Scandale, ou fidélité évangélique?
Voici un article de Monique Hébrard, La Croix du 7 & 8 novembre 2009 (Forum).
Je souhaite que des membres de Reliance et de David et Jonathan, fassent bon usage de cette lecture, sans se formaliser du rapprochement
Etienne PARROCEL dit le Romain (Avignon , 1696 - Rome , 1776)
Palais Fesch, Jésus et la samaritaine, Huile sur toile, 35 x 98 cm
Avec l'automne, la grande « saison» des mariages se termine. Souvent, en cette période, j'ai pensé à tant de personnes qui, malgré une foi profonde et une pratique fidèle, sont exclues de ce sacrement parce que l'amour qu'elles voudraient célébrer avec Dieu a été précédé d'un premier mariage qui a été un échec. Cette question des divorcés remariés est douloureuse, non seulement pour les intéressés mais pour les prêtres, qui se demandent comment être à la fois fidèles à la loi de l'Église et à la miséricorde évangélique. Certains, avec discrétion, acceptent une réunion de prière (non sacramentelle) qui est un grand réconfort pour les époux.
Depuis quelque temps, d'autres chrétiens disent leur souffrance de ne pouvoir célébrer dans la prière ce qu'ils vivent comme un amour véritable ; je veux parler des personnes homosexuelles. J'ai conscience d'aborder un sujet tabou et explosif, mais que le lecteur ne crie pas tout de suite au scandale, et accepte de lire ce récit.
Récemment une réunion de prière, présidée par des prêtres, m'a bouleversée. Deux jeunes hommes vivant ensemble depuis plusieurs années avaient décidé de se pacser. R. et S. se sont rencontrés dans un groupe catholique au cours de leurs études. Tous deux ont une foi profonde, engagée. Ils s'aiment. Ils n'affichent pas leur homosexualité de façon revendicatrice. Ils ne la cachent pas non plus. Ils sont comme cela... Ils vont à la messe, prient, sont engagés dans des combats pour la solidarité. À l'occasion de leur pacs, ils n'envisageaient pas de ne pas mettre leur vie commune dans les mains du Seigneur. Pour cela ils ont fait une retraite avec un prêtre et ont pensé cette célébration. Le curé de leur paroisse, qui connaît leur famille et leur foi, a accepté de les accompagner dans cette prière.
Pas de bénédiction, pas de paroles pouvant suggérer un mariage. Mais des interventions pudiques, humbles. La marraine de l'un d'eux à donné le ton dans son mot d'accueil, qu'elle avait profondément médité. Elle a parlé de ce mystère devant lequel on se trouve... mais il faut bien que chacun chemine avec ce qu'il est. Cette femme douce a aussi parlé du «visage de miséricorde» de l'Église que donnait une telle célébration.
Dans l'Église, on parle souvent, en noir et blanc, en mal et bien, en tout ou rien, devait dire le prêtre, mais dans la vie ce n'est pas comme cela. Rien n'est simple. « Lorsque je vois la qualité de la relation entre R. et S., ajouta-t-il, je ne peux m'empêcher de penser que dans son amour infini, Dieu les regarde avec bienveillance. »
Certains étaient venus à la célébration par délicatesse envers les parents des deux jeunes, mais avec des pieds de plomb. Ils sont repartis apaisés, avec des questions profondes, ayant fait un grand voyage à l'intérieur de leur propre complexité et dans la miséricorde du Christ. D'autres, qui souffrent personnellement pour une raison ou pour une autre de la rigueur de l'Église, ont été régénérés dans une espérance nouvelle. Il y a aussi ceux qui n'étaient pas venus, ne voulant pas «encourager cette forme d'union».
Scandale, diront peut-être certains en lisant ces lignes. Qu'ils pensent à Jésus bravant la Loi face à la femme adultère ou faisant ses confidences les plus hautes à une femme trois fois « impure » - parce que femme, Samaritaine et pécheresse.