Depuis sa création en 1963 à la Duchère (Lyon), le foyer protestant tisse de la fraternité entre les habitants : s’accueillir… être citoyen
Vivre la fraternité, l'entraide au cœur de la cité
Le 30 avril 2019, à la grande salle du Prado de Lyon, Christian Bouzy parle de son engagement dans le foyer protestant de La Duchère. Voir ici l'annonce.
Le pasteur Christian Bouzy a dirigé pendant 6 ans, jusqu’en juillet 2016, le Foyer de Grenelle, créé en 1884 dans le cadre de la Mission Populaire, et nous fait partager son expérience, riche et enrichissante. Parallèlement à la présentation de l’établissement et de son histoire, en 7 chapitres, l’auteur propose 6 méditations, véritables prédications, axées sur le thème évoqué. Elles sont remarquables et justifient à elles seules la lecture de l’ensemble. Nous y reviendrons.
L’auteur propose d’abord un rappel historique de la Mission Populaire Evangélique de France (MPEF) ou Mission Mc All, du nom du pasteur écossais méthodiste qui l’a implantée en France pour y évangéliser les ouvriers à une époque où ces quartiers de Paris étaient alors en plein essor industriel.
Tout en respectant l’objectif originel, le Foyer de Grenelle, bâti en 1887, est devenu, au cours des années, d’une part un lieu d’accueil et de soutien pour toutes les victimes d’oppression, quelle qu’en soit l’origine, et d’autre part un lieu de culte : L’Eglise évangélique libre de Grenelle. Ainsi la difficulté du Foyer mais aussi sa richesse est de tenir ensemble le spirituel et le social.
L’auteur évoque avec beaucoup d’honnêteté les difficultés et les réussites du Foyer et l’engagement total de tous, salariés et bénévoles. Il convient de manifester en permanence un vrai souci de compréhension à l’égard des personnes en difficulté, et même en détresse, mais aussi une grande fermeté, indispensable face à des comportements perturbés et perturbants, fréquemment liés à la grande précarité. Le directeur doit ainsi en permanence éviter deux écueils : la dramatisation, et au contraire la banalisation. C’est pourquoi le Foyer est doté d’une charte pour le respect des personnes et des lieux.
Christian BOUZY présente par ailleurs les différents aspects du projet du Foyer. Ce laboratoire d’une fraternité évangélique et laïque, à la fois solidaire et victime de la grande précarité procure assistance sans agresser la personnalité des bénéficiaires. Cette suractivité amène nécessairement à des engagements et des actions politiques, malgré les souhaits originels de Mc All. L’auteur en cite quelques cas, par exemple manifestations en faveur du relogement de personnes expulsées d’un foyer insalubre, ou conférences données au Foyer, telles que les prisonniers politiques en Palestine.
On peut relever toutefois qu’en ce domaine l’auteur se réfère exclusivement en termes d’analyses économiques et sociales à l’économiste Thomas Piketty, aussi célèbre que contesté.
Comme indiqué ci-dessus, la présentation du Foyer de Grenelle est accompagnée de méditations-prédications, données lors des cultes dominicaux. Quatre se réfèrent à l’Evangile de Marc et pour deux d’entre elles au Livre des Actes et à l’Evangile de Jean.
Nous ne pouvons pas les analyser toutes et n’en retiendrons qu’une qui porte sur Mc 8,22-30 : la guérison de l’aveugle de Bethsaïda et la déclaration de Pierre que Jésus est le Christ. Christian Bouzy relève que les deux récits se traduisent par une sortie : Jésus conduit l’aveugle hors du village (v.23) et Jésus sortit avec ses disciples (v.27).
Il rappelle qu’étymologiquement «e-ducare» veut dire «conduire hors de». Il souligne alors que le Foyer de Grenelle a aussi un « projet éducatif » et constitue un lieu où on cherche à donner confiance en eux-mêmes aux personnes accueillies, comme Jésus a rendu confiance à l’aveugle et aux disciples.
Livre vivant dans lequel l’auteur manifeste à la fois son souci d’apporter une aide efficace, aussi bien matérielle que spirituelle, à ceux qui en ont le plus besoin, tout en respectant scrupuleusement la liberté de son prochain, croyant ou non. Il comprend une préface, à la fois élogieuse et souriante, de Pierre Joxe, en sa double qualité d’ancien ministre de l’Intérieur et de Président de la Fondation du protestantisme.
En refermant le livre, on se demande comment on pourrait apporter sa pierre à l’édifice.
Bernard Steinlin