Je me demande si le « droit » de l'Eglise ne devrait pas plus adéquatement aujourd'hui s'appeler « l'interdit » de l'Eglise

Publié le par Michel Durand

Rome-rappelle-la-doctrine-sur-les-divorces-remaries_article.jpg

Rome. Dans un article publié mercredi 22 octobre 2013 par l’Osservatore Romano, le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi exclut toute ouverture aux sacrements pour les divorcés remariés. La Croix.

 

 

Il y a plusieurs mois un prêtre de Lyon a diffusé un texte posant, à la suite de beaucoup d’autres, la question de l’accueil des gens qui vivent, comme j’ai l’habitude de le dire « hors clous de la bonne morale catholique » (Catholique ou bourgeoise bien pensante ?).

Je vous le donne à lire aujourd’hui car la consultation que lance l’évêque de Rome, François, me semble rappeler le souci important de connaître ce qui se vit actuellement dans les familles.

Sur le site de l’Hebdomadaire La Vie et sur le site de l’Eglise de Guyanne, vous pouvez trouver toutes les informations nécessaires concernant cette consultation.

 

 

 

 

 

Questionnaire préparatoire sur le synode des familles : c'est ICI , via La Vie ! § 3

Consultation à laquelle peuvent prendre part tous les fidèles, laïcs ou religieux.


 Un prêtre crie ... Son Eglise entend? (Inspiré du Ps 33(34), 7)

Les propos que j'aimerais exprimer ici sont ceux d'un pasteur : je suis curé de paroisse au contact de  situations humaines parfois difficiles à déchiffrer et à démêler. Les chrétiens que je rencontre, ou  ceux qui désirent le devenir, vivent exactement les mêmes situations familiales et matrimoniales que tous nos contemporains : couples divorcés, remariés, familles et enfants dispersés, familles de multiples fois recomposées... et ceci en proportion ni plus forte, ni moins forte, tout simplement à l'image de notre société. On peut le déplorer bien sûr, mais on ne peut pas l'ignorer. C'est un constat !

Pour un certain nombre, la découverte du Christ, de l'Évangile et de la foi s'expérimente comme un  renouvellement intérieur puissant et sans barrière, comme « l'Esprit Saint souffle où il veut ! » (Jn 3, 8) Et beaucoup d'adultes qui en font aujourd'hui l'expérience, viennent étancher leur soif de Dieu en participant à l'Eucharistie, à un groupe de partage d'évangile, et parfois en demandant les sacrements de l'initiation.

Quand il m'est donné d'en être témoin, quand je vois la transformation intérieure qu'opère cette vie de l'Esprit en eux, je ne peux m'empêcher de m'exclamer comme Pierre : « Pourrait-on refuser l'eau du baptême à ces gens qui ont reçu l'Esprit Saint tout comme nous ? » (Ac 10,47). Pourtant, c'est bien ce qui arrive, et si ce n'est pas l'eau du baptême parce qu'elles y auraient déjà été  plongées, c'est le pardon, l'Eucharistie, la confirmation, le mariage... Et c'est ce qui arrive d'autant plus souvent que les demandes dont les situations sont qualifiées de « non conformes » par l'autorité de l'Eglise semblent augmenter.

C'est cette autorité-là que j'aimerais interroger, car je reste convaincu qu'elle veut servir l'Eglise de tout son cœur, tout comme j'essaie de le faire. En choisissant d'être prêtre, je n'ai pas choisi d'être témoin de la grâce de Dieu d'une façon différenciée, ou à deux vitesses : aux uns l'apéritif et aux autres la participation au repas dans son ensemble ; aux uns une « bénédiction » et aux autres un  sacrement... Je ne crois pas qu'une « théologie des mérites » puisse se justifier dans l'évangile. Dans l'Histoire de l'Eglise, elle a en partie contribuée à de graves divisions qui perdurent encore  aujourd'hui.

Je pense que la théologie sacramentaire dont nous héritons a été échafaudée avec l'intention délibérée de créer une interdépendance entre par exemple, les sacrements de l'initiation et celui du mariage ; de telle sorte, et à tel point qu'un échec dans le sacrement du mariage empêche et interdise, à vie, un chemin sacramentel dans la foi, ou l'espérance de faire aboutir une démarche de catéchuménat. Certes, cette construction théologique s'appuie sur l'Évangile, mais on pourrait tout autant en échafauder une autre qui s'appuyant sur le même Évangile montrerait que la miséricorde permet de dépasser l'échec, et que l'Esprit-Saint fait son œuvre, Lui qui est spécialement destiné « aux malades et aux pécheurs ». Je crois qu'il ne se laisse accaparer ou récupérer par aucun de nos discours. Les Églises orthodoxes semblent s'être engagées dans cette voie nouvelle. En le faisant, nos frères orthodoxes auraient-ils renié l'Évangile ? Dans son immobilisme rigide, l'Eglise catholique manifeste une absence de miséricorde et de compassion qui contredit le message d'amour dont elle prétend témoigner. Elle augmente la souffrance résultant d'un échec au lieu d'y porter remède." (Michel Quesnel, Rêver l'Eglise catholique, DDB 2012, p 110-111)

Deux personnes vivent ensemble depuis de nombreuses années un amour vrai, sincère et fidèle. Est-il  normal de considérer que la situation matrimoniale antérieure de l'une de ces personnes (par exemple le fait d'être divorcé d'un premier mariage), puisse empêcher toute reconnaissance de leur amour, comme signe de l'Amour de Dieu (1 Jn 4, 7-21) ? Est-il normal de considérer que cette situation puisse déteindre, et même contaminer son conjoint, au point que ce dernier (qui n'est en rien responsable de la situation antérieure de son conjoint) soit interdit de recevoir les sacrements de l'initiation et d'entrer en catéchuménat ?

Le fonctionnement du catéchuménat diocésain me pose aujourd'hui la question de la subsidiarité, à savoir la manière dont le discernement réalisé par le curé et le responsable d'un groupe d'accompagnement (au plus près des personnes et en les connaissant), peut être considéré et pris au sérieux par le service du catéchuménat. Si la subsidiarité n'est pas vécue, ce « service » diocésain a toute les chances d'apparaître comme l'instance supérieure qui vient « trancher des cas », sanctionner tardivement sur un dossier au regard du droit et de la discipline de l'Eglise.

Est-il normal qu'aujourd'hui j'en sois arrivé à redouter l'arrivée d'un nouveau catéchumène pour lequel, à sa grande surprise, il faudra très rapidement que je triture et interroge sa situation familiale pour éviter de lui faire commencer un chemin dont la signalisation serait mal faite. Quand un urbaniste décide de créer des impasses (choix éminemment discutable), les « voies sans issues » sont signalées comme telles à l'entrée de la voie, et non pas au fond lorsque l'on s'y est déjà bien engagé. Or je me demande si le « droit » de l'Eglise ne devrait pas plus adéquatement aujourd'hui s'appeler « l'interdit » de l'Eglise, tant un nombre croissant de personnes se trouvent aujourd'hui plus interdites qu'autorisées par ce code.

« Le sabbat a été fait pour homme, et non l 'homme pour le sabbat » (Mc 2, 27). Et l'Eglise ? Pour qui a-t-elle été faite ? Les hommes et les femmes - non pas ceux que l'on rêve - mais ceux et celles que l'on rencontre quotidiennement, doivent-ils « se faire » à l'Eglise ?

« Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs» (Mt 9, 13), et nous le sommes tous !  Beaucoup veulent aujourd'hui répondre à cet appel, se laisser transformer par le regard d'amour du Christ qui nous relève (Le 18,9-14). « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ». (1 Tm 2,4) L'Eglise catholique affirme que les sacrements sont signes efficaces du salut de Dieu (SC 5-6). Saurons-nous être canal, l'Eglise du Christ sera-t-elle être le relais du désir, de la volonté de Dieu pour tous les hommes ?

 


 

 

 

Publié dans Eglise

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article