Pentecôte 2022 dans le sillage d’Antoine Chevrier, fondateur du Prado dont nous espérons la canonisation. La crèche - 9/15
Dans la suite du carême 2022, je dépose en ce lieu les enregistrements de Christian Delorme : prier 15 jours avec Antoine Chevrier.
Ce jour : la crèche.
« Quel mystère ! Un Dieu se fait enfant ! Ne nous en étonnons pas. (...). S’il vous étonne, vous n’avez pas la foi, vous ne comprenez pas Dieu. Il vient rechercher sa créature. (...).
Voir ci-dessous l’ensemble du texte.
La crèche
« Quel mystère ! Un Dieu se fait enfant ! Ne nous en étonnons pas. (...). S’il vous étonne, vous n’avez pas la foi, vous ne comprenez pas Dieu. Il vient rechercher sa créature. (...). Le berger ne laisse pas perdre ses brebis : il envoie son chien, puis il y va lui-même. Dieu a envoyé ses prophètes, ses prêtres. (...). Amant qui vient chercher sa fiancée, fait mille lieux, s’expose à tous les périls, aux rebuts, affronte froid, chaleur, fatigue, pour gagner son cœur, espérant toucher son cœur. (...). Il est né pour nous. Il nous appartient. Il nous est donné ! Quel présent ! A qui ? Aux hommes. Quel don inestimable ! Pour quoi ? Payer nos dettes, nous instruire, nous apprendre à vivre. Modèle ». (Notes du sermon prononcé la nuit de Noël 1857 dans la chapelle de la Cité de l’Enfant- Jésus).
C’est en méditant, au cours de la nuit de Noël 1856, devant la crèche qui avait été installée dans l’église Saint André, qu’Antoine Chevrier a décidé de changer profondément sa manière de vivre. La crèche restera ainsi toujours pour lui le lieu par excellence de la conversion : la sienne, mais aussi celle des autres. A la chapelle du Prado, il fera très vite installer une crèche permanente (elle y est toujours), ainsi qu’une représentation du Christ mort, descendu de la croix. Crèche, calvaire, mais aussi tabernacle, vont être chez lui les trois grands signes de la perfection évangélique. Le 22 mai 1877, il écrira à ses séminaristes sur le point d’être ordonnés prêtres à Rome : « Rappelez-vous bien qu’il faut que vous représentiez la Crèche, le Calvaire et le Tabernacle : ces trois signes doivent être comme des stigmates qu’il faudra porter continuellement sur vous ». Les mots qui sont ici employés : « signes », « stigmates » disent bien que la conformité du disciple avec le Christ ne doit pas être « seulement » du domaine de l’intériorité, mais qu’elle doit aussi se voir, car le monde a besoin de signes. La Nativité du Christ dans la pauvreté d’une grotte de Bethléem n’en fut-elle d’ailleurs pas un ? « Ceci sera pour vous un signe : vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche », disent les anges aux bergers dans le récit de l’évangéliste Luc (Luc 2, 12).
Cette trilogie « crèche, calvaire, tabernacle » (que l’on peut traduire aussi par : « Incarnation, Rédemption, Eucharistie »), est au centre de la spiritualité et de la prédication du Père Chevrier. En y recourant, le fondateur du Prado reprend une tradition spirituelle qu’on trouve chez Saint François d’Assise, chez un jésuite presque inconnu du XVIIème siècle, Amable Bonnefons, chez Saint Alphonse de Liguori, et aussi chez un contemporain d’Antoine Chevrier, le Père Marcellin Champagnat, fondateur des Frères maristes (canonisé en 1999). Ainsi ce dernier pouvait-il écrire à ses disciples: «Savez-vous quelles sont ces trois premières places que je sollicite pour vous ? C’est la première place dans l’étable de Bethléem, la première place sur le Calvaire et à l’Autel. Parce que ces trois lieux sont les trois fontaines de la grâce et que c’est là surtout que le Seigneur la répand abondamment sur ses élus... ».
La crèche est le lieu de l’abaissement du Très-Haut qui vient comme « s’abîmer » dans notre humanité. « Empereur qui viendrait chez un pauvre », dit Antoine Chevrier dans son sermon de Noël 1857. Elle représente le choix volontaire de Dieu pour la pauvreté, comme l’indique l’annonce faite aux bergers : le « signe » que ceux-ci verront, c’est l’enfant couché dans une mangeoire, « car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune » (Luc 2, 7). La crèche témoigne, également, de l’humilité de Dieu, de l’humilité de l’enfant Jésus. Dieu s’est fait nourrisson dans les bras de Marie et de Joseph, il s’est mis entre les mains de ses créatures, acceptant de leur obéir. La naissance de Jésus dans la crèche représente comme le « programme » de toute son existence, et tout particulièrement celui de sa mission publique (lui qui n’avait pas « de pierre où reposer sa tête », note l’évangéliste ) et de sa Passion.
La Nativité de Jésus dans la crèche, c’est la manifestation éclatante de l’immense amour de Dieu. Mais qui peut le mieux comprendre et accueillir cette manifestation, sinon ceux qui sont pauvres, ni encombrés de biens, ni encombrés d’eux-mêmes ? Ce n’est pas un hasard si, selon l’Évangile, de misérables bergers ont été les premiers témoins de l’Incarnation du Seigneur, et que cette naissance est survenue loin des lieux de pouvoir, de savoir et d’avoir, y compris loin du Temple de Jérusalem !
Plus tard, au cours de sa mission, Jésus enseignera que le Royaume de Dieu ne peut être accessible qu’à ceux qui sauront être « comme les enfants » (Matthieu 18, 3). Le choix qu’il proposera aux hommes : devenir « enfants de Dieu ». « Enfant », comme lui-même dans la crèche ! Et pour cela, tout homme devra apprendre à « naître d’en haut » (Jean 3, 7), « naître de Dieu » (Jean 1, 13). L’évènement de la crèche vient ainsi rappeler que nous ne pouvons participer à la vie de Dieu, que si nous sommes capables d’accueillir Jésus, parmi nous et en nous, dans la pauvreté et l’humilité de cœur. Car le mystère de Noël, le mystère de l’Incarnation s’accomplit chaque fois que le Christ s’incarne en nous. Une réalité qu’a bien exprimée Saint Paul, quand il écrit aux Galates : « Vous que j’enfante à nouveau dans la douleur, jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous (Galates 4, 19).
La crèche est ainsi porteuse de nombreux enseignements, mais le premier est très certainement l’invitation à la pauvreté. C’est, en tout cas, ce qu’a compris Antoine Chevrier. Parmi ses multiples réflexions sur le choix de la pauvreté, relevons par exemple celle-ci, tirée d’une de ses « règles de pauvreté » : « Le disciple n’est pas plus que le Maître. Quel droit ai- je d’être mieux traité, mieux logé, mieux nourri que Jésus-Christ, que les apôtres, que les pauvres eux-mêmes ? »
Antoine Chevrier a aimé la pauvreté, la pauvreté évangélique en tout cas (pas la pauvreté qui écrase l’homme), la pauvreté volontaire, car en se dépouillant, en Dieu, de tout ce qui, dans sa vie, n’est pas Dieu, on trouve la richesse de la plénitude divine. Il a ainsi pu vérifier la pertinence de cette remarque de Saint Paul aux chrétiens de Corinthe: « Vous connaissez, en effet, la générosité de notre Seigneur Jésus-Christ qui, pour vous, de riche qu’il était, s’est fait pauvre, pour vous enrichir de sa pauvreté » (2 Corinthiens, 8, 9).
Cet amour de la pauvreté, en digne fils de Saint François d’Assise qui se voulait « époux de Dame Pauvreté », Antoine Chevrier l’a presque chanté dans une prière qu’il a glissée dans le texte du « Véritable Disciple » :
« O pauvreté, que tu es belle ! Jésus-Christ, mon Maître, t’a trouvée si belle qu’il t’a épousée en descendant du ciel, qu’il a fait de toi la compagne de sa vie et qu’il a voulu mourir avec toi sur la croix. Donnez-moi, ô mon Maître, cette belle pauvreté. Que je la cherche avec sollicitude, que je la prenne avec joie, que je l’embrasse avec amour, pour en faire la compagne de toute ma vie et mourir avec elle sur un morceau de bois, comme mon Maître ».
Texte à méditer : Luc 2, 1-20
En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. –
Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine.
Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée,
jusqu’à la ville de David appelée Bethléem.
Il était en effet de la maison et de la lignée de David.
Il venait se faire recenser avec Marie,
qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ;
elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire,
car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors
et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux,
et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière.
Ils furent saisis d’une grande crainte.
Alors l’ange leur dit :
« Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple :
Aujourd’hui, dans la ville de David,
vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. »