L’Humanité et ses lecteurs se sentent plus proches de l’homélie du pape François que des circulaires du ministre de l’Intérieur français
L'express : Lors de la célébration, l'Argentin, lui même petit-fils de migrants italiens, a rappelé que selon l'Évangile Marie et Joseph étaient en fuite en raison d'un décret romain. Voir ici.
Je ne peux laisser passe ce jour sans donner à lire les mots de François à propos des migrants.
Le quotidien LA Croix a consacré plusieurs pages à ce propos.
Je citerai d’abord Bruno Frappat (23/12/17) : « Ce gamin de rien, ce vermisseau sorti clandestinement du ventre de sa maman, il naît tous les jours partout sur terre. Ils sont des millions à avoir tenté leur chance de vivre à nos côtés dans la paix et la tendresse. Et qu’en avons-nous fait, de tous ces innocents naïfs, depuis que le monde est monde et nous, ce que nous sommes ? Nous en avons fait des négligeables, des invisibles, des clodos affalés, faute de bancs, sur nos trottoirs bien lavés dès l’aube pour les chasser plus sûrement… Administrativement, ils peuvent devenir « demandeurs d’asile », c’est-à-dire un peu suspects aux yeux des pouvoirs et bientôt expulsables. Tous les « premiers flics de France » qui se sont succédé dans notre doux pays ont voulu les rechercher et les expulser le plus discrètement possible. » Et aussi ces dernières phrases : « Les sans-parti et sans-patrie de Noël réclament, chaque année, au monde entier une petite place au soleil. Cela devrait bien se trouver. En tout cas, que nul ne s’arroge le droit de les expulser en notre nom ! Entendu M. Collomb ? »
Même quand des noms ne sont pas cités, il est aisé de voir qui est visé. Dans son homélie de Noël François a souligné que le migrant ne voyage pas avec plaisir : « Marie et Joseph se sont vus obligés de partir. Ils ont dû quitter leurs proches, leur maison, leur terre et se mettre en route pour être recensés. Un trajet pas du tout commode ni facile pour un jeune couple qui était sur le point d’avoir un enfant : ils étaient contraints de quitter leur terre ». Et plus loin : « Dans les pas de Joseph et de Marie, se cachent de nombreux pas. Nous voyons les traces de familles entières qui, aujourd’hui, se voient obligées de partir. Nous voyons les traces de millions de personnes qui ne choisissent pas de s’en aller mais qui sont obligées de se séparer de leurs proches, sont expulsées de leur terre. Dans beaucoup de cas, ce départ est chargé d’espérance, chargé d’avenir ; dans beaucoup d’autres, ce départ a un seul nom : la survie. Survivre aux Hérode de l’heure qui, pour imposer leur pouvoir et accroître leurs richesses, n’ont aucun problème à verser du sang innocent. » <et aussi : « Noël, c’est le temps pour transformer la force de la peur en force de la charité, en force pour une nouvelle créativité de la charité. La charité qui ne s’habitue pas à l’injustice comme si celle-ci était naturelle, mais qui a le courage, au milieu des tensions et des conflits, de se faire ‘‘maison du pain’’, terre d’hospitalité. Saint Jean-Paul II nous le rappelait : « N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ « (Homélie de la Messe d’inauguration du Pontificat, 22 octobre 1978). »
J’invite à lire toute l’homélie de François en cette nuit de Noël 2017.
Citons également la bénédiction du 25 décembre :
« Nous voyons Jésus dans les enfants du Moyen Orient, qui continuent à souffrir à cause de l’aggravation des tensions entre Israéliens et Palestiniens. »
« Nous voyons Jésus sur les visages des enfants syriens, encore marqués par la guerre qui a ensanglanté le pays en ces années. »
« Nous voyons Jésus dans les enfants de l’Afrique, en particulier en ceux qui souffrent au Sud Soudan, en Somalie, au Burundi, dans la République Démocratique du Congo, dans la République Centrafricaine et au Nigéria ».
« Nous voyons Jésus dans les nombreux enfants contraints de quitter leurs propres pays, de voyager seuls dans des conditions inhumaines, proies faciles des trafiquants d’êtres humains. Dans leurs yeux, voyons le drame de tant de migrants forcés qui mettent en danger même leur vie pour affronter des voyages exténuants qui tant de fois finissent en tragédie.»
Il nous est impossible de voir sans rien faire : « Comme la Vierge Marie et saint Joseph, comme les bergers de Bethléem, accueillons dans l’Enfant Jésus l’amour de Dieu fait homme pour nous, et engageons-nous, avec sa grâce, à rendre notre monde plus humain, plus digne des enfants d’aujourd’hui et de demain. »
La Croix : Dans son message de Noël, lundi 25 décembre depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, le pape François a particulièrement demandé aux catholiques de s’engager « à rendre notre monde plus humain, plus digne des enfants d’aujourd’hui et de demain ».
Dans La Voix du Nord (RFI) nous lisons :
Une position largement approuvée par… L’Humanité. « Faut-il le dire, s’exclame le quotidien communiste, au lendemain de Noël, l’Humanité et ses lecteurs se sentent plus proches de l’homélie du pape François que des circulaires du ministre de l’Intérieur français et de la loi anti-migrants que diligente Emmanuel Macron. (…) Qu’on les trouve dans une crèche de Bethléem ou au cœur des solidarités populaires, les raisons de se dresser, les points de vue communs peuvent devenir des rencontres. »
Attention, pointe pour sa part Le Figaro, « le pape n’est pas le secrétaire général de l’ONU. Il est à la tête d’une Église “experte en humanité” et, à ce titre, s’estime fondé à interpeller le monde et sa conscience. (…) Cet impératif radical, dérangeant, François le formule avec ce ton entier qui déconcerte depuis cinq ans, et lui vaut par ailleurs une grande popularité. Son propos poursuit un but : une société pacifiée et fraternelle. Mais qu’on ne se méprenne pas, insiste Le Figaro, il n’entend pas se substituer aux États, aux organisations, aux associations. Son message est un cri. Aux acteurs internationaux de mettre en place des mesures réalistes et justes, qui devront tenir compte des contingences locales, sociales, économiques. Le pape le sait bien, la politique requiert audace, générosité, mais aussi discernement et prudence. À chacun son rôle. »