Olivier de Germay ! Un aspect qui a pu jouer dans cette nomination est son attention au christianisme populaire et à l’annonce du Christ.
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La Vie - Olivier de Germay, nouvel archevêque de Lyon : les raisons d’un choix (-- > Source)
Homme combatif et de terrain, Olivier de Germay, jusque-là évêque d’Ajaccio, a été nommé jeudi 22 octobre, à 60 ans, archevêque de Lyon. Il devra continuer d’apaiser les tensions d’un évêché connu pour son indépendance et traumatisé par les événements récents.
Publié le 22/10/2020 à 12h01 I Mis à jour le 22/10/2020 à 20h31
Olivier de Germay, 60 ans, nouvel archevêque de Lyon. • STÉPHANE OUZOUNOFF/CIRIC
Avec Olivier de Germay, jusqu’à présent évêque d’Ajaccio, en Corse, le pape a choisi pour Lyon, diocèse réputé complexe à gouverner, un habitué des terrains difficiles. En effet, la capitale des Gaules n’est pas n’importe quelle terre. Lyon, c’est un état d’esprit, le fameux « esprit lyonnais », mélange d’autonomie, de défiance à l’égard des grosses structures et d’antijacobinisme – d’antiparisianisme, affirment certains –, entretenu par les vieilles familles, les réseaux et les sous-entendus. Un patchwork de territoires qui vont de l’hyper-urbain à l’hyper-rural, en passant par les banlieues élégantes et celles considérées comme difficiles.
Le catholicisme social y est aussi solidement implanté que la bourgeoisie catholique, plus classique dans ses goûts liturgiques et ses formes, sans compter les jeunes pousses, cette génération Laudato si’ qui bouscule les étiquettes. Lyon c’est aussi un presbyterium connu pour être difficile, composé de fortes têtes et de sensibilités composites : la soutane y côtoie le pull en tricot. Enfin, qui y entre archevêque en sort généralement cardinal.
L’homme de la situation
Mais cette nomination est un bouleversement à double titre. Parce que, disons-le tout net, le nom d’Olivier de Germay ne ressortait pas en tête des pronostics qui allaient bon train depuis quelques mois. Mais aussi parce qu’elle vient clore une séquence particulièrement traumatisante. Faut-il le rappeler ? La candidature d’Anne Soupa, catholique féministe, à l’archevêché de Lyon, en mai dernier, prenait en partie sa source dans la « perte de légitimité du corps épiscopal », pour citer ses mots ; les plaies de l’affaire Preynat sont à vif, les séquelles du procès Barbarin – qui a vu s’opposer défenseurs et détracteurs du cardinal – bien présentes, même si l’intérim assuré par Michel Dubost a pu apaiser bien des tensions.
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Qu’est ce qui a pu conduire le pape – et la Congrégation pour les évêques – à considérer qu’il était l’homme de la situation ? Le choix peut se comprendre si l’on se penche sur la biographie de ce jeune évêque – 60 ans –, à peine plus âgé que son prédécesseur, Philippe Barbarin, quand il était arrivé à Lyon. C’est un homme d’action – même s’il est contemplatif –, ancien saint-cyrien et militaire – fils de général –, rompu à l’escalade et à l’alpinisme, grand marcheur, qui a servi chez les « paras », et qui est passé par le Tchad, la Centrafrique et l’Irak dans sa jeunesse.
C’est un homme d’action, ancien militaire, rompu à l’escalade et à l’alpinisme, grand marcheur.
Il n’est pas un inconnu à Rome, où il a fait ses études au séminaire pontifical français, mais aussi à l’institut Jean Paul II, dont il est sorti diplômé d’une maîtrise de théologie. En 2015, il a été désigné comme suppléant lors du synode sur la famille et, plus récemment, il a participé à une audience privée avec le pape, en compagnie de 300 entrepreneurs catholiques français.
Un évêque combatif
Ses nominations ecclésiales l’ont rôdé pour gérer des situations complexes. Nommé évêque d’Ajaccio en 2012, dans un moment de crise ecclésiale interne, il a fait ses armes d’évêque dans la bouillonnante île de Beauté. Auparavant, il est passé par les banlieues toulousaines, où il a été curé pendant cinq ans – avant d’être nommé vicaire épiscopal chargé de l’accompagnement des banlieues –, et l’Institut catholique de Toulouse, où il a donné des cours de théologie sacramentelle et de la famille.
Pour Lyon, Rome a donc choisi un évêque combatif, qui ne craint pas de parler à contre-courant. En effet, Olivier de Germay a clairement et publiquement pris position sur un certain nombre de sujets de société à plusieurs reprises, ce qui lui a valu d’être étiqueté « conservateur ».
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En 2016, sur l’IVG, il a signé avec six autres évêques une tribune pour dénoncer l’absence de débat au moment de la suppression du délai de réflexion. Plus récemment, au moment des révisions du projet de loi de bioéthique à l’Assemblée nationale – il a été membre du groupe bioéthique de la Conférence des évêques de France et formé en théologie morale –, invité par France Bleu à s’exprimer, notamment à propos de l’extension de la PMA aux couples de femmes, il a alerté sur le risque de marchandisation du corps humain et la technicisation à outrance, expliquant toutefois qu’il n’irait pas manifester – ce qu’il avait fait au moment de la loi pour le mariage pour tous.
Il a justifié cette évolution en expliquant que les temps avaient changé et qu’il préférait désormais se situer sur le terrain de la réflexion pour l’ensemble de la société et participer de cette manière au débat national souhaité par Emmanuel Macron. Rappelons aussi qu’à l’époque des premières Manifs pour tous, il avait publiquement protesté contre une tentative de récupération opérée par le mouvement intégriste Civitas.
Sa conversion personnelle
De fermeté, il n’a pas non plus manqué lorsqu’il s’est agi de condamner le saccage d’une salle de prière musulmane en Corse fin 2015, livrant au passage une réflexion assez fine – et courageuse, dans une région située en tête du classement des actes anti-musulmans – sur la notion d’identité : « On ne peut revendiquer l’identité chrétienne si l’on ne recherche pas la paix, la fraternité, l’ouverture à l’autre, avait-il déclaré dans les colonnes du quotidien La Croix. On ne peut se contenter de préserver les signes extérieurs de chrétienté. Si l’on fait cela sans se préoccuper du cœur de la foi, nous risquons de nous trouver en face d’une coquille vide qui, un jour, s’écroulera. Car, à côté de la défense de ces signes extérieurs, la Corse connaît une vraie crise de transmission de la foi. »
J’ai pris brutalement conscience qu’en menant une vie centrée sur moi-même, je m’éloignais de l’essentiel.
– Olivier de Germay
Et d’enfoncer le clou : « C’est bien la foi qui porte les traditions chrétiennes. Si l’on s’arc-boute sur des traditions figées, ce raidissement peut même être un obstacle à la foi. »
Cette approche prend ses racines dans l’histoire peu banale de sa conversion personnelle. Issu d’une famille pratiquante, il a rencontré Dieu à l’âge de 30 ans, dans le désert, alors qu’il était en mission armée sous la bannière du premier régiment de hussards parachutistes de Tarbes, comme il l’a raconté dans un portrait de Corse Matin : « J’ai vécu quelques jours dans le désert. J’y ai rencontré des gens qui vivaient avec trois fois rien et qui étaient plus heureux que moi. Des gens qui exhalaient une paix intérieure, alors que j’étais aux prises avec des sensations diffuses de mal-être. J’ai pris brutalement conscience qu’en menant une vie centrée sur moi-même, je m’éloignais de l’essentiel. À ce moment-là, je ne pensais pas devenir prêtre, j’avais seulement le désir irrépressible de changer de vie… »
Dans la foulée, il décide de faire une retraite entre le silence et les chants grégoriens de l’abbaye de Fontgombault, et c’est là que s’est dessinée sa vocation.
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Restaurer la confiance
Un autre aspect qui a pu jouer dans cette nomination est son attention au christianisme populaire et à l’annonce du Christ, dans une société qui se méfie des religions et se défie des institutions. Le portrait que lui avait consacré Corse Matin révèle qu’il a demandé à continuer à percevoir le traitement ordinaire d’un prêtre après son ordination épiscopale.
Et s’il est souvent décrit comme assez classique sur le plan liturgique, il a su se couler dans la culture populaire de l’île de Beauté, très mariale, riche en processions et bénédictions, sans toutefois laisser le folklore prendre le pas sur l’exigence spirituelle. Une dimension qu’il devrait en partie retrouver dans la capitale des Gaules, où il va devoir également absorber une culture particulière et forte, la fameuse « laïcité lyonnaise ».
Un aspect qui a pu jouer dans cette nomination est son attention au christianisme populaire et à l’annonce du Christ.
En ce qui concerne son rapport au monde politique, sa gestion de la crise sanitaire est un bon indicateur. Si dès le départ, il a exhorté les fidèles à s’intégrer « dans l’effort de solidarité nationale » pour freiner la propagation du virus, il a également pris position au moment de l’annonce du plan de déconfinement par le Premier ministre Édouard Philippe. Alors que le gouvernement ne prévoyait pas de reprise des célébrations avant la Pentecôte, en dépit d’un plan présenté par les évêques, Olivier de Germay est reparti au front par voie de communiqué, appelant les responsables politiques à « ne pas museler l’Église ». Et ce, pour lui « laisser prendre sa part dans l’effort collectif et global nécessaire à la traversée de la crise », en permettant que des aménagements soient possibles « pour que la liberté de culte soit respectée dès la fin du confinement. »
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Un des plus grands défis pour ce nouvel archevêque sera donc de s’adresser à toutes les sensibilités et de faire l’unité, au sein du presbyterium et parmi son peuple. Mais aussi, pour celui qui a choisi « Le Christ a aimé l’Église » comme devise épiscopale, de restaurer la confiance dans une Église locale défigurée par des scandales en série.
Un de ses atouts pourrait être son approche énergique et optimiste de l’annonce de Dieu dans le monde contemporain. Si l’ancien militaire a un ennemi, c’est bien l’endormissement spirituel. Dans le dernier éditorial de la revue diocésaine, il cite Thérèse d’Ávila : « Le monde est en feu » et Saint Paul : « La Charité nous presse ». Tout un programme
Lire aussi cet article dans Le Point. Reçu de Denis Chautard, prêtre de la mission de France