À la fin des travaux maraîchers le père Chevrier résolut de prêcher une mission pour fonder sa pastorale et attirer des chrétiens « endormis

Publié le par Michel Durand

À la fin des travaux maraîchers le père Chevrier résolut de prêcher une mission pour fonder sa pastorale et attirer des chrétiens « endormis

Le bienheureux père Chevrier et la paroisse du Moulin-à-Vent (1865 – 1871)

Dès le début du XIXe siècle les chefs de famille du Moulin-à-Vent demande l’autorisation de construire une chapelle car l’église de Vénissieux se trouvait à 5 km. Cette demande est restée sans réponse de la part du Préfet de l’Isère et de la commune. En 1865, avec la complicité du curé de Vénissieux, la population prend les choses en main. De généreux habitants, les époux Montagneux et époux Gonnet font une donation de terrains à l’évêque de Grenoble afin d’édifier une église aux frais des habitants du Moulin-à-Vent. (7)

M. l’abbé Robin, archiprêtre de Villeurbanne, et M. Veyre, curé de Vénissieux, souhaitent créer deux nouveaux centres de cultes l’un à Saint-Fons et l’autre à Moulin-à-Vent. Ils estimaient beaucoup le père Chevrier qui avait élu domicile pour ses temps de retraite sur leur territoire. Ils auraient bien vu le père Chevrier prendre en charge, avec ses collaborateurs le Moulin à Vent, secteurs maraîchers en pleine croissance, et peut-être aussi Saint-Fons.(2) Une lettre du 5 décembre 1865 du père Chevrier à André Gourdon précise les contacts qu’il avait sur cette mission avec l’abbé Robin et qu’il avait accepté cette charge.(2)

La mission se concrétise pour le Moulin-à-Vent. Bien que ce lieu ne soit qu’à quelques kilomètres du Prado ce territoire se trouvait sur le diocèse de Grenoble(1). Mgr Jacques Ginouihac, alors évêque de Grenoble, écouta M. Robbin et demanda au cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, d’accorder au père Chevrier l’autorisation d’assumer cette charge. C’est le vicaire général Pagnon qui donna une réponse positive à la demande de confier « provisoirement des fonctions de desservant » au père Chevrier.(2)

C’est avec beaucoup d’enthousiasme et de joie que le père Chevrier s’engage dans cette mission, heureux de chercher à y mettre en pratique un règlement des paroisses qu’il avait écrit pour d’autres prêtres diocésains souhaitant vivre de la même grâce que lui et dans lequel il indiquait des orientations missionnaires et un style de de vie pour des prêtres pauvres pour les paroisses.(6)

Le père Chevrier fût bâtir une église provisoire à Moulin-à-Vent(1).

Les Frères de Saint-Jean-de-Dieu vinrent superviser les travaux. Des catholiques fervents, des voisins mirent la main à la pâte(2). Les fondations sont creusées au printemps 1866 par les pensionnaires de l’asile psychiatrique de Saint-Jean-de-Dieu, puis un maçon vénissian, Joseph Forest, élève les murs en pisé. La nouvelle église reçoit sa cloche, fondue par le Lyonnais Morel, cette cloche raisonne encore dans le clocher de l’église actuelle.(7)

L’église de l’Immaculée-Conception est bénite le dimanche 9 décembre 1866. Le père Chevrier y établi une crèche, comme au Prado. Avec les stations du Chemin de Croix, il y fit mettre des statues, des images. Il y fit peindre un grand tableau représentant l’étoile des mages avec des anges adorateurs et il le plaçait au-dessus de la crèche au temps de l’Epiphanie.(1) Il fait construire deux petites chapelles de chaque côté pour représenter ses trois dévotions favorites ; la Crèche, le Calvaire et le Tabernacle ( 2).

Pour la population des alentours, elle était « l’église des sauterelles »… non pas qu’il y eût abondance d’insecte, mais parce que l’irrigation maraîchère avait nécessité la construction de petits ponts que les piétons ne cessaient d’emprunter, appelés « sauterelles »(2)   

Le père Chevrier fonde également une école de filles et une école de garçon. Sœur Marie (première supérieure des Sœurs du Prado) participe à la mission et précise dans des mémoires « Autant que je me le rappelle, ce fut à Pâques 1868 que le Père nous installa au Moulin-à-vent pour faire la classe. Je crois que nous avions une quarantaine de petites filles.(1)

Le père Chevrier n’habitait pas en permanence à Moulin-à-Vent, son archevêque lui avait demandé de demeurer au Prado (environ 3 km), mais il en avait la responsabilité. À Pâques 1867, il avait fait appel à l’aide de l’abbé Martinet, qui venait d’être ordonné à Rome, pour réaliser cette mission évangélique en son nom. Le Père Chevrier souhaita un ministère gratuit, il ne souhaita pas appliquer de tarif de casuel laissant à la générosité des gens de donner ce qu’ils jugeraient à propos. Cette conviction profonde, le père Chevrier l’exprime dans un petit écrit qu’il a composé autour de 1867 : « Règlement pour l’Œuvre des paroisses du Prado »(1).

S’adaptant aux habitants de Moulin-à-vent, il y a beaucoup de petits maraîchers il établit une seconde messe, le dimanche à midi, pour ceux qui reviennent du marché de Lyon(1)

À la fin des travaux maraîchers, fin 1867, le père Chevrier résolut de prêcher une mission pour fonder sa pastorale et attirer des chrétiens « endormis »(2). Le dimanche qui précéda la mission, il envoya ses latinistes, deux par deux, dans tous les hameaux environnants. Ils portèrent des lettres personnelles dans chaque maison. Il leur dit : « C’est le début de votre apostolat. » Il recommença l’année suivante. Un homme loin de la foi, suivi les instructions de la mission. Le père lui demanda de venir dîner avec lui. “Dès que le père m’a touché la main, je me suis senti saisi et remué jusqu’au fond de l’âme » (4).

Cependant les choses n’allèrent pas toujours facilement. D’après ce qui a été rapporté, les habitants du quartier furent très contents, mais le choix du père Chevrier de ne pas faire payer les actes du culte lui causa des difficultés. On peut supposer qu’elles naquirent parmi les collègues des environs, probablement au sujet de la gratuité du ministère, question de premier plan pour le fondateur du Prado. Des réclamations allèrent jusqu’à l’évêché de Grenoble tant et si bien qu’en juin 1871 le curé du Moulin à Vent apprit indirectement qu’il avait un successeur en la personne de son vicaire l’abbé Martinet nommé officiellement curé. À partir de ce moment, ce dernier eut le bon goût de s’écarter du Prado et trouva sans doute plus commode de ne plus gêner les confrères d’alentour en acceptant de faire comme tout le monde.(3) Le Père Chevrier ne fit rien pour revendiquer un peu plus d’égards pour sa personne. Il souffrit beaucoup de cet échec mais pardonna volontiers à l’abbé Martinet. Les sœurs revinrent au Prado.(3)

Le père Chevrier est mort à 53 ans, usé par le travail et la maladie(5). Ses funérailles ont eu une valeur significative. Trois cent prêtres y ont participé et on a évalué à dix mille le nombre des personnes qui suivirent le convoi. On a dit aussi que cinquante mille personnes étaient venues sur le passage du cortège(5).

Le 4 octobre 1986, Antoine Chevrier a été béatifié par le pape Jean-Paul II.

L’abbé Martinet est remplacé en 1874 par le père Eugène Rémy, qui reste en charge du Moulin-à-Vent pendant 30 ans, jusqu’à sa mort en 1904. C’est à lui que l’on doit l’église actuelle de l’Immaculée Conception. Constatant que le bâtiment des origines est devenu trop petit pour accueillir tous les catholiques du quartier, l’abbé Rémy fait construire en 1900 une belle église longue de 37 mètres et pourvue de 8 chapelles latérales, qui est terminée en 1908.(7)

 

Aujourd’hui, une des chapelles latérales de l’église Immaculée Conception est dédiée au bienheureux père Chevrier, nous pouvons y trouver des objets d’époque. Sa croix de mission se trouve à l’entrée de l’église. En période de l’Avent une magnifique crèche est construite faisant écho à celle du père Chevrier. La salle de réunion porte son nom. Il reste parmi nous.   

           

 

O Verbe ! O Christ !

Que vous êtes beau ! que vous êtes grand !

Qui saura vous connaitre ? Qui pourra vous comprendre ?

Faites, ô Christ, que je vous connaisse et que je vous aime.

Puisque vous êtes la lumière, laissez venir un rayon de cette divine lumière

sur ma pauvre âme, afin que je puisse vous voir et vous comprendre.

Mettez en moi une grande foi en vous, afin que toutes vos paroles soient pour moi autant de lumière qui m’éclairent et me fassent aller à vous et vous suivre, dans toutes les voies de la justice et de la vérité (8).   

 

 

Sources :

  1. Jean-François Six Un prêtre Antoine Chevrier fondateur du Prado édition du Seuil Paris 1965
  2. Olivier de Berranger Antoine Chevrier Dis nous ton secret Parole et silence 2012
  3. Pierre Berthelon Antoine Chevrier  Prêtre selon l’Evangile 1826 – 1879   Cerf 2010
  4. Richard Holterbach Petite vie du père Chevrier DDB 2011
  5. Alfred ANSEL -le Prado- la spiritualité apostolique du Père Chevrier Cerf 1982
  6. Conférence Philippe Brunel Le Prado ; pour une Eglise pauvre avec les pauvres à l’Espace St Ignace/Lyon
  7. Expression vénissieux
  8. Antoine Chevrier Le véritable disciple Parole et Silence 2010

 

 

 

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