Ils recrutent dans les basses classes moyennes, celles qui souffrent de la mondialisation, et veulent un homme fort qui bouscule
Il y a bien longtemps que je me pose la question du comment, Hitler a pu en toute légalité se trouver à la tête de l’Allemagne. Comment fut-il possible que des chrétiens l’aient soutenu ? Ou, du moins, n’aient rien fait pour contraindre ses visées politiques ? Des protestants et des catholiques ont pu voir en Hitler « un envoyé de Dieu » pour sauver l’Allemagne ou reconnaître une situation au sein de laquelle il sera toujours possible de s’accommoder.
Aussi, souvent je dis que nous ne devons pas oublier que l’hitlérisme s’est également installé dans la population.
En fait, il se trouve qu’aujourd’hui, les évènements politiques, tant en Europe qu’en Amérique du Nord, montrent comment une dictature peut s’imposer à tous. Des hommes, des femmes, peu appréciables au regard de la morale chrétienne, prennent la tête du gouvernement d’un pays par la légale voie des urnes. Des catholiques leur apportent leurs voix. Je comprends donc, plus exactement, je vois, comment le nazisme a pu se développer.
Tous les journaux que je consulte commentant l’actualité politique en donnent des exemples. Les pauvres, les personnes qui se découvrent humiliées par les entreprises capitalistes où l’humain ne compte pas face aux profits financiers espèrent obtenir gain de cause en en charismatique populiste. L’hebdomadaire La Vie du 17 novembre fait de ma question le titre de sa page de couverture. Trump, Erdogan, Poutine, le temps des affreux ; pourquoi ils sont élus.
« Trump, Poutine, Erdogan, Orbán, Duterte... Les nouveaux leaders populistes à travers le monde nous choquent par leurs outrances. Pourtant, ils ont bien été élus. »
Je donne ici à lire un article de La Croix qui mériterait bien avec d’autres études (par exemple celle de La Vie) d’être relu au sein d’équipes paroissiales. Comment se situe la droite catholique dans le courant lepéniste ?
Victoire de Donald Trump : le vote des chrétiens américains à la loupe. Les évangéliques blancs plébiscitent Trump : un vote paradoxal ?
À 81 %, les évangéliques ont voté pour le Républicain Donald Trump. Un résultat qui n’étonne guère Mokhtar Ben Barka, professeur de civilisation américaine à l’Université de Valenciennes (1). « L’engouement des évangéliques pour Trump s’était concrétisé dès les primaires », affirme l’universitaire de Valenciennes en rappelant que les évangéliques représentent « 25 % de l’électorat américain et un tiers des partisans Républicains ».
Il faut toutefois préciser que seuls, les évangéliques « Blancs » votent très majoritairement pour les Républicains ; les évangéliques Noirs et hispaniques, qui représentent respectivement 5 à 6 % des évangéliques, votent, eux, Démocrates.
« Ce vote peut sembler paradoxal, poursuit Mokhtar Ben Barka, car Donald Trump n’incarne pas, tant s’en faut, les valeurs évangéliques. Certes, il est vaguement presbytérien, mais il n’a aucune connaissance du christianisme et s’est trompé plusieurs fois en citant la Bible. »
Pour expliquer ce vote massif des évangéliques, l’universitaire commence par rappeler que ceux-ci se recrutent « surtout » dans les classes moyennes, celles qui souffrent de la mondialisation, et qu’ils veulent, comme tant d’Américains, « un homme fort, qui ose défier la Chine, qui bouscule l’establishment Républicain et qui les rassure ». En ce sens, Trump a parfaitement su répondre à leurs peurs, avec ses slogans comme « l’Amérique doit rester chrétienne », « halte à l’immigration » ou « dehors les musulmans »…
Soutien des principaux leaders évangéliques
« Par ses propos homophobes, ajoute Mokhtar Ben Barka, Trump a su séduire ces milieux évangéliques où l’homophobie progresse. » Son discours simple et spontané, tranchant et binaire, « opposant le Bien au Mal », plaît aux évangéliques. De plus, sa réussite est perçue dans les Églises évangéliques comme un signe de bénédiction divine : « un peu comme les télévangélistes qui, partant de rien, parviennent à construire un empire ».
Dès le début de sa campagne, Trump a su rallier la plupart des principaux leaders évangéliques, notamment : James Dobson, 80 ans, fondateur de « Focus on the Family » puis du Conseil de recherche sur la famille (qui défend la famille traditionnelle et s’oppose à l’avortement) ; Tony Perkins, président du Conseil de recherche sur la famille ; Jonathan Farwell, 50 ans, influent pasteur de « Moral Majority » ; Ralph Reed qui avait dirigé la campagne 2004 de George W. Bush et à la tête de la Coalition chrétienne ; ou encore Pat Robertson, télévangéliste très connu aux États-Unis…
Il savait qu’il pouvait s’appuyer sur les immenses réseaux de ces leaders évangéliques. Ce qui n’a pas empêché l’opposition des responsables évangéliques de gauche, tels Jim Wallace (proche des Obama), Tony Campolo (ancien conseiller de Bill Clinton et de Barack Obama), de Brian McLarren (à la tête de « Emergent Church » qui rassemble les petites églises de tendance libérale), et Ron Sider (à l’initiative de la « Déclaration de Chicago » sur le souci social évangélique).
Un vote catholique plus partagé
Le vote des catholiques est plus partagé : 52 % ont voté pour Donald Trump et 45 % pour Hillary Clinton. Selon Marie Gayte (2), professeur de civilisation américaine à l’université de Toulon et spécialiste des questions religieuses, ce vote catholique a été « déterminant dans un certain nombre d’États-clés, notamment en Floride, dans l’Ohio et en Pennsylvanie, où au moins 20 % de la population est catholique. C’est un électorat et qui ne s’était pas autant mobilisé en 2012 lors de la précédente élection présidentielle », poursuit l’universitaire en rappelant cependant qu’en 2012, 53 % des catholiques blancs (hors minorités des Noirs et des Latinos) s’étaient identifiés comme républicains.
Dans un sondage publié fin août, « Hillary Clinton avait une avance considérable devant Trump chez les catholiques blancs », rappelle encore Marie Gayte. Ce revirement serait notamment lié, selon elle, aux dernières révélations du FBI sur l’« affaire des mails » d’Hillary Clinton, ainsi qu’aux déclarations, début septembre, de Donald Trump, destinées à séduire l’électorat chrétien. Il s’était engagé alors « à nommer, dès son entrée à la Maison-Blanche, un juge conservateur à la Cour suprême, à l’image du juge catholique anti-avortement Antonin Scalia, décédé en février dernier ».
Donald Trump s’était aussi engagé à abroger la Loi santé d’Obama, obligeant les employeurs à fournir à leurs salariés une couverture couvrant la contraception et leurs éventuels frais d’avortement. Une promesse qui n’était pas sans lien avec le discours de l’épiscopat américain d’août dernier. « Très embarrassé pendant toute la campagne, l’épiscopat s’était refusé à soutenir l’un ou l’autre des candidats, et avait prôné avant tout le droit à la vie », poursuit l’enseignante.
« Plus on est pratiquant, plus on vote Républicain »
De manière plus générale, Marie Gayte remarque que, « au niveau de toutes les religions, depuis quelques années, plus on est pratiquant, plus on vote Républicain, à hauteur de 60 % environ ».
De son côté, Jean Duchesne, ancien professeur de classes préparatoires et membre de l’Observatoire Foi et Culture, estime que les catholiques (qui ont voté pour le candidat Républicain) ont « réagi face à la sécularisation qui n’a pas signifié seulement la marginalisation du religieux, mais qui a aussi créé un vide ».
Ces catholiques qui ont choisi Trump ont rejeté « ce que Hillary Clinton représente », à savoir le libéralisme et les « dérives qu’il incarne : le politiquement correct, la légalisation de l’avortement et du mariage gay ». Les catholiques, selon Jean Duchesne, « voient que le terrain est laissé à des pulsions incontrôlables ». Ce vote « est une crise morale et de civilisation. C’est un bis du Brexit. »
Clémence Houdaille, Claire Lesegretain et Malo Tresca