le rabbin et le cardinal
Je viens de terminer la lecture des entretiens entre Gilles Bernheim et Philippe Barbarin : « le rabbin et le cardinal », stock, 2009 et ne peux que vous encourager à entrer dans le fil de la conversation. On sent que ce dialogue a été préparé tant d'une préparation lointaine que proche, ce qui éloigne toute banalité. Nous nous trouvons devant le témoignage de deux experts en religion.
La Bible d'Albe
J'ai alors repensé à l'ouvrage d'art de Sonia Fellous : « Histoire de la bible de Moïse Arragel (Tolède
1422-1433), Somogy 2001. Il a pour sous titre : «quand un rabbin interprète la Bible pour les chrétiens ».
Le dialogue judéo-chrétien ne date pas d'aujourd'hui. Seulement, il y a 6 siècles, les esprits n'étaient pas ouverts au dialogue, les bûchers de l'inquisition ayant pris la place.
L'histoire de la Bible d'Albe commence vers 1422. Don Luys Guzman, Seigneur dans le royaume de Castille, commande au rabbin Moïse Arragel de Guadalajara de traduire la Bible en romance, langue
vulgaire, en y apportant des commentaires. Ce laïc chrétien veut comprendre la Parole de Dieu dans sa langue. Deux moines, assurément érudits, un franciscain et un dominicain, suivent les
travaux.
Moïse Arragel refuse de faire lui-même les illustrations ; mais il avait son mot à dire.
Sonia Fellous, dans son étude, dégage la nature de cette originale collaboration. Cette dernière est-elle libre de toutes contraintes ?
N'oublions pas que la Bible d'Albe, manqua sa raison d'être. Des lecteurs chrétiens et juifs ne purent durablement se rencontrer pour dialoguer à partir de ce travail, les Juifs étant expulsés
d'Espagne en 1492.
Cette commande ne fut peut-être que le caprice d'un riche grand seigneur du XVe siècle ?
Le rabbin et le cardinal au XXIe siècle.
Aujourd'hui, le dialogue judéo-chrétien a de nombreuses assises religieuses, érudites et aussi populaires.
Je classerai plutôt « le rabbin et le cardinal » parmi les soucis d'érudits en religion. On y parle, en effet, beaucoup de religion. La démarche spirituelle est plus cognitive qu'existentielle.
Tout au long des 300 pages, il n'y a, en effet, presque pas de place offerte à ce que vivent les concrètement et durablement les gens. On ne voit pas comment le rabbin et le cardinal perçoivent
la façon dont les croyants traduisent au quotidien leur foi. Tout l'attachement à la Bible ne se traduit pas en acte cultuel.
Il me faut également souligner un autre regret. Pour qu'un dialogue soit vraiment vrai, il ne peut pas, aujourd'hui, faire l'impasse du Proche-Orient. Rien ne doit être oublié. Or dans ces pages
de dialogue, l'État actuel d'Israël est le grand absent. Affronter cette question aurait apporté une grande crédibilité au témoignage de l'échange. Il est, à mon avis, mal venu d'évoquer la
violence attachée à l'Islam (page 275) en occultant totalement la question israélo-palestinienne qui marque dramatiquement les esprits de nos contemporains des côtes américaines aux rives
méditerranéennes.