L'Évangile reste à l'Église comme principe inépuisable de régénération
À 94 ans Joseph Moingt, considéré comme un des grands théologiens de notre époque (professeur au Centre Sèvres - jésuite -, et à l’Institut Catholique de Paris, il a aussi dirigé pendant plus de 30 ans la revue Recherches de Science Religieuse) sort un livre d’entretiens. Il décrit ainsi la situation de l’Église :
« Fuite des fidèles, dissensions internes, tarissement du clergé, conflits d'autorité, méfiance envers la science théologique et biblique, remises en ordre et mesures de restauration, rapports distendus entre Rome, les Églises locales et les communautés de fidèles, etc. Telles sont, en vrac et en gros, les questions vitales qui me furent posées et qui seront agitées dans ce livre. »
Voici une bonne feuille :
CROIRE QUAND MÊME
Joseph MOINGT s.j. - éd. Temps Présent
p. 58 :
...Jésus n'a légué à ses disciples ni rituel ni code législatif ni corpus doctrinal ni enseignement écrit, rien qu'ils n'auraient plus qu'à répéter et qu'ils devraient immuablement conserver – [il n’a] rien [légué] que la perpétuelle nouveauté d'une Bonne Nouvelle à annoncer, son « Évangile », illustrée par des paraboles à déchiffrer inépuisablement. C'est pourquoi le christianisme a pu se lier sans contradiction à l'inventivité de la pensée grecque.
Le christianisme a dû cependant se doter des structures de la religion pour s'implanter dans le monde et durer. Dans la suite des temps, il s'attacha à ces structures où il trouvait sa sécurité, la force de son pouvoir, la garantie de sa durée et de son identité ; il enferma l'Évangile sous la garde de son Magistère, et ne sut pas entendre à temps les gémissements de ses fidèles qui aspiraient à chercher Dieu sans entraves ; il entreprit d'enfermer pareillement la pensée grecque dans un système clos et ne comprit pas pourquoi elle rejaillissait ailleurs en philosophie de la liberté, et [pourquoi elle] se retournait contre lui.
Ainsi se rompit le fil de la transmission ; impuissante à se réinventer, la religion chrétienne se vida lentement de ses forces, et la civilisation européenne, disloquée, perdit de vue le pôle infini de sa recherche du sens.
Mais l'Évangile reste à l'Église comme principe inépuisable de régénération. Se replongeant dans sa nouveauté, elle saura interpréter « les signes des temps », comprendre la raison des changements qui se sont produits dans le monde, renouer la communication avec lui sans se conformer à la pensée du monde, remplir envers lui sa mission, qui est de nourrir la culture de l'esprit évangélique. Son avenir est dans la liberté que l'Évangile lui ouvre.
Pour en savoir plus : 1009 Moingt J.
annonce évangile
par Michel Durand