Dans la rencontre des immigrés, des abandonnés de l’économisme soit nous durcissons nos habitudes égoïstes, soit nous devenons plus solidaires

Publié le par Michel Durand

Dans la rencontre des immigrés, des abandonnés de l’économisme soit nous durcissons nos habitudes égoïstes, soit nous devenons plus solidaires

J’ai bien aimé, en première page, le sous-titre du quotidien La Croix du 4 juin 2018 : le pape François dénonce le cléricalisme comme l’une des causes du silence trop fréquent de l’Église sur les scandales d’abus sexuels. Nous y devinons la plume d'Isabelle de Gaulmyn.

Le texte ci-dessous de José Antonio Pagola qu’un lecteur, Louis, m’a envoyé entre à fond dans la logique de cette réflexion. La sursacralsation du prêtre, l’enferment dans l’environnement cultuel obscurci l’appel évangélique à communier avec tous. Aussi je le donne à lire dans la ligne de la méditation développée au cours de mon homélie de dimanche dernier.

Louis m'a ainsi présenté cette page : ce texte est écrit par J.M.A. Pagola.  Si je me souviens bien, il est vicaire général du diocèse de Saint-Sébastien (Espagne). Il est par ailleurs l'auteur d'un livre que j'ai trouvé remarquable : "Jésus, approche historique" paru au Cerf en 2012.

 

Eucharistie et crise

Nous tous, chrétiens, nous le savons. L’eucharistie dominicale peut devenir facilement un «refuge religieux» qui nous protège de la vie conflictuelle où nous sommes immergés tout au long de la semaine. C’est tentant d’aller à la messe pour partager une expérience religieuse qui nous permet de nous libérer des problèmes, des tensions et des mauvaises nouvelles qui nous pressent de partout.

Nous sommes parfois sensibles à ce qui touche la dignité de la célébration, mais nous sommes moins inquiets quand nous oublions les exigences que comporte la célébration de la cène du Seigneur. Nous sommes contrariés lorsqu’un prêtre ne respecte pas strictement les normes rituelles, mais cela ne nous inquiète pas de continuer à célébrer la messe de manière routinière en faisant fi des appels de l’Évangile.

C’est toujours le même risque: communier au Christ au plus profond de notre cœur sans nous soucier de communier avec nos frères qui souffrent. Partager le pain de l’eucharistie et ignorer la faim de millions de nos frères privés de pain, de justice et d’avenir.

Dans les prochaines années, les effets de la crise risquent de s’aggraver beaucoup plus qu’on ne le craignait. La cascade de mesures qui seront prises va accroître parmi nous une inégalité injuste. Nous allons voir comment des personnes de notre milieu plus ou moins proche vont se trouver à la merci d’un avenir incertain et imprévisible.

Nous allons connaître de près des immigrants privés d’une assistance sanitaire adéquate, des malades ne sachant plus comment résoudre leurs problèmes de santé ou comment acquérir des médicaments, des familles obligées à vivre de la charité, des personnes menacées d’expulsion de leur maison, des gens désemparés, des jeunes sans un avenir certain… C’est quelque chose que l’on ne pourra pas éviter. Soit nous durcissons nos habitudes égoïstes de toujours, soit nous devenons plus solidaires.

La célébration de l’eucharistie dans cette société en crise peut être un lieu de prise de conscience. Nous avons besoin de nous libérer d’une culture individualiste qui nous a habitués à vivre en pensant seulement à nos propres intérêts, afin d’apprendre à devenir simplement plus humains. Toute l’eucharistie a pour but de créer cette fraternité.

Il n’est pas normal d’entendre tous les dimanches de l’année l’Évangile de Jésus et de rester sourd à ses appels. On ne peut pas demander au Père «le pain de chaque jour» sans penser à ceux qui ont des difficultés pour s’en procurer. On ne peut pas communier à Jésus sans devenir en même temps plus généreux et plus solidaires. On ne peut pas échanger mutuellement la paix sans être en même temps prêts à tendre la main à ceux qui sont seuls et désemparés face à cette crise.


José Antonio Pagola

  Traducteur: Carlos Orduna

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