L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi immigration (19/12) mais des présidents de gauche n’appliqueront pas la préférence nationale

Publié le par Michel Durand

L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi immigration (19/12) mais des présidents de gauche n’appliqueront pas la préférence nationale

Photos - Cercle de silence de Pézenas :

Une bien triste nouvelle : Lila a une fois de plus reçu une réponse négative à son appel de l'OQTF devant le tribunal administratif ! Elle est vraiment très éprouvée.

Raison de plus pour celles et ceux qui peuvent venir ce soir 18h place de la République pour dire NON aux maltraitances administratives et aux lois Darmanin. Rassemblement avec des bougies. (18/12/2023)

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J’ai reçu ce courriel de Michel Girard, actif aux Cercles de silence pour le soutien des migrants : « Peut-être serez vous satisfaits de recevoir ces quelques textes, dés aujourd'hui, je n’ose dire en cadeau de Noël. Afin d'apprécier l'évolution possible de l'accueil en France, des humains qui cherchent à travailler, à éviter d'être tués ou torturés, ces personnes qui croient au fond d'eux-même que le respect est dû à toute personne humaine.

Depuis, ll y a eu des informations encore plus dramatique « La préférence nationale votée à l’Assemblée va renforcer des stéréotypes racistes »

 

La loi « immigration » Où en sommes-nous ? Ce n’est pas fini !

Le Sénat et l’Assemblée nationale ont adopté mardi 19 décembre 2023 au soir le texte issu de l’accord conclu par les députés et sénateurs de la commission mixte paritaire ; l'Assemblée l'a voté avec 349 voix pour et 186 voix contre, sur 573 votant. Ce texte n’est pas la dernière étape. En effet, le Conseil constitutionnel sera saisi du texte et pourrait censurer plusieurs dispositions. D’abord pour des raisons de formes – les dispositions sur les mineurs non accompagnés, sur la déchéance de nationalité en cas de condamnation pour homicide (ou tentative) sur personne dépositaire de l’autorité publique ou sur la manifestation d’une volonté pour l’obtention de la nationalité par droit du sol relèvent du cavalier législatif. Ensuite, pour des raisons de fond. Le ministre de l’Intérieur a admis ces faiblesses, mais a considéré, devant le Sénat que « le travail du conseil constitutionnel fera son office. Mais la politique ce n’est pas être juriste avant les juristes ». Par ailleurs, les députés ont obtenu le retrait de l’article réformant l’aide médical d’État (art. 1er HA). Mais un nouveau projet de loi devrait voir le jour l’an prochain, sur les bases du rapport remis par Claude Evin et Patrick Stefanini. Notons également que de nombreuses dispositions sont très mal écrites. Cela s’explique par les conditions d’élaboration du texte : de nombreux amendements ont été adoptés en séance au Sénat, il n’y a pas eu de lecture en séance à l’Assemblée et la CMP a fait un travail accéléré. Sur les quotas migratoires (art. 1er A), le compromis prévoit que « le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national. » La rédaction ne permet pas de savoir si l’objectif sera ou non contraignant. Les principaux points sont les suivants.

Conditionnement d’aides sociales

La question d’une durée de résidence minimale en France pour que les étrangers non-européens en situation régulière puissent toucher des prestations sociales a failli faire capoter les tractations. Alors que la droite réclamait un délai de cinq ans pour ouvrir le droit à une large liste de prestations « non contributives », le compromis scellé mardi est basé sur une distinction entre les étrangers selon qu’ils sont ou non « en situation d’emploi ».

Pour des prestations comme les allocations familiales, pour le droit opposable au logement ou l’allocation personnalisée d’autonomie, un délai de cinq ans est ainsi prévu pour ceux qui ne travaillent pas, mais de trente mois pour les autres.

Pour l’accès à l’Aide personnalisée au logement (APL), une condition de résidence est fixée à cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas, et de seulement trois mois pour les autres. Ces nouvelles restrictions ne s’appliquent pas aux étudiants étrangers. Sont par ailleurs exclus de toutes ces mesures les réfugiés ou les titulaires d’une carte de résident.

L’Aide médicale d'Etat (AME), réservé aux sans-papiers, ne sera pas supprimé. La Première ministre l’a confirmé, mercredi matin. Le texte de loi comprend en revanche une restriction de l'accès au titre de séjour "étranger malade". Sauf exception, il ne pourra être accordé que s'il n'y a pas de "traitement approprié" dans le pays d'origine. Une prise en charge par l'Assurance maladie sera par ailleurs exclue si le demandeur a des ressources jugées suffisantes.

Des dispositions amenées à être modifiées, après la promesse faite par la Première ministre d'une réforme du dispositif début 2024.

Régularisations de sans-papiers

La majorité s’est résignée à une version plus restrictive que celle du projet de loi initial, en donnant aux préfets un pouvoir discrétionnaire de régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers dits en tension (bâtiment, restauration, aide à la personne...). Il s’agira d’un titre de séjour d’un an, délivré au cas par cas, à condition d’avoir résidé en France pendant au moins trois ans et exercé une activité salariée durant au moins 12 mois sur les 24 derniers. Cette « expérimentation » ne s’appliquera que jusqu’à fin 2026. Le camp présidentiel n’a eu gain de cause que sur un point : la possibilité pour un travailleur sans-papiers de demander ce titre de séjour sans l’aval de son employeur.

Instauration de quotas migratoires

L’instauration de « quotas » fixés par le Parlement pour plafonner « pour les trois années à venir » le nombre d’étrangers admis sur le territoire (hors demandeurs d’asile) est considérée comme inconstitutionnelle par le camp présidentiel. Mais ce dernier a quand même accepté d’intégrer cette mesure, ainsi que la tenue d’un débat annuel sur l’immigration au Parlement, avec l’espoir à peine dissimulé que le Conseil constitutionnel se charge de la retoquer.

Déchéance de nationalité et limitation du droit du sol

La déchéance de nationalité sera prononcée pour les binationaux condamnés pour homicide volontaire contre toute personne dépositaire de l'autorité publique. Concernant le droit du sol, elle a concédé la fin de l’automaticité de l’obtention de la nationalité française à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers : il faudra désormais que l’étranger en fasse la demande entre ses 16 et 18 ans. Autre restriction obtenue par la droite : en cas de condamnation pour crimes, toute naturalisation d’une personne étrangère née en France deviendrait impossible.

Refus ou retrait d’un titre de séjour en cas de non-respect des "principes de la République"

Un étranger pourra se voir retirer ou refuser un titre de séjour s'il refuse de signer "un contrat d’engagement au respect des principes de la République", dans lequel il s’engage à respecter "la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République". Un demandeur qui refuse de signer ce contrat "ou dont le comportement manifeste qu’il n’en respecte pas les obligations" ne pourra obtenir aucun document de séjour.

Cour nationale du droit d'asile (CNDA)

L’organisation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est aussi réformée, dans le but de traiter au plus vite les demandes d'asile qui ont été déboutés devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). La loi entérine la généralisation du juge unique - contre trois actuellement, dont un juge assesseur nommé par le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR). Ainsi, la formation collégiale ne sera saisie que "pour les affaires complexes". Cette mesure faisait partie des revendications d'agents de la Cour, en grève depuis novembre 2023. La mise en place d'un juge unique aura pour effet "d’impacter la qualité des débats, des délibérés et des décisions", et portera "une atteinte grave au droit des requérants", avait déploré le syndicat Sipce. La nouvelle loi déconcentre par ailleurs la CNDA en créant des chambres territoriales.

Obligation de quitter le territoire français (OQTF)

La loi valide la systématisation des OQTF pour les étrangers à qui on a refusé l’asile. Une fois que la demande d’asile d’un étranger en situation irrégulière est rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), l’autorité administrative doit prendre à son encontre une OQTF dans un délai fixe, sauf si l’administration "envisage d’admettre l’étranger au séjour pour un autre motif". Cette mesure est assortie d’une suspension de la prise en charge médicale pour les étrangers déboutés définitivement du droit d’asile. Les députés ont aussi légalisé les OQTF contre des catégories d’étrangers, protégés auparavant, notamment :

· Les étrangers arrivés avant l’âge de 13 ans sur le territoire national,

· Ceux ayant des liens familiaux en France (parent d’un enfant français, conjoint d’un ressortissant français, marié depuis trois ans au moins avec une personne française)

· Les malades devant être pris en charge médicalement

· Les étrangers résidant régulièrement en France depuis plus de vingt ans

· Les ressortissants de pays membres de l’Union européenne

Le texte prévoit également qu’un étranger visé par une OQTF ne peut être hébergé au sein du dispositif d’hébergement d’urgence uniquement "dans l’attente de son éloignement". Tout étranger visé par une OQTF est donc exclu du droit à l’hébergement d’urgence. C'est le cas de nombreux migrants qui passent par les camps du nord de la France, par exemple. Une exception temporaire est prévue en cas de "situation de détresse suffisamment grave pour faire obstacle à son départ".

Rétablissement du délit de séjour irrégulier

Le rétablissement du « délit de séjour irrégulier » a été retenu. La mesure est assortie d’une peine d’amende de 3 750 euros sans emprisonnement et de trois ans d’interdiction du territoire.

Les mineurs ne pourront plus être placés en rétention

Malgré les réticences de la droite, le projet de loi l’interdiction pose l’interdiction de placer des étrangers mineurs en rétention.

Durcissement du regroupement familial

Le durcissement des conditions du regroupement familial voté par le Sénat se retrouve pour l’essentiel dans le texte final, avec notamment une durée de séjour du demandeur portée à 24 mois (contre 18 auparavant), la nécessité de ressources « stables, régulières et suffisantes » et de disposer d’une assurance maladie, ainsi qu’un âge minimal du conjoint de 21 ans (et plus 18). Si les autorités soupçonnent une demande de regroupement familiale frauduleuse, elles peuvent demander au maire de la commune où réside la personne demandeuse de vérifier "sur place des conditions de logement et de ressources", stipule la loi. L’âge minimal du conjoint a été porté à 21 ans, et non plus 18 ans. Pour prétendre à rejoindre sa famille en France, la ou les personnes concernées par le regroupement familial devront justifier d'une "connaissance de la langue française [...] lui permettant au moins de communiquer de façon élémentaire, au moyen d’énoncés très simples visant à satisfaire des besoins concrets et d’expressions familières et quotidiennes".

Une caution pour les étudiants étrangers

La droite a obtenu l’instauration, sauf dans certains cas particuliers, d’une caution à déposer par les étrangers demandant un titre de séjour « étudiant », visant à couvrir le coût d’éventuels « frais d’éloignement ». Les macronistes avaient pourtant combattu cette mesure constituant à leurs yeux « une rupture d’égalité » entre étudiants et risquant de fragiliser les étudiants internationaux. Le montant de cette caution sera fixé en prenant compte "des critères d’éligibilité des étudiants aux bourses". Cette caution est restituée à l’étranger lorsqu’il quitte la France à l’expiration du titre de séjour. Elle est en revanche "définitivement retenue lorsque l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une décision d’éloignement". À savoir que le ministre de l'enseignement supérieur peut "dispenser de l’exigence de caution" un étudiant si "la modicité des revenus et l’excellence de son parcours scolaire ou universitaire le justifient".

Centres de rétention administratif

L'interdiction de placer des étrangers mineurs en rétention figure dans le compromis final. Une mesure qui va dans le sens du droit international. Ces dernières années, la France a été condamnée une dizaine de fois par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour avoir enfermer des mineurs dans les CRA.

Quotas migratoires

Des quotas migratoires ont été adoptés mardi soir, pour plafonner "pour les trois années à venir" le nombre d'étrangers admis sur le territoire - hors demandeurs d'asile. Considérée de prime abord comme inconstitutionnelle par le camp présidentiel, la mesure, comme la tenue d'un débat annuel sur l'immigration au Parlement, figure finalement dans la nouvelle loi.

 Voir ici

 

Qu’en dit-on à Chaud ?

Des partis de gauche aux associations, en passant par les présidents de grandes écoles privées et d'universités... Les opposants à la loi Immigration votée mardi à l'Assemblée sont nombreux. Ils dénoncent le texte "le plus xénophobe" et le plus "régressif" de ces 40 dernières années, et s'inquiètent des conséquences sur les étrangers vivant en France. La loi, qui prévoit notamment des quotas migratoires, la préférence nationale pour les aides sociales ou encore le rétablissement de séjour irrégulier, est la plus restrictive jamais votée en France depuis des décennies.

Elle a d’ailleurs été saluée par le Rassemblement national, qui s’est félicité d’une "victoire idéologique" de ses idées. Mais cette loi pourrait bien fracturer le camp présidentiel. Au sein même du parti Renaissance et du gouvernement, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer le texte. À l’instar de plusieurs députés qui ont voté contre, ou de certains ministres qui ont mis leur démission en jeu quelques heures avant le vote. Mercredi matin, seul celui de la Santé, Aurélien Rousseau, avait démissionné du gouvernement. Sacha Houlié, le président de la commission des lois à l’Assemblée et figure de l’aile gauche de la Macronie, a jugé mercredi matin 20 décembre 2023 que ce projet était trop dur. "Je ne suis pas d’accord avec les mesures Pasqua ou Sarkozy que j’ai combattues toute ma vie politique (…) Je pense qu’il y a parfois un caractère excessif sur ses mesures (…) Pour toutes ces raisons, je n’ai pas souhaité voter ce texte".

Un "vote de la honte"

Les partis de gauche ont tous fait part mardi soir de leur consternation, voire de leur colère, après le vote à l’Assemblée nationale. À l’instar du groupe Les Écologistes qui déplorent un "vote de la honte". L’eurodéputé de la France insoumise évoque quant à elle "la loi la plus xénophobe de notre histoire", quand sa collègue cheffe de file des députés LFI au Parlement parle d’une "attaque en règle aux droits fondamentaux jamais vue dans ce pays depuis au moins 50 ans". Le patron du Parti socialiste (PS), estime que "nous avons assisté à un basculement historique : le renoncement par le chef de l’État à tous nos principes fondateurs et la fin du barrage républicain qui lui a permis d’accéder au pouvoir". Il demande solennellement, comme beaucoup d’autres, à Emmanuel Macron de ne pas promulguer le texte.

"Xénophobie complètement décomplexée"

Les associations sont, elles aussi, unanimement vent debout contre la loi sur l’immigration. Une cinquantaine d’organisations, dont la Ligue des droits de l’Homme et Utopia 56, ont signé un communiqué dans lequel elles fustigent un texte "laissant le champ libre à une xénophobie complètement décomplexée". Les ONG estiment que ce projet de loi est "le plus régressif depuis au moins 40 ans". Elles craignent que "faute de titre de séjour, la vie d’un nombre croissant de personnes étrangères en France, extrêmement précarisée, sera rendue infernale". "Les principes d’égalité, de solidarité, d’humanité, qui fondent notre République, semblent ne plus être aujourd’hui une boussole légitime de l’action gouvernemental". La Cimade, également signataire du communiqué inter-associatif, affirme que "face à cette victoire idéologique pleinement revendiquée par l’extrême droite, domine le sentiment d’une terrible lucidité quant à la gravité de l’instant, quant aux craintes pour l’avenir de centaines de milliers de personnes étrangères, pour notre pays tout entier". Amnesty international dénonce, de son côté, "un texte dangereux, irrespectueux des droits les plus fondamentaux des personnes exilées". Certaines associations, comme Utopia 56, disent entrer en résistance contre le texte. "Nous ne laisserons pas faire, nous nous soulèverons et nous vaincrons. Leur haine et leurs lois ne détruiront jamais notre solidarité". La Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe 900 associations, a quant à elle annoncé mercredi qu’elle engageait "dès maintenant les démarches nécessaires à l’examen par le Conseil constitutionnel des mesures contraires aux principes fondamentaux de solidarité et de fraternité indissociables de notre République". Les associations se disent ainsi "gravement préoccupées" pour "le respect des principes de solidarité et notamment d'inconditionnalité, la situation des personnes et les conditions de la lutte contre la pauvreté" par des intervenants "déjà fragilisés".

Une loi "contraire à l’esprit des Lumières"

La loi indigne aussi dans le milieu universitaire. Le texte prévoit notamment des quotas pour les étudiants étrangers, et une caution à déposer par les étrangers demandant un titre de séjour "étudiant", visant à couvrir le coût d’éventuels "frais d’éloignement". Les présidents d’une vingtaine de grandes universités publiques se sont élevés contre des mesures "contraires à l’esprit des Lumières". "Ces mesures indignes de notre pays mettent (…) gravement en danger la stratégie d’attractivité de l’enseignement supérieur et de la recherche française, et nuisent à l’ambition de faire de notre pays un acteur majeur de la diplomatie scientifique et culturelle internationales", écrivent les présidents. Les dirigeants de trois grandes écoles de commerce privées dénoncent des mesures "qui menacent gravement notre compétitivité internationale". "Loin d’être des solutions", ces mesures sont "des entraves disproportionnées qui risquent de compromettre durablement l’avenir de l’enseignement supérieur français", jugent-ils.

 

Vérités et contre-vérités sur l’immigration

Pour ceux qui sont prêts à prendre le temps voulu, durant ces périodes de Fêtes, il est intéressant de relire la présentation (déjà signalé dans un précédente lettre)de François Heran, titulaire de la chaire Migrations et Sociétés au Collège de France, et Président de l’Institut Convergences Migrations. : Immigration projet de loi Darmanin, Vérités, Contrevérités. Voir ici.

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