Et quand il faut échanger et se donner la paix, tous pareillement nous nous embrassons
Saint Jean Chrysostome et l'Impératrice Eudoxie - Jean-Paul Laurens (1838 - 1931)
Voilà plusieurs jours que je cite avec bonheur et plaisir des passages d’homélies de Jean Chrysostome, choisis et traduits par Guillaume Bady. Il n’a pas pris n’importe quoi ; il a choisi et tout organisé autour du titre : Trop occupé pour t’occuper de ta vie ?
Une profonde méditation totalement d’actualité car les hommes et les femmes d’aujourd’hui demeurent avides de plus avoir au lieu d’être.
Il me faut sans tarder écrire à Guillaume, l’inviter devant mon petit caméscope afin de lui demander ce qui l’a motivé dans ses choix que je trouve tous pertinents pour une réflexion de fidèles du Christ vivant en Eglise. Nous connaissons déjà Guillaume, au moins les plus anciens lecteurs de ce blogue ; il nous a présenté son travail à propos de la dernière version de la TOB. Voir ici !
Selon ma sensibilité, l’action eucharistique est une démarche communautaire. Au centre se trouve l’autel, figure du Christ. Tous les baptisés entourent le Christ vivant aujourd’hui.
Voilà comment s’exprime Jean Chrysostome :
LE SACERDOCE QUOTIDIEN DES FIDÈLES
Il est des moments où il n'y a pas de différence entre prêtre et fidèle : par exemple, quand il faut jouir des redoutables mystères de l'eucharistie. Car nous sommes tous pareillement jugés dignes des mêmes bienfaits. Il n'en va pas comme dans l'ancienne alliance, quand le prêtre mangeait certains morceaux et que le fidèle en mangeait d'autres : il n'était pas permis au peuple d'avoir la même part que le prêtre. Mais plus maintenant : un même corps est offert à tous, une même coupe. Et dans les prières, on peut voir le peuple contribuer largement... Et quand il faut échanger et se donner la paix, tous pareillement nous nous embrassons. Et dans les redoutables mystères de l'eucharistie, le prêtre prie pour le peuple et le peuple aussi prie pour le prêtre : les mots « Et avec ton esprit » ne signifient rien d'autre. Et l'action de grâces aussi est commune, car le prêtre ne rend pas grâces tout seul, mais avec ceux du peuple tout entier. C'est après avoir recueilli au préalable leur assentiment, puis après qu'ils ont convenu que « cela est juste et bon » qu'il commence l'action de grâces. Et pourquoi t'étonner si le peuple parle avec le prêtre, du moins quand avec les chérubins mêmes et les puissances d'en haut il fait monter ces hymnes sacrés ?
J'ai dit tout cela pour que chacun, même parmi les fidèles, soit vigilant, pour que nous comprenions que nous formons tous un seul corps (Rm 12,4-5) et que nous ne différons les uns des autres que dans la mesure où des membres diffèrent les uns des autres, et pour que nous ne rejetions pas sur les prêtres toute la responsabilité, mais que nous aussi, nous nous préoccupions de l'Église tout entière comme de notre corps à tous. Car ainsi nous gagnons en sûreté et faisons davantage de progrès vers la vertu. Pense ne serait-ce qu'aux apôtres et à la façon dont, comme il est dit ailleurs, ils prenaient l'avis des fidèles en commun. Et de fait, quand ils élisaient les sept diacres, ils ont consulté le peuple au préalable ; et quand Pierre élisait Matthias, il le fit en présence de tous, hommes et femmes (Ac 1,15-26).
Car ici, point de fumée d'orgueil chez les prêtres, ni de sentiment d'infériorité chez les fidèles : le pouvoir est spirituel et, s'il s'exerce, c'est surtout parce qu'il assume plus de peines et de sollicitude pour vous, et non pour rechercher un surcroît d'honneurs. Et de fait, il faut habiter l'Église comme une seule maison, être tous comme un seul corps, aussi vrai qu'il y a un seul baptême, une seule table, une seule source, une seule création, un seul Père. Pourquoi donc nous diviser, alors que tant de choses nous unissent ?
Homélies sur la Deuxième épître aux Corinthiens,
XVIII, 3 [PG 61, 527-528]