Les chevaliers du Saint-Sépulcre interdisent l'entrée de la cathédrale au tout-venant.
Pourquoi ai-je repensé, ce matin, dans ma prière, à cet événement vécu il y a peut-être une dizaine d'années ? Je ne sais.
Est-ce la vision, le désir d'une Église ouverte à tous et à toutes ? Est-ce la conviction que l'Esprit libère de toutes contraintes, que la foi en Jésus-Christ affranchit de toute tutelle légale ?
« Nous savons que l'homme n'est pas justifié par les œuvres de la loi, mais seulement par la foi en Jésus-Christ » (Gal 2,11ss).
C'était un dimanche après-midi ; un chrétien du quartier Saint-Paul, proche de Saint-Jean (où se trouvait l'espace Confluences) m'informe que les chevaliers du Saint-Sépulcre - à moins que ce ne soit l'ordre de Malte - interdisent l'entrée de la cathédrale à toutes personnes étrangères à leur mouvement. Je vais voir. Des barricades métalliques bloquent effectivement les entrées de la cathédrale Saint-Jean de Lyon sous le regard de la police nationale. Un service d'ordre interne aux Chevaliers refoule toute personne voulant entrer. Il devait être nécessaire de montrer un carton d'invitation. Les gens, touristes et visiteurs, s'indignent : « même quand il y a une messe, un mariage, on peut entrer ». « Dans l'Église, rien n'est secret »...
Je m'informe. Il s'agit d'une cérémonie strictement privée : des adoubements. Traduisons : l'entrée officielle dans l'ordre des chevaliers du Saint-Sépulcre. En fait, je demeure incertain de l'exactitude des mots employés.
J'argumente que dans l'Église catholique tout culte est public. Ils ne peuvent interdire la présence de quiconque. Je pousse la barrière. Le jeune du service d'ordre interne appelle des collègues qui viennent en renfort. J'insiste. Ils me retiennent des mains. Puis l'un me prend par la veste et aux épaules. Je pousse encore la barrière sentant que des personnes, dont l'ami qui m'a informé, s'associent à la démarche (somme toute symbolique) contestataire. Ils font alors appel à la police nationale (les CRS, je pense) présente sur place. En un premier temps, tous réitèrent l'interdiction d'entrée parce qu'il y a une cérémonie privée. Mon indignation augmente. Depuis quand la police est-elle au service de ce faux visage d'Église ? Profitant d'un relâchement, je saute par-dessus la barricade. On en vient vraiment aux mains. Les chefs de tout bord s'approchent. Je leur fais savoir : « Vous n'avez aucun droit à interdire l'entrée de l'église. Le sacristain, désormais informé, explique que je suis prêtre et qu'il me connaît bien. Cela crée un trouble dans la police qui finalement laisse entrer toutes les personnes présentes à ce moment précis. Le service d'ordre interne referme vite la barricade.
À l'intérieur, c'était la fin de l'adoubement. Robes longues noires pour les femmes, mantilles sur la tête. Costumes noirs, grande cape pour les hommes. Une autre
époque, un autre monde. Des « personnalités » de la société qui obtiennent de l'Institution Église, de l'évêque, le droit de privatiser le bâtiment « église-cathédrale » à l'usage exclusif de
leur rite, alors que, selon l'Évangile, rien n'est secret, rien n'est caché, tout doit être crié sur les toits (Mt 20, 26ss)
« Ne les craignez donc pas ! Rien n'est voilé qui ne sera dévoilé, rien n'est secret qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans l'ombre, dites-le au grand jour ; ce que vous entendez dans le creux de l'oreille, proclamez-le sur les terrasses ».
Pourquoi cet événement m'est-il revenu en mémoire ?
Je pense que c'est tout simplement à cause de la bonne place que, de plus en plus, les partisans de la fausse tradition obtiennent dans l'Église. Des coutumes religieuses, donc humaines, l'emportent sur le message évangélique. Dentelles, ceintures à franges, soulier à boucle, camail en peaux d'hermine (ou de lapin), col en celluloïd... deviennent prioritaires. Bientôt la barrette ecclésiastique soutenue par des hommes en longue cape blanche reviendra et l'on se réjouira du retour de la tradition. « L'Église retrouve ses rites ancestraux ! ».
Les évêques qui favorisent ce retour et se réjouissent de la présence des « traditionalistes » au sein de l'Église s'aperçoivent-ils que, loin derrière ceux et celles qui font claquer leur talon sur les dalles du temple, s'éloignent, nus pieds pour ne faire aucun bruit, une foule de personnes qui s'étaient réjouies d'avoir, un temps, osé franchir le seuil de l'Église ?
L'Esprit libère de la tutelle des fausses traditions.
« Donc, les pharisiens et les scribes l'interrogent : "Pourquoi tes disciples ne se comportent-ils pas suivant la tradition des anciens, mais prennent-ils leur repas avec des mains impures ?" Il leur dit : "Isaïe a bien prophétisé de vous, hypocrites, ainsi qu'il est écrit : Ce peuple m'honore des lèvres ; mais leur coeur est loin de moi. Vain est le culte qu'ils me rendent, les doctrines qu'ils enseignent ne sont que préceptes humains. Vous mettez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes." » Marc 7,5ss).
Je vois dans ce verset, l'étude d'Évangile à mûrir pour discerner de la vraie, la fausse tradition.
Ayant terminé cette page, je vous dois un aveu. Le matin dont il est question en première phrase, ce n'est pas ce matin, mais un matin de février 2009, pendant mon séjour à Djanet.