Comme Marie et Elisabeth, servons avec tendresse. Multiplions les sources de joie. Agissons avec gratuité. Diffusons le bonheur.
De toi sortira celui qui doit gouverner Israël (Mi 5, 1-4a)
Dieu, fais-nous revenir ; que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés ! (Ps 79, 4)
Me voici, je suis venu pour faire ta volonté (He 10, 5-10)
D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? (Lc 1, 39-45)
La visitation. Marie rend visite à Elizabeth.
Regardons cette image du Xe siècle tirée de l’évangéliaire d'Egbert de Trêves. Cela nous aidera à mieux comprendre le texte d'Évangile que nous venons d'entendre.
Marie et Élisabeth sont enlacées, immobiles. Les deux visages légèrement relevés sont accolés. Les regards sont fixes, intériorisés. Yeux, nez et lèvres de chacune sont reliés. Les mains de chacune reposent, légèrement, tendrement, sur le corps de l'autre.
De suite me vient une interrogation : est-ce ainsi que j’embrasse les personnes de mon entourage, hors de ma famille de sang ? Est-ce ainsi que l’Église rejoint le monde dont on connait toutes les difficultés et impasses ?
Marie et Élisabeth sont bien posées sur un sol de couleur ocre. Mais ce sol est presque céleste, totalement différent du rocher de couleur sombre sur lequel sont construits les bâtiments, le temple de Jérusalem siège de l’Arche d’Alliance. Ceux-ci font penser au sanctuaire où Zacharie, l'époux d'Élisabeth officiait. Le Temple manifeste la présence de Dieu sur terre. Il souligne la continuité de l'action de Dieu à travers l'histoire comme le rappelle Marie (Lc 1, 54-55) :
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »
La rencontre des deux femmes en relation avec la maison d'Abraham illustre un texte d'Isaïe. (Is 52, 7-9)
Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : « Il règne, ton Dieu ! » Écoutez la voix des guetteurs : ils élèvent la voix, tous ensemble ils crient de joie, car, de leurs propres yeux, ils voient le Seigneur qui revient à Sion. Éclatez en cris de joie, vous, ruines de Jérusalem, car le Seigneur console son peuple, il rachète Jérusalem !
L'enlacement des deux femmes symbolise donc l'unité, la communion que Dieu veut pour son peuple. Je précise. Marie quitte le nord de la Palestine pour se rendre au Sud, en terre de Judée. Nord et Sud avaient, mille ans au paravent, été séparés en deux Royaumes distincts. Marie vient du Royaume du Nord rencontrer sa cousine du Royaume du Sud, dans la tribu de Judas, dont la capitale est Jérusalem. Les deux parties du pays retrouvent leur unité dans l'embrassement des deux femmes. La mission du Messie annoncée notamment par Jean-Baptiste (voir l’évangile de dimanche dernier) commence à se réaliser ; le peuple de dieu, issu d'Abraham, Jacob, Moïse, David, retrouve son unité.
Nous le voyons, cette scène apporte donc le contenu complet de l'Évangile : Annonce et réalisation du SALUT.
Marie a reçu et accepté une révélation. Elle sera mère. L'enfant qui naîtra d'elle sera le Sauveur du monde. Elle-même, toute obéissante à la volonté de Dieu, se met en route, pour réaliser, dès maintenant, une partie de ce salut : la rencontre, l'union des peuples que des difficultés politiques ancestrales divisaient. Avant même le Christ, son fils, elle affirme :
Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté (Heb 10, 9)
Et elle agit avec joie, délicatesse, tendresse, comme le montre cette enluminure.
Regardons, maintenant notre monde, notre existence.
Comme Marie, soyons ou devenons joyeusement et radicalement disponibles en nous mettant au service de nos frères, tous les hommes, sans exception.
Élisabeth est heureuse d'avoir, enfin, un enfant. Sachons nous réjouir du bonheur du prochain et communiquons cette joie à ceux que l'on rencontre.
Marie rend service à Élisabeth. La tendresse et le bonheur se manifestent sur leur visage. Comme elle, multiplions les sources de joie. Agissons avec gratuité. Diffusons le bonheur.
Je pense que l’Église, plus que jamais est concernée par ce libre service gratuit. L’Église ? Chacun de ses membres et eux tous réunis en communauté à la suite du Christ. Ainsi, j'imagine que l'on puisse définir les chrétiens avec cette phrase : « Les chrétiens sont des gens qui rendent service aux autres sans recevoir de chèque emploi-service. Ils agissent sans être payés, imitant en cela Dieu qui s'est donné totalement en son Fils ». Les chrétiens agissent avec confiance et joie. Ils rendent joyeusement service à l'humanité en semant la paix.
Dimanche dernier a été distribué l’appel de la Conférence des évêques de France aux catholiques de France et à nos concitoyens. Je cite ce passage :
« L’Église catholique dispose d’un maillage de milliers de paroisses…de mouvements, aumôneries et associations de fidèles… La paroisse est… par nature et par vocation la “maison de famille fraternelle et accueillante” pour tous et la “famille de Dieu, fraternité qui n’a qu’une âme”. À ce moment de notre histoire, nous pouvons le montrer et apporter notre contribution pour aider notre société tout entière à surmonter la crise qu’elle traverse. Sans se substituer aux politiques, l’Église offre un espace pour faire grandir la fraternité ».
C'est ce que recommande l'auteur de la lettre aux Hébreux à ceux qui veulent voir le Seigneur. (He 12,12-14) :
C’est pourquoi, redressez les mains inertes et les genoux qui fléchissent, et rendez droits pour vos pieds les sentiers tortueux. Ainsi, celui qui boite ne se fera pas d’entorse ; bien plus, il sera guéri. Recherchez activement la paix avec tous, et la sainteté sans laquelle personne ne verra le Seigneur.