Aveugles devant les conséquences des colonisations, les citoyens semblent ne pas entendre les appels de l’Église à se méfier des actionnaires
Bernanos accuse la civilisation moderne d’être une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure
La nouveauté de la fin de semaine passée fut, pour moi, de découvrir dans les médias les prises de paroles d’évêques et de cardinaux d’autres continents qui me réjouissent à double titre. D’abord, je me découvre heureux que d’anciens collègues du séminaire français à Rome s’expriment avec courage sur d’importantes questions d’actualités, ensuite, je ne peux que souscrire à leurs paroles tant elles rejoignent ce que j’observe au quotidien. Alors, je partage ma joie en vous invitant à suivre les liens qui permettront de découvrir le contenu de leurs déclarations.
1 - J’ai déjà parlé de John Onaiyekan que j’ai eu la joie de recevoir en 1970, dans ma famille pendant les vacances d’été.
Il ne cache pas ses pensées quand il s’exprime, par exemple, sur les méfaits du pétrole dans le delta du Niger et sur les dégâts qu’occasionnent les diverses corruptions. Il se prononce toujours en faveur d’un dialogue, notamment entre les religions, apte à conduire vers des relations de paix.
2 - Je cite maintenant Emmanuel Lafont. J’ai plusieurs fois eu l’occasion d’en parler dans En manque d’Église. Il vient de publier une lettre pastorale pour son diocèse de Cayenne. Une lettre que nous devrions tous étudier dans nos paroisses pour voir comment accompagner ce lointain département. Il en va de la santé de tous les habitants de la « maison commune », là-bas, comme ici.
Je cite sa conclusion : « C’est d’un changement dans notre style de vie que nous avons tous besoin, bien plus que d’une course effrénée dans une croissance économique et financière sans limites qui, en réalité, nourrit la crise. Les peuples de la forêt peuvent nous en apprendre beaucoup sur le véritable bonheur, inséparable d’une saine sobriété de vie. Le pape François nous y invite lorsqu’il parle de spiritualité écologique. Nous avons besoin, dit-il, d’une conversion écologique qui implique de laisser jaillir toutes les conséquences de notre rencontre avec Jésus-Christ sur les relations avec le monde qui nous entoure. « Vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu est une part essentielle d’une existence vertueuse ; cela n’est pas quelque chose d’optionnel ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne »
Lire cette lettre ne suffit pas. Il faut l’étudier ; en partager la lecture avec d’autres ; s’en servir de base pour des révisions de vie. Alors que les politiques poursuivent leurs marches vers un progrès sans limites, prenons le temps de nous arrêter pour tisser des liens avec tous : « Au-delà des menaces qui émergent de l’intérieur de leurs propres cultures, les peuples autochtones ont vécu, depuis les premiers contacts avec les colonisateurs de fortes menaces extérieures[26]. Contre ces menaces, les peuples autochtones et les communautés amazoniennes s’organisent, luttent pour la défense de leurs vies et de leurs cultures, de leurs territoires et de leurs droits, et de la vie de l’univers et de toute la création ».
Lire aussi dans l'hebdomadaire La Vie (7 juin 2018) l'entretien d'E.Lafont avec Mahaut Herrnann
3 - Alors qu’approche la fin du Ramadan, je suis heureux de reprendre le message de Jean-Louis Tauran. « Ramadhan et aïd-el-fitr : Message de vœux du Cardinal Jean-Louis Tauran.
« Le Cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, a adressé un message de vœux aux musulmans pour le mois de Ramadhan et l’Aïd-el-Fitr, appelant à établir des «relations pacifiques, loin de la compétition et de la confrontation entre les musulmans et les chrétiens ».
« Conscients des dons du Ramadan, nous, chrétiens, nous vous rejoignons dans votre Action de grâce au Dieu Miséricordieux pour sa bienveillance, sa générosité, et nous vous présentons, en cette occasion, nos meilleurs vœux», a écrit Le Cardinal Jean-Louis Tauran, dans son message. « Afin de poursuivre nos relations pacifiques et fraternelles, travaillons ensemble et honorons-nous les uns les autres. Ainsi, nous rendrons gloire au Tout-Puissant et favoriserons l'harmonie de nos sociétés, toujours plus multi-ethniques, multi-religieuses et multi-culturelles», a encore souligné le Cardinal. «En la circonstance, les pensées que nous aimerions partager avec vous, chers frères et sœurs musulmans, concernent un aspect essentiel des relations entre chrétiens et musulmans : la nécessité de passer de la compétition à la collaboration», a-t-il fait observer, relevant que «l'esprit de compétition a trop souvent marqué les relations passées entre chrétiens et musulmans». En ce sens, le Cardinal a estimé que «les musulmans et les chrétiens peuvent établir une base solide pour des relations pacifiques, loin de la compétition et de la confrontation, pour fonder une coopération efficace en vue du bien commun», ajoutant que «cette attitude positive constitue une aide à l'égard de ceux qui se trouvent dans le besoin et nous permet d'offrir un témoignage crédible de l'amour du Tout-Puissant pour l'humanité tout-entière ».
Ses démarches diplomatiques sont, d'après mes contacts, bien appréciées. Certes, je demeure étonné que depuis ses premières années de séminaire, il se voyait dans cette fonction diplomatique. Aujourd’hui je ne peux que reconnaître l’efficacité de sa parole malgré la faiblesse de sa santé.
Le cardinal, évêque de Port-Louis, Maurice Piat entouré de proches, au Vatican, le 19 novembre 2016. / Vincenzo Pinto/AFP
4 - Enfin, il y a Maurice Piat, de l’île Maurice. Son vêtement de cardinal pourrait nous le faire penser membre de la Marche des fiertés de Port-Louis, comme un travesti anticlérical que j’ai pu croisé à la manifestation lyonnaise. Il en prend la défense en ces termes : « Indépendamment des convictions morales que l’on peut avoir par rapport à l’homosexualité, nous tenons à exprimer notre indignation par rapport à la façon dont une parade des LGBT qui avait obtenu l’aval de la police a été obstruée par des manifestants qui étaient eux, dans l’illégalité ». Selon la La Croix, « Environ deux cents personnes étaient attendues à cet événement visant, selon le site de l’association organisatrice Collectif Arc-en-Ciel, à « sensibiliser le public général aux questions LGBT et donner de la visibilité aux personnes LGBT », des revendications portées pour la onzième fois dans l’Archipel par le collectif »
Toutes ces citations peuvent se comprendre dans le regard de Jean-Claude Guillebaud qui dans le bloc-notes de cette semaine sur La Vie écrit : « On se rend compte, avec le recul, qu’une bonne partie du monde catholique était acquis à la société industrielle, dont on attendait un « élan vital » et un « progrès humaniste ». À cette pieuse dévotion des chrétiens (désormais archaïque), il y eut une exception considérable : celle du protestant Jacques Ellul, lequel, ayant lu Bernanos, s’en réclama quand il publia la Technique ou l’enjeu du siècle (1954). Dans ce livre majeur, Ellul annonçait que le combat à venir ne serait plus entre capitalisme et communisme, mais contre l’emprise tyrannique du machinisme. Bernanos et Ellul s’écrivirent. Ils se reconnaissaient… Aujourd’hui, la technocratie a pris le pouvoir, la « technostructure » asservit ce qu’il reste de démocratie vivante, les algorithmes en usage se substituent au discernement humain et les marchés financiers sont gérés par les ordinateurs.»
À la racine des nombreuses injustices que nous observons, n’y a-t-il pas le refus de voir que ce sont les dividendes des actionnaires qui orientent les décisions. Pour que rien de bouge les profiteurs de l’ordre établi gardent en de nombreux domaines le silence.