L'amour du Christ et l'espérance qui se tourne vers lui incluent l'amour de la terre et l'espérance pour elle : une eschatologie écologique
source de la photo : un site à connaitre !
J’ai entrepris en juin dernier une lecture de l’Évangile avec le thème du Royaume. C’est quelque peu ambitieux tellement les références sont nombreuses : vie éternelle, résurrection, béatitude, plénitude… tout ce que nous vivons sur terre se rapporte au Royaume. Alors, parler de Royaume et parler de Bonne Nouvelle, d’Évangile, cela revient au même. Tout est à lire et à retenir. Quoi qu’il en soit, demeurant à l’école d’Antoine Chevrier, je parcours l’Évangile selon Matthieu en m’arrêtant à chaque fois que le mot Royaume apparait. Assurément, j’en reparlerai.
Sur ce sujet, voir ce qu’en disent des chrétiens du doyenné Pau-Périphérie.
Suivre également ce lien où un pradosien s’exprime explicitement et longuement sur l’étude d’Évangile.
Le Royaume
Royaume, plénitude, espérance, immortalité… méditation sur mort… la fin du monde. Plus on avance en âge, plus la réalité de sa propre fin sur terre invite à se pencher vers ce que nous appelons, par habitude culturelle, l’au-delà. J’en ai déjà dit quelques mots.
Je pense avoir lu des études théologiques de Jürgen Moltmann depuis les années 90.
Je viens de terminer La venue de Dieu, Eschatologie chrétienne, Paris, Cerf, collection Cogitatio Fidei no 220, 2000, et je ne peux que témoigner de la joie d’avoir, par petite dose, lu les pages de cet ouvrage théologique. J’ai ressenti après chaque lecture le besoin de prendre un temps de silence méditatif, tout simplement pour communier avec l’unique Dieu qui se donne dans l’espérance d’une communion totale, pleine, avec Lui et toute l’humanité. Pas seulement les hommes vivants sur terre, mais également tous les vivants et le cosmos lui-même. J’exprimai dernièrement ce besoin de me tremper dans la Plénitude en écrivant qu’avec plaisir je prenais désormais plus de temps pour lire pour moi-même sans avoir le souci de le transmettre à autrui.
Transmission de la foi
Je pose ici la question de la transmission de la foi qui fait débat depuis des décennies. Souvent, j’entends les grands-parents dirent qu’il n’ont pas réussi à transmettre la réalité du Christ à leurs enfants. Ceux-ci n’ayant, désormais, ni la connaissance ni l’attrait à communiquer à leurs enfants la foi en Dieu Créateur.
Pour annoncer la Bonne Nouvelle du Salut en Dieu, la plénitude de la Vie, la résurrection… comment faire ? Dans cette interrogation, une fois de plus je rejoins ce que vivaient les premiers disciples du Père Chevrier qui en langage très XIXe siècle disait, écrivant au père Jaricot : « L'abbé Duret, depuis plusieurs jours, me dit qu'il n'est pas capable de faire le catéchisme, qu'il faut faire son salut avant tout, qu'un homme n'est pas nécessaire à une œuvre aussi belle, que Dieu saura bien le remplacer, que Dieu ne m'abandonnera pas ; qu'il sent le besoin de retraite et de travailler, qu'il faut qu'il aille à la Grande-Chartreuse ; qu'il aurait mieux fait de rester frère et de se dévouer à l'œuvre sans prendre la responsabilité du prêtre, que cette responsabilité lui fait peur et qu'il a peur du jugement de Dieu… »
Aujourd’hui, pour Moltmann, comme pour François, évêque de Rome, il n’y pas la crainte de Dieu, mais totalement l’espérance, l’écoute de la miséricordieuse parole de Dieu, de son envoyé, le Christ, de l’avocat en la personne de l’Esprit Saint. N’est-ce pas cela qui donne plaisir à s’enfoncer dans une théologie qui ouvre au besoin de prendre le temps de la contemplation ? Contempler le mystère de Dieu qui se donne et qui invite à entrer dans la Plénitude d’un achèvement sans fin. Vie éternelle dans la gloire du Créateur !
Afin d’être plus direct, je pense que je déposerai en ce lieu des pages de La venue de Dieu, Eschatologie chrétienne, qui m’ont particulièrement touchée.
Moltmann
Pourquoi Jürgen Moltmann et pas d’autres théologiens ? Pourquoi je le privilégie à Joseph Moingt ? Tout simplement parce que J. Moltmann me semble totalement en phase avec ce que le monde moderne vit depuis plusieurs décennies. Je trace une ligne de Jaques Ellul à Jürgen Moltamnn qui souligne merveilleusement bien le chemin que les politiques devraient emprunter pour gérer le monde présent. Moltmann puise dans la Révélation les nécessaires aliments pour résoudre les actuelles crises. Il est pour l’Europe ce que la Théologie de la Libération était (est encore) pour l’Amérique Latine.
Il est avant tout théologien ; et s’il indique des pistes concernant l’actualité politique et économique ce n’est que logique correspondance entre ce qu’il découvre dans la Révélation et ce qu’il observe dans les pratiques politiques actuelles. Il n’est pas le militant écologiste chrétien qui cherche dans la Bible des arguments en faveur de ses convictions, mais le scientifique qui montre les conséquences sur le cosmos de son engagement en Dieu. Je le cite :
« La nature est le sein de Dieu. C'est de la terre que Dieu reviendra au-devant de nous. Mais il reste vrai que nous n'avons aucune communion avec la terre. Nous l'admirons, mais nous la piétinons de bien des manières, nous l'exploitons de façon déraisonnable. La nature nous fait donc encore face dans toute sa froideur, et se sent étrangère à nous. Il faut donc que vienne quelque chose d'autre [...]. Il faut que vienne l'harmonie entre les hommes et la nature. Alors chacun se trouvera satisfait. Et ce sera là la solution à la question sociale. » (Christoph Blumhardt )
Moltmann : « Il résulte de ces représentations eschatologiques que la terre n'est pas une matière morte ni un matériau utilisable ; mais qu'elle n'est pas non plus la Mère Gaia qui donne naissance et qui tue, mais que cette terre avec tout ce qui y vit est la promesse réelle et perceptible par les sens de la terre nouvelle - dès lors du moins que cette vie terrestre et mortelle que nous menons ici est une promesse de la vie éternelle, immortelle, dont on peut faire l'expérience. Si le Sauveur divin est présent lui-même, de façon cachée, dans cette terre, alors elle devient celle qui porte son avenir et le nôtre. Mais alors il n'y a pas de communion avec le Christ sans la communion avec la terre. L'amour du Christ et l'espérance qui se tourne vers lui incluent l'amour de la terre et l'espérance pour elle. Il n'y a pas de meilleure façon de se représenter une eschatologie christologiquement fondée et responsable du point de vue écologique. »