Nos sociétés sont en deuil des certitudes que les grands prêtres des totalitarismes, communistes ou ultralibéraux, ont distillés au XXe s.
« Dieu se rencontre en marchant »
Chronique hebdomadaire de Bernard Ginisty du 30 septembre 2013
Inès Lopez-Sanchez Mathély, maternité, Lyon - BASA 2013, Fragiles
Le pape François vient de donner un entretien aux revues intellectuelles jésuites européennes et américaines. Ce texte traduit la volonté du pape de se présenter d’abord comme une chercheur de Dieu au milieu de ses contemporains et non comme un distributeur de certitudes.
« Dieu, écrit-il, se rencontre dans l’aujourd’hui. (…) Bien sûr, dans ce chercher et trouver Dieu en toutes choses, il reste toujours une zone d’incertitude. Elle doit exister. Si quelqu’un dit qu'il a rencontré Dieu avec une totale certitude et qu’il n’y a aucune marge d’incertitude, c’est que quelque chose ne va pas. C’est pour moi une clé importante. Si quelqu’un a la réponse à toutes les questions, c’est la preuve que Dieu n’est pas avec lui, que c’est un faux prophète qui utilise la religion à son profit. (…) Notre vie ne nous est pas donnée comme un livret d’opéra où tout est écrit ; elle consiste à marcher, cheminer, agir, chercher, voir. (…) Dieu se rencontre sur la route, en marchant. (…) Dieu est toujours une surprise. On ne sait jamais où ni comment on Le trouve, on ne peut pas fixer les temps ou les lieux où on Le rencontrera ».
Ce responsable d’une Eglise catholique qui n’a pas toujours su résister au cours des siècles à la grandiloquence dogmatique, aux pompes et au carriérisme de ses dirigeants affirme que sa vision de l’Eglise est celle « d’un hôpital de campagne ». « Je vois avec clarté, écrit-il, que la chose dont a le plus besoin l’Eglise aujourd’hui, c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles, la proximité, la convivialité. Je vois l’Eglise comme un hôpital de campagne après une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a du cholestérol ! Nous devons soigner ses blessures (…) L’Église s’est parfois laissé enfermer dans les petites choses, les petits préceptes. Le plus important est la première annonce : Jésus-Christ t’a sauvé. Et il poursuit : Si le Chrétien est légaliste ou cherche la restauration, s’il veut que tout soit clair et sûr, alors, il ne trouvera rien». (1)
Nos sociétés sont en deuil des certitudes que les grands prêtres des totalitarismes, communistes ou ultralibéraux, ont distillés tout au long du XXe siècle. Dans cette crise surgissent des appels au « religieux » ou au « spirituel » comme valeurs « refuges ». Or, ce n’est pas de refuges dont l’homme a besoin, mais de cette seconde naissance dont ne cessent de parler les grands mystiques de toutes les religions. Il ne s’agit pas de vendre, à un monde orphelin de certitudes, de nouveaux dogmes ou de nouvelles institutions qui le dispenseraient de cette renaissance à laquelle chaque être humain est appelé. Et peut-être est-ce le poète René Char qui définit avec le plus de justesse le sens profond de toute communauté spirituelle : « L’aventure personnelle, l’aventure prodiguée, communauté de nos aurores » (2).
(1) Pape FRANCOIS : Extraits de l’entretien accordé aux revues intellectuelles jésuites européennes et américaines publiés dans le journal La Croix du 20 septembre 2013, pages 2 à 5
(2) René CHAR : Les Matinaux in Œuvres complètes, bibliothèque de la Pléiade, Editions Gallimard, 1983, page 332.