Pour écouter la voix de Dieu et observer ses commandements, tu dois lui donner une dimension d’universalité. Toute personne est ton prochain

Publié le par Michel Durand

Le Bon Samaritain, Restout Jean (1692-1768), Angers, musée des Beaux-Arts

Le Bon Samaritain, Restout Jean (1692-1768), Angers, musée des Beaux-Arts

Lyon église Saint-Maurice, homélie 14 juillet 2019

 

« Elle est tout près de toi, cette Parole, afin que tu la mettes en pratique » (Dt 30, 10-14)

Cherchez Dieu, vous les humbles et votre cœur vivra. (Ps 68, 14…37)

« Tout est créé par lui et pour lui » (Col 1, 15-20)

« Qui est mon prochain ? » (Lc 10, 25-37)

 

Comme à mon habitude, je tente d’appliquer l’écoute de l’Évangile au quotidien que nous vivons. Je sais que des chrétiens préféreraient que mon regard ne s’éloigne jamais des réalités célestes. Ils disent que je ne parle pas assez de Dieu, le Créateur de l’univers. Pourtant, me semble-t-il, je ne fais que cela, même quand je reste au niveau de ce qui se passe sur un trottoir.

Trois dimanches de suite je suis invité à la présidence de l’eucharistie. Ce que je viens de dire est à prendre comme une introduction à cette série d’homélies.

Nous sommes pour la vie. La vie de tous et de toutes. Nous sommes pour le respect de l’humain, de tous les humains. Que ce soit sur les bords d’une mer méditerranéenne ou dans un lit d’hôpital. Et il est admirable que des Tunisiens s’organisent pour apporter une sépulture digne à des migrants noyés entre Libye et Sicile. Il est de même admirable que des agents hospitaliers s’efforcent avec des soins palliatifs de permettre une fin de vie digne.

Rien n’est facile. Il est en conséquence nécessaire de prendre le temps et les moyens d’un juste discernement. Et personne ne peut vouloir la défense absolue de la vie des uns en niant à d’autres le droit de vivre. La parabole du bon Samaritain vient justement à notre aide en éclairant les chemins d’une fraternelle et universelle existence.

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme,
de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. 

Si, aujourd’hui, l’idée de bonheur est liée à la possibilité de s’épanouir individuellement -l’individu est roi (faire ce que je veux quand je le veux et si je le veux)- à l’époque de Jésus, l’idée du bonheur était liée à la solidarité des uns et des autres pour la nation, la terre de ses pères. La personne juive n’était pas heureuse sans que la famille ou la communauté le soit. Alors, pour qu’une nation soit vraiment en marche vers une situation meilleure, il convient de maintenir le cap d’une réelle solidarité à tous les nivaux.

Je le redis. À l’époque de Jésus, c’était collectivement que le peuple marchait vers l’idéal d’un monde meilleur.

Qui sont les samaritains ? (voir André Sansfaçon,.www.homelie.qc.ca)

Les samaritains, issus de la mixité des races perse et juive, étaient tenus à l’écart par les Judéens. Au VIe siècle avant Jésus, ils avaient construit leur temple au mont Garizim, un temple bien à eux et exclusivement pour eux. De plus, ils avaient participé à une révolte contre Israël cent soixante-six ans auparavant. Sur le plan des textes religieux, ils refusaient les écrits des prophètes. Alors, aux yeux des juifs d’Israël, ils étaient des schismatiques et des hérétiques, de vrais étrangers de la nation qui freinaient la marche de l’unique peuple de Dieu.

Jésus s’adressait à un auditoire composé de personnes juives qui connaissaient très bien la loi de Moïse. Tous étaient certains que pour être religieux il fallait écouter la voix du Seigneur en observant ses commandements (première lecture). Ainsi, on pouvait atteindre le bonheur intérieur, car on était en communion avec Dieu.

Seulement, il n’y a pas que Dieu tout seul. Il y a aussi sa création - terrestre, végétale, animale et humaine - que l’on étudie désormais sous le regard de l’écologie intégrale. Oui, dans la Loi et la pratique religieuse il y a un aspect très contraignant que personne ne peut oublier : la responsabilité de s’occuper du proche, du prochain.

Or, pour plusieurs croyants qui s’en tiennent au sens étroit de la pratique religieuse, l’étranger n’est pas vraiment le prochain. Nul n’est tenu de l’aider. Leur façon de voir l’attachement à Dieu est totalement différente.

Jésus sent que cette question est délicate. Pour aborder la différence de vue, il utilise une parabole. Grâce à cette histoire inventée, le samaritain, qui subit la réputation d’être non respectueux de la Loi religieuse tout en étant perçu comme un étranger par les auditeurs est justement celui qui intervient conformément au désir de Dieu. Ceux qui se considèrent fidèles à Dieu, le prêtre et le lévite, ignorent la victime toute proche. Ils sont en conséquence contre Dieu.

Je me pose alors la question : baptisé, donc disciple du Christ, ne suis-je pas comme le prêtre et le lévite quand je détourne mon regard de l’étranger venu chez nous pour échapper à diverses formes de détresses ? Les lois gouvernementales que nous soutenons de fait, notamment par nos silences, ne sont-elles pas le clair mépris de nombreuses victimes ?

Jésus ouvre une nouvelle perspective à la Loi. Il dit : si tu veux écouter la voix du Seigneur et observer ses commandements, tu dois lui donner une dimension d’universalité. Toute personne devient ton prochain. Et celle qui est victime d’une oppression économique ou guerrière, tu dois la secourir. Tu ne peux pas changer de trottoir pour ne pas la voir. Réjouissons-nous que des militants comme Carola Rackete, suivant le chemin de la juste conscience sachent s’affranchir, par une désobéissance civile réfléchie, des injustes lois.

Mode d’action non violent qui me semble plus fructueux (cela peut -doit- assurément se discuter dans un débat constructif) que l’occupation du Panthéon qui ne pouvait que rencontrer l’évacuation par la police. Voir ici  et  ici. 

Le samaritain a dit à l’aubergiste invité à faire confiance à cet étranger :

« ‘Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai ».

 

Qui a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ?

Le docteur de la Loi répondit :

« Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. »

« Va, et toi aussi, fais de même. »

Aimé-Nicolas Morot, Le bon samaritain, 1880, Petit palais, Paris

Aimé-Nicolas Morot, Le bon samaritain, 1880, Petit palais, Paris

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