Réciter, chanter les psaumes, prier avec eux, se reposer par eux, c’est faire “acte de présence” auprès de Dieu et des hommes
Les psaumes de la Bible sont lus, récités, parfois chantés au cours des liturgies dominicales, mais ils continuent à me paraître peu connus. Il me semble que l’on n’y prête qu’une très faible attention. Pourtant sous une forme littéraire agréable à entendre, ils offrent un complet tableau du désir de Dieu de partager avec tous les habitants de l’univers son amour.
Les psaumes, poèmes de la Révélation, sont une invitation à entrer dans le Royaume. Remerciements ou supplications, ils manifestent la totale confiance de l’homme qui se sait créature du Très-Haut. Vu leur force, j’en recommande souvent la lecture, prière et méditation. Ils nous placent, tels que nous sommes, face à Dieu. Souvent on me répond en évoquant la difficulté à se les approprier, voire de les comprendre. Ne serait-ce pas tout simplement parce qu’on passe trop peu de temps avec eux ? Et je m’adresse à moi-même cette interrogation. Est-ce que je connais en profondeur la puissance de la prière psalmique ? N’en fais-je pas chaque jour une récitation mécanique ? Il se trouve que depuis mes études académiques, je n’ai jamais ouvert studieusement ce livre biblique. Je m’engage donc à le faire d’où ces quelques lignes que je présente comme une invitation à entrer dans la prière des psaumes.
L’introduction de la Bible de Jérusalem présente ainsi la valeur spirituelle des paumes :
« Il suffit de peu de mots tant la richesse religieuse des psaumes est évidente. Ils ont été les prières de l’Ancien Testament, où Dieu a lui-même inspiré les sentiments que ses enfants doivent avoir à son égard et les paroles dont ils doivent se servir en s’adressant à lui. Ils ont été récités par Notre Seigneur et par la Vierge, par les apôtres et les premiers martyrs. L’Église chrétienne en a fait, sans changement, sa prière officielle. Sans changement ses cris de louange, de supplication ou d’action de grâce, arrachés aux psalmistes dans les circonstances de leur époque et de leur expérience personnelle, ont un son universel, car ils expriment l’attitude que tout homme doit avoir en face de Dieu ».
Réciter les psaumes. Ce mot n’est pas plaisant, trop scolaire ; on pense aux récitations apprises par cœur. Il est préférable de les chanter.
Je reprends l’analyse de Paul Beauchamp. « Quand on adresse à Dieu le texte d’une prière, on fait autre chose et plus que de lire. Il arrive d’ailleurs qu’on la chante, cette prière. Ne ferait-on même que la réciter, c’est déjà plus que la lire… (Le mot “réciter”) signifie une absence et une présence.
Une absence : quand je récite un poème, j’exprime qu’il n’est pas de moi et je lui rends hommage… Réciter, c’est aussi faire “acte de présence”, parce que c’est faire sien le texte intérieurement, en y adhérant avec sincérité. Je conclus, écrit Paul Beauchamp, de ces deux aspects que la “récitation” des Psaumes est un acte de tradition, dans le sens vrai (vivant), du terme : être soi-même l’actualité d’un message qui n’a pas en nous son origine. La récitation, la tradition est un acte, assumé par des “acteurs”. Des personnes qui jouent le rôle d’un autre. Saint Paul dit qu’il faut revêtir le “Christ”, comme un vêtement qui n’est pas nous-même. Ce vêtement, c’est le cadeau par excellence que Dieu nous fait. Et, quand on a reçu un beau vêtement, on le porte : il n’était pas à nous, il fait partie de nous. C’est la même chose pour les paroles de l’Écriture : nous entrons en elles et elles entrent en nous, qui sommes “acteurs” » (Paul Beauchamp, Psaumes nuit et jour, p. 33).
Il convient d’en dire plus sur « revêtir le Christ ». Pour cela je reprends l’introduction aux Psaumes de la Bible de Jérusalem.
L’Église, Assemblée de la Nouvelle Alliance, reprend les psaumes « sans changement dans les mots, mais avec un considérable enrichissement du sens : dans l’Alliance Nouvelle, le fidèle loue et remercie Dieu qui lui a renouvelé le secret de sa vie intime, qui l’a racheté par le sang de son Fils, qui lui a infusé son Esprit, et, dans la récitation liturgique, chaque psaume s’achève par la doxologie trinitaire du Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Les supplications anciennes deviennent plus ardentes depuis que la Cène, la Croix et la Résurrection ont appris à l’homme l’amour infini de Dieu, l’universalité et la gravité du péché, la gloire promise aux justes. Les espérances chantées par les psalmistes se réalisent, le Messie est venu, il règne, et toutes les nations sont appelées à le louer ».
Jésus est donc le Messie. Certes, il ne s’est jamais clairement proclamé “le Messie”, mais toute sa vie le prouve alors qu’il « a pris ses distances à l’égard des conceptions courantes et variées du messianisme juif de son temps ». Il convoient de « parler, estime Jean-Luc Vesco, de Jésus de Nazareth comme d’un “Juif d’exception” ou d’un “Juif marginal” ». Parler ainsi, c’est dire à la fois l’enracinement et la transcendante singularité de Jésus que le chrétien comprend en confessant sa foi en l’origine divine du Messie tant attendu et appelé “Christ” (cf Jean-Luc Vesco, Le Psautier de Jésus, t. 1, Cerf, 2012, p. 37-38).
Jean-Paul Beauchamp : « En “récitant” les Psaumes, nous “revêtons” le Christ. Mais c’est possible seulement parce qu’il nous a “revêtus” nous-mêmes. Passer par là est la seule voie. Elle consiste à connaître le Christ en nous connaissant nous-mêmes. Pas d’autres voies. Mais elle conduit à nous connaître aussi où nous ne voulons pas nous connaître. À nous connaître au-dessous de nous-mêmes. Les Psaumes nous paraissent parfois moins beaux que notre idéal et quasiment pas assez élevés pour nous. En les mettant dans la bouche du Christ, nous comprenons ce que veut dire Saint Paul, qu’il a porté une chair semblable celle du péché (Rm 8, 3).