Le catholicisme des élites se porte mieux qu’on ne le pense. Le catholicisme populaire souffre bien plus que l’Eglise ne le croit
Sous l’ancien régime, les Chrétiens de France étaient majoritairement proches des rois et de la noble aristocratie. Les efforts pour convaincre et obtenir une acceptation de la République n’auront pas suffit. De même, la reconnaissance de la dignité de l’ouvrier – souvent un émigré de la campagne fuyant la misère – demeure bien faible.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Après avoir perdu la classe ouvrière, l’Église est en train de perdre les basses classes moyennes avec tous ceux (les humanistes) qui voient en tout homme un frère. J’en tiens pour preuve les propos de deux journalistes, l’un de La Croix, l’autre de La Vie.
Pour Laurent de Boissieu (La Croix, 6 juillet 2016), l’association Sens commun, issue de la Manif pour tous, estime qu’il faut « réduire l’impôt sur les sociétés et les cotisations sociales en compensant ces dernières par une hausse de la TV ». Certes, je ne suis pas économiste et mérite l’objection de parler de ce que j’ignore. La question que je me pose : qui bénéficiera des baisses d’impôts sinon ceux qui détiennent le pouvoir dans les entreprises ? Ainsi va la logique du libéralisme économique bien exprimé dans le film documentaire Merci patron. En augmentant la pression fiscale sur les personnes, on libère les entreprises ; on allège sur elles les impôts, ce qui va permettre l’enrichissement de quelques-uns, propriétaires des moyens de production. Ce n’est pas, là, la classe moyenne.
Partisan de la suppression du droit du sol, ce mouvement promeut la déchéance de la nationalité française pour les citoyens originaires d’un pays étranger en cas « de sanctions pénales graves ». Tous les Français ne sont donc pas égaux. Cela me semble peu catholique, c’est-à-dire peu universelle dans le sens d’une fraternelle humanité.
L’hebdomadaire La Vie donne la parole à Jean-François Barbier-Bouvet, sociologue qui se sonde les jeunes en partance aux Journées mondiales à Cracovie. Intitulé Génération catho ++, son étude montre que « les JMJ recrutent dans les milieux relativement favorisés : au total plus de deux jeunes sur trois (71 %) appartiennent aux classes moyennes et supérieures. Les JMJ touchent peu le catholicisme populaire : les enfants de père employé ou ouvrier pèsent d’un faible poids : 10 %, à peine un sur dix ». « Peu ou pas de catégories populaires ou de classes moyennes, en raison de la barrière du prix ».
Jean-Pierre Denis écrit (16 juillet 2016) : « Les JMJ reflètent et amplifient les tendances de fond du catholicisme hexagonal. Le catholicisme des élites se porte mieux que les élites françaises ne le pensent. Le catholicisme populaire, lui, souffre bien plus que l’Eglise de France ne le croit. Forts de leur capital économique et culturel, sortis renforcés de leurs études, optimistes pour eux-mêmes, les cathos ++occuperont demain d’importantes responsabilités et ils assureront avec volontarisme la transmission de la foi et le rayonnement de l’Évangile. Reste, pour l’Église, à accepter la réalité. Les JMJ ne sont pas un contact missionnaire, mais un creuset communautaire ».
Cette conclusion me semble adéquate et peut servir de grille d’analyse pour la création à Lyon du Simone par les Altercathos. Un membre de l’Antenne sociale de Lyon (affiliée aux semaines sociales) me faisait remarquer dernièrement que la doctrine sociale de l’Eglise pouvait désormais sortir des rangs des privilégiés à défaut d’émaner de la gauche chrétienne.