Le prêtre est pasteur au service du peuple et non homme de pouvoir ; les fidèles risquent de projeter sur lui ce qui n’appartient qu’à Dieu
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Nombreuses sont désormais les réflexions où l’on évoque la tendance cléricale d’une Église qui protège avant tout sa réputation. J’en ai souvent parlé et je pourrais encore décrire des situations où la piédestalisation du prêtre conduit à une impossibilité de le contredire. L’évêque auxiliaire de Lyon, s’adressant à tous les chrétiens, en parle ainsi : « À quel moment je me suis alors tu alors que j’aurai dû parler… à quel moment ai-je été complice d’un cléricalisme destructeur ?… Changeons notre regard sur les clercs et les personnes consacrées. Ce n’est pas les respecter que de les mettre sur un piédestal » (Église à Lyon, septembre 2018).
Pour protéger les assemblées de disciples du Christ d’une telle tendance historique à l’autoritarisme, je privilégie l'organisation d’une réunion en cercle. Le prêtre n’est pas face à un auditoire, il est au milieu des gens, au même niveau. Pour une eucharistie, dans ce cercle, son, siège sera différent afin de signifier, en harmonie avec ses vêtements liturgiques, qu’il n’agit pas à cause d’un statut « sacerdotal » (seul Christ est sacerdos), mais dans la personne du Christ (in persona christi).
Certes, quand l’assemblée est importante, cette disposition à un même niveau pose problème. Les derniers rangs ne voient pas ce qui se passe auprès du sanctuaire. Si le Moyen-âge au fond de l’étroite nef gothique acceptait cette non-visibilité au nom du mystère chrétien, depuis le milieu du XXe siècle, ce n’est plus un argument recevable. Aussi je trouve justes les audacieuses constructions d’églises des années 1960 dans leur forme circulaire qui disposait les sièges de la nef en gradin centrés sur l’autel du sanctuaire. Il semblerait que les architectes reçoivent actuellement des commandes plus classiques, selon le plan romain basilical qui offre l’idée d’un sanctuaire tribune où, comme dans un théâtre, le meneur du jeu s’adresse à une foule d’auditeurs. Le sanctuaire, surélevé par rapport à la foule, devient une occasion de mise sur un piédestal. Pour que les fidèles participants prennent la parole, ils doivent rejoindre les micros et faire face à tous. La disposition en cirque avec gradins permet à chacun d’être vu par tous et de s’exprimer à tous, de sa place. Encore une fois, ceci est plus facile dans une petite assemblée. Une technique d’amplification, désormais possible, s’avère vite nécessaire pour les grands groupes.
On dit que l’Église n’est pas une démocratie !
Je réponds à cela que des doses de démocratie permettent aux chrétiens de retrouver le mode de vie communautaire que Jésus a connu avec ses disciples.
Sur Vatican news, j’ai lu ceci :
« Mgr Aupetit (archevêque de Paris) exhorte chaque fidèle, -laïc, diacre, prêtre, religieux et consacré-, à lire attentivement la lettre du Souverain Pontife, qui en appelle à la responsabilité de tout le peuple de Dieu qui forme l’Église. «Nous sommes parfaitement heureux lorsque quelqu’un comme Mère Teresa (…) montre le vrai visage de l’Église, mais quand nous sommes blessés, nous sommes en devoir de porter aussi cette blessure» pour qui chacun sans exception doit se sentir concerné par cette crise sans précédent ».
«Les abus sexuels sont le reflet d’autres abus», analyse-t-il, le fruit d’un cléricalisme tenace et fortement enraciné, lequel a favorisé une confusion entre le pouvoir et l’autorité, et en quelque sorte, dévoyé le rôle du prêtre qui doit être un pasteur au service de son peuple, non un homme de pouvoir. Pour Mgr Aupetit, les fidèles ont peut-être trop attendu du prêtre, projetant sur lui «quelque chose qui n’appartient qu’à Dieu». Ce sont ces mêmes fidèles qui doivent aider leurs prêtres et évêques à lutter contre cette culture du cléricalisme, si éminemment contraire à l’Evangile, si incompatible avec ce que l’Eglise doit défendre et promouvoir. »
Alors, je conclus que les laïcs ne doivent jamais démissionner quand ils rencontrent un prêtre qui apporte des projets venus d’ailleurs sans avoir consulté les personnes qui en sont immédiatement destinataires.
Je note aussi ceci dans le même communiqué : Ce qui est remis c’est l’autorité qui fait grandi, non le pouvoir.
« Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme. » (2, §4) Voyons dans ces paroles du pape un appel à une conversion profonde pour en finir avec une « culture de l’abus » qui concerne aussi bien les abus sexuels, de pouvoir et de conscience. Au mois de juin, lors de la messe d’ordination des nouveaux prêtres, je rappelais combien « ce qui nous est remis, c’est l’autorité qui consiste à faire grandir, en les respectant, ceux vers qui nous sommes envoyés » (Homélie du 24 juin 2018). Le prêtre est au service de la vie des baptisés. Pasteurs et laïcs, en nous soutenant les uns les autres dans nos missions propres, puissions-nous porter au monde la vie du Christ, pauvre, chaste et obéissant. »
Pour plus d’explication, il est bon d'entendre l’entretien diffusé sur le site du Vatican.
Intéressant aussi l’article de La Croix qui parle davantage du texte de Mgr Ravel (Strasbourg).
Le prêtre « sacralisé au point d’être au-dessus des lois »
Reprenant à son compte la dénonciation du cléricalisme formulée par le pape, Mgr Ravel invite à « reprendre à neuf des visions cléricales du prêtre, sacralisé au point d’en faire un être au-dessus des lois ou de la simple justice »… Dénonçant aussi une inversion des rapports d’autorité, il rappelle : « les brebis appartiennent au Christ et à lui seul, mais le prêtre appartient aux brebis ».