L’Église doit se déplacer pour comprendre les réalités des hommes et des femmes qui sont dans la souffrance

Publié le par Michel Durand

L’Église doit se déplacer pour comprendre les réalités des hommes et des femmes qui sont dans la souffrance

 

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Cette page de Daniel Duigou, correspond bien, à ce que je pense. Elle est prise dans La Croix. Je vous en souhaite bonne lecture

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Jésus est le Verbe. Il dit Dieu en déployant la logique de l’amour de Dieu. Cette logique est celle de la relation mystérieuse entre lui, Fils, et ce Dieu, Père, Père de tous les hommes. Cette logique, c’est celle de la fraternité. Il s’agit de construire au cœur même de la société et de nous-mêmes, jour après jour, le royaume de Dieu, un royaume où chaque être est un partenaire dans une humanité en marche vers une Jérusalem qui rassemble la pluralité des personnes, hommes et femmes, au-delà des différences, dans une pluralité qui signifie l’universel de l’homme.

Autrement dit, c’est celui qui participe à cette aventure humaine de la fraternité qui aime vraiment Jésus. C’est celui qui « garde » ainsi « sa parole » (de Fils) qui aime vraiment Dieu en tant que Père. C’est celui qui vit de la parole de Jésus qui fait de nous, comme lui, l’héritier de Dieu ; qui nous permet de faire l’expérience du véritable amour et d’en vivre dès aujourd’hui. La ligne droite entre nous et ce Dieu-Père passe par Jésus, c’est-à-dire, par tout être, quel qu’il soit, celui que nous croisons dans notre existence, dans l’imprévu et le hasard : il s’agit d’en faire un frère. Et alors, dans cette maïeutique d’un homme en devenir qui se construit « fils » à chaque rencontre, chacun ou chacune d’entre nous devient « la demeure de Dieu ». Dieu vit dans celui qui se reconnaît dans ce mouvement fondamental qui le conduit à être-son-fils en partageant la fraternité. Une vraie logique, celle du langage du vrai amour qui passe par l’altérité.

L’Église dont la mission est de signifier aujourd’hui dans sa façon d’être-au-monde de quel amour Dieu aime les hommes, doit « entendre » cette page de Jean pour annoncer, elle aussi, la Bonne Nouvelle à nos contemporains. Et agir dans ce sens. Le pape François a développé dans l’exhortation apostolique Amoris laetitia son invitation à prendre conscience que le premier lieu de l’annonce de la Bonne Nouvelle, ce ne sont pas les églises, si belles soient-elles, mais les hommes qui, dans ce monde si violent, ont besoin de miséricorde. Comme l’a commenté récemment le cardinal André Vingt-Trois, l’Église doit vivre le troisième millénaire, non pas comme « une réalité auto-référencée », mais comme une réalité qui trouve son identité « dans la relation avec les autres ». Une réalité auto-référencée, c’est un corps ecclésial qui se replie sur lui-même parce qu’il ne pense qu’à lui, ne réfléchit que sur ses projets, n’examine que ses propres idées, ne se définit que par ses propres objectifs. Or, le cardinal Vingt-trois a rappelé que le Christ a manifesté dans sa vie que le Père a voulu se faire proche des hommes. Il nous a invités, non pas à le garder proche de nous, mais « à nous laisser entraîner par lui pour devenir à notre tour proches de nos frères ».

L’Église n’a pas à se mettre dans une position de juge qui sait ce qu’il faut savoir à la place de l’individu pour le bien de la société, et qui dit ce qui doit être la vérité pour chaque individu en ce qui concerne les choix de vie. Ne l’a-t-elle pas déjà trop fait ? Elle doit se déplacer (1) pour entendre et comprendre les réalités des hommes et des femmes qui sont dans la souffrance. Se déplacer du registre du droit à celui de la pastorale qui consiste d’abord à accueillir, dans la pluralité des vies, les espérances de chaque individu. Ne sommes-nous pas constitués de pécheurs pardonnés ? Ne faisons pas nous-mêmes l’expérience de la faiblesse humaine ? Ne l’éprouvons-nous pas dans notre propre vie et notre foi n’est-elle pas de croire précisément que cette faiblesse ne dépasse pas la puissance de l’amour de Dieu ? Cette humanité en plein bouleversement au risque d’un suicide collectif a besoin de miséricorde ! Les hommes et les femmes à la recherche de nouveaux repères ont besoin de savoir qu’il existe des personnes capables de les aimer tels qu’ils sont et de les aider à progresser dans leur vie pour inventer une autre vie. Cette mission de l’Église consiste à manifester aujourd’hui que nous sommes attentifs à ce que vivent nos contemporains, que nous sommes attentifs à leur annoncer que dans leur vie actuelle, telle qu’elle est, il y a une espérance possible.

Une nouvelle pastorale est à inventer au cœur de nos villes, une nouvelle manière de « faire » Église pour être signe d’un Dieu qui délivre. Les communautés doivent sortir de leurs édifices pour aller vers les périphéries à la rencontre des hommes et des femmes à la recherche de justice et de paix. Et les prêtres qui, parfois, sont dans la position du juge ou du gardien du Temple doivent devenir leurs amis, des frères. Dans la logique de l’amour de Dieu. Et du Verbe. Celle de l’accueil du pauvre, de celui qui, face à l’amour, est nu.

 

Daniel Duigou, curé de Saint-Merry (Paris)

(1) Daniel Duigou, L’Église sur le divan, Bayard, 2009.

Publié dans Eglise, Témoignage

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