vincent Cheynet : Décroissance ou décadence, Le Pas De Côté, mars 2014. « Une croissance infinie dans un monde fini est impossible : tel est le postulat de base de la décroissance, mouvement d'idées que Vincent Cheynet a grandement contribué à propulser au début des années 2000. Dans ce nouvel ouvrage, le rédacteur en chef de La Décroissance retrace les principaux débats qui agitent le milieu antiproductiviste depuis une décennie. Libéral-libertarisme, survivalisme, clivage droite-gauche, position des Verts et de Jean-Luc Mélenchon, critique des médias, redéfinition de l'austérité, sortie de la société de consommation... »

 

Enfin, pour terminer, il nous importe de remonter dans le temps en proposant à votre attention un classique du catholicisme du XXe siècle, la Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps :

1. Étroite solidarité de l’Église avec l’ensemble de la famille humaine

Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire.

4. Espoirs et angoisses

1. Pour mener à bien cette tâche, l’Église a le devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations réciproques. Il importe donc de connaître et de comprendre ce monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations, son caractère souvent dramatique. Voici, tel qu’on peut les esquisser, quelques-uns des traits fondamentaux du monde actuel.

31 - 3. Aussi faut-il stimuler chez tous la volonté de prendre part aux entreprises communes. Et il faut louer la façon d’agir des nations où, dans une authentique liberté, le plus grand nombre possible de citoyens participe aux affaires publiques. Il faut toutefois tenir compte des conditions concrètes de chaque peuple et de la nécessaire fermeté des pouvoirs publics. Mais pour que tous les citoyens soient poussés à participer à la vie des différents groupes qui constituent le corps social, il faut qu’ils trouvent en ceux-ci des valeurs qui les attirent et qui les disposent à se mettre au service de leurs semblables. On peut légitimement penser que l’avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et d’espérer.

À demain, donc. Que verrons- nous ? Que nous montrez-nous ? Que serons-nous ? Demain sur notre Planète Terre ; mais aussi demain, dans un au-delà invisible ? Un royaume céleste, eschatologique.

 

 

 

Publié dans Art

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