Engagement temporaire au Prado de Jean-Luc BARITEL, le 24 septembre 2017
Vous trouverez sur cette page -
1 l'homélie de Philippe Brunel, supérieur du Prado de France
2 le texte de la prise de parole de Jean-Luc Brunel et de son engagement
Homélie de Philippe BRUNEL : Évangile de l’Annonciation (Luc 1,26-38)
Cet après-midi, la Vierge Marie est avec nous, qui sommes dans la joie et l’action de grâce pour ce nouveau « pas en avant » de Jean-Luc, au sein du Prado - et plus précisément du Prado de Lyon !
Oui, Marie est avec nous...
Elle nous accompagne de sa prière, comme elle a toujours accompagné le Prado. Le Père Chevrier demandait d’ailleurs que l’on passe chaque jour par elle, pour demander les sept dons de l’Esprit Saint. Et il a voulu qu’elle soit représentée à la chapelle du Prado, dans chacune des trois stations de la crèche, de la croix et du tabernacle. Ces trois lieux, qui nous rappellent les trois mystères par où passer pour suivre Jésus-Christ de plus près.
- Marie est d’abord très présente à la crèche. Là, se trouvent trois représentations qui nous montrent comment elle a vécu la PAUVRETÉ.
- Marie avec l’Ange : c’est l’Annonciation, dont nous venons de réentendre le récit dans l’évangile selon St Luc. Encore toute jeune fille, elle a déjà un cœur de pauvre, pour être ainsi prête à accueillir le message de Dieu. Elle n’a pas « raisonné sans fin », ni discutaillé dans le vide ! Mais au contraire, Marie s’est immédiatement inquiétée de la mise en œuvre de l’annonce qui lui était faite ; immédiatement, elle se demande comment elle va pouvoir coopérer à l’action de Dieu. On peut dire que Marie avait vraiment un cœur libre et dépouillé, pour engager sa vie ainsi, avec toute sa liberté. Par là, elle nous encourage nous aussi à répondre aux appels de Dieu, comme des pauvres.
- En ce lieu, Marie est évidemment aussi représentée avec Joseph, près de l’enfant dans la mangeoire. Le Père Chevrier souligne que Marie l’admire, sans rien dire. Elle contemple le Verbe qui s’est fait chair et qui s’est dépouillé de certains attributs divins, jusqu’à entrer dans la fragilité et dans la mortalité. Ainsi, à Bethléem, Marie contemple et admire cet appauvrissement du Très-Haut, qui descend au plus bas. Et elle est heureuse de coopérer à ce mouvement de Dieu vers nous.
- Enfin, toujours en cette première station de la chapelle, Marie est représentée sous les traits de ND de Lourdes, en compagnie de Ste Bernadette. On perçoit alors qu’elle est toute proche des pauvres et des petits, pour leur révéler leur dignité, par son fils Jésus. « La dame, elle me regardait comme une personne ! », s’est souvenue Bernadette. Sous-entendu, il ne devait pas y en avoir beaucoup d’autres à Lourdes, pour la regarder ainsi comme une personne !
- Dans cette même chapelle du Prado, Marie est aussi représentée au calvaire : à côté du cadavre de son fils, déposé de la croix. Tenant sur son cœur la couronne d’épines, son visage est en même temps grave et serein. Là, Marie partage l’OBÉISSANCE de Jésus. « Non pas ma volonté, mais Ta volonté » ... Obéissance au réel ; obéissance aux événements pénibles et douloureux de cette vie. Mais surtout, obéissance au Père, qui connait toujours mieux que nous par quels chemins il nous faut passer, pour avoir véritablement la vie en nous, et pour véritablement donner la vie.
- Enfin, toujours discrète, Marie est encore représentée dans le chœur de la chapelle du Prado, tout près du tabernacle : sous la colombe de l’Esprit Saint et sous la phrase « aimez-vous les uns les autres ». Là, Marie nous offre Jésus, qui tient le globe du monde dans sa main. Et l’on voit Marie heureuse de nous donner son fils. Elle ne le garde pas pour elle. Autrement dit, son amour trouve son plaisir et s’épanouit quand la vie de son fils se répand parmi les hommes. Marie vit là un véritable amour de CHASTETÉ, qui se plaît à voir naître son fils bien au-delà d’elle-même : le Christ ressuscité, le Christ eucharistique.
Alors, voilà pourquoi Marie se réjouit avec nous, cet après-midi.
Car tous, depuis notre baptême, nous avons reçu le Christ dans notre vie. Mais nous sommes aussi appelés à lui laisser de plus en plus de place en nous (paroles, pensées, actions...), jusqu’à devenir comme « d’autres jésus-christs », là où nous vivons ; pour que le Christ lui-même soit présent et accessible à tous, à travers nous et pour que d’autres deviennent eux aussi d’autres christs, en vivant de l’unique Christ. Oui, cela est vrai pour tous les baptisés ! Car en devenant chrétiens nous avons tous « revêtu le Christ » et c’est une nouvelle vie qui a déjà commencé pour nous.
Mais si cela est vrai pour n’importe quel chrétien, combien plus, à fortiori, cela doit être aussi vrai pour des apôtres, des laïcs consacrés, des sœurs... et pour des prêtres !
C’est, je crois, la grâce et l’intuition toujours actuelle du Père Chevrier : un prêtre, ce ne peut pas être un simple animateur de communauté, ni seulement un bon manager ou un super chef d’entreprise, encore moins un profiteur d’une position particulière ... Car un prêtre ne doit jamais cesser de demander cette grâce d’être de plus en plus rempli de l’Esprit Saint pour devenir avant tout « un autre Jésus-Christ », en vue de former d’autres christs dans le monde, en Église. Car c’est de cela dont le monde a le plus besoin : voir Jésus-Christ !
C’est bien le sens de ton engagement aujourd’hui, Jean-Luc. Merci, car ton engagement vient en même temps nous rappeler à notre baptême et à nos propres engagements à la suite de Jésus-Christ. Dans un instant, tu vas nous partager ce que cela représente pour toi, aujourd’hui.
Mais je tiens aussi à le redire ici : ne t’en fais pas, un engagement, ce n’est jamais un point d’arrivée, ni un diplôme pour ceux qui soi-disant « feraient tout bien » ...
Non, un engagement, formulé devant Dieu et en Eglise, c’est plutôt un appel à l’Esprit Saint :
- Viens, Esprit Saint ! J’ai besoin de toi pour devenir un véritable disciple et un bon apôtre. Sans toi, je n’y arriverai jamais !
- Viens, Esprit Saint, me bonifier, me sanctifier, me perfectionner, pour que je vive avec joie la crèche, la croix et le tabernacle.
- Viens, Esprit Saint, pour que je trouve chaque jour le goût d’étudier Jésus-Christ dans l’évangile et dans sa vie présente ; pour encore mieux le connaître, l’aimer et le suivre !
En réalité, s’engager, c’est donner plus de force à notre désir : puisqu’il est formulé devant Dieu et en Eglise, avec le soutien réel de frères et sœurs.
Et en présence de Marie.
Amen !
Engagement de Jean-Luc Baritel
Texte de l’engagement
J’ai été bercé par le Prado, littéralement : quand j’étais enfant, des sœurs du Prado venaient aider mes parents, en particulier à la cuisine pour les vendanges. Et puis elles se sont installées dans un petit village comme les autres ; enfin, presque comme les autres : c’était mon village, Lancié, dans lequel je suis né. À cette époque, je ne savais rien du père Chevrier, sinon qu’il avait fondé le Prado.
En 1986, j’étais à Lyon ; j’ai gardé le foulard sur lequel est écrit : « Tu peux faire de ta vie un “je t’aime”. C’est décidé : quand je serai grand, je ferai ça : « Je t’aime. » (ou « Je t’aime quand même »). J’étais là pour le pape, et je n’avais pas fait attention que le père Chevrier serait déclaré bienheureux ; peut-être que, sans le savoir, j’étais là aussi, d’une façon mystérieuse, pour le père Chevrier.
Plus tard, j’ai été nourri de la Parole de Dieu. Quand j’ai commencé à travailler, j’ai participé à des pèlerinages organisés par des prêtres du Prado et j’ai côtoyé des séminaristes en Formation à Saint-Étienne des Oullières. Je ne me souviens plus quand j’ai mis les pieds ici pour la première fois, mais c’était il y a longtemps…
Sur la paroisse, les sœurs du Prado avaient lancé un “partage d’Évangile” : le lundi, un petit groupe se réunissait pour méditer et échanger à partir des textes du dimanche suivant. Lire les textes de près, pour connaître Jésus de près. Souvent, les traductions étaient source de questions, parfois sans réponse. À ce moment-là, la Parole de Dieu est devenue pour moi une sorte de drogue : je ne pouvais plus m’en passer.
Et puis les sœurs ont quitté Lancié. J’ai beaucoup appris d’elles aussi après qu’elles sont parties ; en écoutant ce que les gens du village disaient d’elles : « Tout le monde était accueilli, sans distinction. » Je me suis rendu compte qu’elles avaient témoigné en profondeur de la spiritualité du père Chevrier ; quand il est arrivé dans le monde, on peut dire que Jésus n’a pas été accueilli à bras ouverts : « Il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. » Lc 2, 7 ; c’est ce qui l’a rendu attentif aux tout-petits.
Ainsi, il nous demande de nous rendre proches des pauvres, de ceux qui n’ont rien, qui se sentent exclus de notre société – parce que, souvent, ils le sont vraiment – du fait qu’elle va trop vite ou trop fort pour eux. Jésus nous demande de nous approcher des pauvres jusqu’à nous faire l’un d’eux. Mais ne doit-on pas aussi combattre la pauvreté ? Si, mais de l’intérieur ; le père Chevrier ne fait pas l’apologie de la misère, mais il nous invite à détourner notre regard des choses qui pourraient nous posséder pour le tourner vers les autres, vers ceux que notre monde tend à déshumaniser.
La Parole de Dieu est étonnante : sans cesse, elle nous invite à changer notre regard, à renoncer à ce que nous croyons savoir sur Dieu ; elle nous crucifie parce que, souvent, nous ne comprenons pas ses chemins ou nous ne voulons pas les suivre. Comme au temps de saint Paul, il nous faut prêcher « un messie crucifié, scandale pour les juifs et folie pour les païens. » Comme au temps de Jésus, vouloir le suivre de près peut nous exclure des schémas de prêt-à-penser, du politiquement correct ou du ecclésialement convenable. Au Tableau de Saint-Fons – une sorte de programme de vie que le père Chevrier enseignait à ses séminaristes – une phrase a particulièrement retenu mon attention la première fois que je l’ai vue : « mourir à la réputation. » Plus, cette phrase m’a converti : à partir de ce moment-là, j’ai choisi de faire confiance à Dieu ; même si les autres ne comprennent pas, même si je dois aussi les écouter pour avancer et me préserver de l’orgueil, je dois Lui faire confiance, à Lui, et à Lui seul : « Mais Pierre et les apôtres répondirent : “Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes.” » Ac 5,29.
Oui, cet engagement aura pris du temps ; le temps de me mettre en route, de discerner et de mûrir ; le temps de prendre du recul, aussi, et de grandir en liberté. Oui, au Prado, je vois bien des limites ou des pratiques dans lesquelles je ne me reconnais pas toujours. Mais je crois vraiment que le Christ m’appelle à le servir de façon spécifique dans cette communauté ; je lui apporterai ce que je suis et elle m’apportera ce qu’elle est, afin que je suive Jésus Christ toujours de plus près.
La vie en équipe me soutiendra pour que je reste fidèle à l’esprit du Bienheureux Antoine Chevrier ; l’étude de l’Évangile, c’est-à-dire l’étude de Jésus Christ, m’aidera à le connaître toujours mieux, pour toujours mieux l’aimer et le suivre de plus près. Pour cela, je m’efforcerai toujours de refaire des traductions imparfaites, perfectibles, qui conduiront les plus petits à toujours contempler cette Parole qui nous transforme de l’intérieur pour vivre de ce grand commandement, cette recommandation comme une promesse : aimer Dieu en aimant notre prochain comme nous-mêmes.
Ainsi, aujourd’hui, “je me décide à suivre Notre Seigneur Jésus Christ de plus près pour me rendre plus capable de travailler efficacement au salut des hommes.
Au sein de la famille du Prado et devant l’Église, je promets pour toujours à Dieu de pratiquer selon les Constitutions de l'Association :
- la pauvreté et l’humilité, pour l’amour du Christ, né dans une crèche, et des pauvres auxquels nous sommes envoyés,
- l’obéissance, pour l’amour de Jésus qui s’est fait obéissant jusqu’à la mort de la croix, et de ceux qui portent dans leur chair la marque de la souffrance,
- la chasteté dans le célibat et le don de tout moi-même, pour l'amour de Celui qui s’est fait notre nourriture dans l’Eucharistie, et de tous ceux qui ont faim d’amour, de justice et de liberté.”
Et tous les Pradosiens présents terminent en disant, avec lui :
“Avec Marie et les autres témoins de la foi, je veux répondre ainsi à l’appel du Père, m’attacher à la personne du Christ et me laisser former par son Esprit, afin de pouvoir glorifier Dieu jusque dans mes faiblesses et travailler avec joie à l’évangélisation des pauvres.”