Les politiques, les organisations internationales doivent mettre en place une gouvernance adapté aux défis actuels : écologie et migration
source de la photo - un article à lire (Le Monde)
Les amis de Chrétiens et pic de pétrole d’une part, les évènements du non-accueil des migrants d’autre part, m’ont incité à ouvrir de nouveau les pages de la doctrine sociale de l’Église. Je l’ai fait pour répondre aux questions que l’on m’adressait concernant la vision chrétienne de l’Homme. Se mettre à l’écoute de l’Évangile conduit-il à regarder d’une façon spécifique l’humanité ?
Assurément, ai-je répondu. Alors, les souvenirs de mes cours et lectures en anthropologie chrétienne sont revenus. Et je me suis dit que l’on devait assurément trouver d’excellents résumés de cette vision chrétienne de l’Homme dans le Compendium de la doctrine sociale de l’Église. Ce que nous lisons dans ces pages est quand même bien simple à comprendre. Bien clairement exprimé. Comment se fait-il que les chrétiens passent en si grand nombre à côté de ces Révélations évangéliques et posent des actes de refus de l’accueil universel de tout homme ou de la nécessaire limite à poser aux modes d’extractions des matières issues de la Terre ?
Ce jour, dans La Croix, le cardinal Reinhard Max a joliment écrit : « La notion d’ « écologie intégrale » est inséparable de la notion de bien commun (LS, n. 137). Dans notre monde globalisé, le principe du bien commun (LS, n. 156) s’entend naturellement comme le bien commun mondial et implique une option préférentielle pour les plus pauvres. » Protection de la Terre et respect de la dignité du Migrant relève d’une vision évangélique de l’Homme. De cela nous allons parlé le samedi 7 novembre dans la salle du Prado, 5 rue Père Chevrier, Lyon 7e à partir de 9 h 30. Laboratoire de CPP ouvert à tous.
Comme préparation à cette rencontre, je donne à lire l’article de R. Marx :
Cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich et Freising, président de la Comece
Tout comme le pape François, je crois qu’une conversion écologique est possible ! Dans son encyclique Laudato si’ (LS), il constate les indéniables problèmes environnementaux majeurs, tout comme les inégalités sociales au niveau mondial. Bien que leurs causes soient différentes, on ne peut nier la relation qui les lie : « Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale » (LS, n. 139). Le premier pas vers une solution est de (re) connaître cet état de fait.
On ne pourra résoudre les problèmes liés à la destruction de l’environnement et l’inégalité sociale qu’en agissant tous ensemble. Mais c’est avant tout aux pays riches et développés d’agir. Le principe des « responsabilités diversifiées » (LS, n. 52), à la fois communes mais différenciées (tel qu’établi au sommet de la Terre de Rio en 1992), oblige tout particulièrement les pays riches : ce sont eux qui par le passé ont contribué majoritairement à l’augmentation des gaz à effet de serre et au pillage écologique, accumulant ainsi une « dette écologique » envers les pays les plus pauvres. Pour le bien des pays les plus pauvres et des économies émergentes du Sud, nous devons prendre conscience que les modes de vie et les modèles économiques qui prévalent dans nos pays de l’hémisphère Nord ne peuvent ni se pérenniser, ni constituer un objectif généralisé sans que la planète ne soit davantage détruite. La deuxième étape de la conversion écologique tient en une phrase : nous ne pouvons continuer à agir comme si rien ne s’était passé (LS, n. 59). Il ne s’agit pas de refuser aux autres ce que l’on a, mais bien de changer nos habitudes de consommation et nos modèles économiques.
Par son analyse systémique, le pape François encourage à repenser le rapport à la technologie, à l’économie, à la société et même à la politique. Il ne s’agit en rien d’une hostilité pessimiste à l’encontre de la technologie et de l’économie. En réalité, il s’agit de se demander si tout ce qui est techniquement réalisable devrait être réalisé. Tout doit-il être évalué selon des critères exclusivement économiques, selon un « paradigme techno-économique » (LS, n. 53) qui engendre le risque – en s’appliquant aux relations humaines ou à l’environnement – de les détruire ou du moins de ne pas leur être utile ? Le développement technologique, le progrès, l’économie, l’entrepreneuriat doivent être au service du développement intégral de l’être humain et avoir pour objectif le bien commun mondial.
La notion d’ « écologie intégrale » est inséparable de la notion de bien commun (LS, n. 137). Dans notre monde globalisé, le principe du bien commun (LS, n. 156) s’entend naturellement comme le bien commun mondial et implique une option préférentielle pour les plus pauvres. Plus question d’accepter des affirmations telles que « si chacun pense à soi, il pense aussi à tout le monde » ! Si l’on ne donne pas une chance à tous, et surtout aux plus pauvres et aux plus faibles, alors le progrès quel qu’il soit ne saurait être un progrès acceptable et durable. Il nous faut dès lors une nouvelle notion du progrès !
Résoudre les problèmes environnementaux mondiaux dans un monde globalisé nécessite un certain degré de « gouvernance mondiale » , une « éthique des relations internationales » et des « leaderships » politiques internationaux (LS, n. 53, 164). Malgré toutes les critiques justifiées vis-à-vis de la faiblesse de la politique, ce message se veut un encouragement pour les pays et les décideurs, qui ne se laissent pas décourager par les obstacles et qui cherchent encore et toujours de nouvelles idées pour des solutions globales. Les États et le monde politique, ainsi que les organisations internationales ou encore l’Union européenne, se doivent, en tant que pouvoirs publics, de mettre en place un cadre de gouvernance adapté à ces défis.
Dans la recherche d’un développement durable et juste à la fois pour l’homme et l’environnement, le pape François ne perd pas de vue la responsabilité individuelle. En nous invitant à changer de comportement en conséquence, il espère que ce changement de mode de vie aura un impact salutaire sur tous ceux qui tiennent les rênes du pouvoir politique, économique et social. Il rappelle l’influence du consommateur et nous met en garde face à une confiance aveugle dans le fait que « tout finira bien de toute façon ». Le pape lance un appel à la liberté responsable de l’homme, qui est la caractéristique essentielle de notre nature créée par Dieu et l’égale dignité de tous les hommes. Les bouleversements écologiques et sociaux, « au fond, sont dus au même mal, c’est-à-dire à l’idée qu’il n’existe pas de vérités indiscutables qui guident nos vies, et donc que la liberté humaine n’a pas de limites » (LS, n. 6).
- extrait de son intervention à la table ronde sur le cycle de conférences sur le climat, Les enjeux institutionnels et éducatifs de la conversion écologique, le jeudi 29 octobre 2015, à 20 heures, au Collège des Bernardins.